Voilà le troisième mandat de Michel à la tête de Limouse, qui vient de découvrir « l’attractivité » !

La suite au prochain épisode !

Texte : Mathieu Zimmer

Illustrations : Mathieu Zimmer et Julie Noel

Chez deux degrés on a profité du confinement pour ouvrir les livres d’urbanisme que l’on n’a jamais le temps de lire et pour se poser des questions sur l’avenir. La lecture de la ville des enfants de Francesco Tonucci a été particulièrement stimulant et comme on est d’accord avec lui, on vous raconte ce qu’on a en tête.

Pour penser l’avenir, il y a une piste de travail qui nous semble essentielle : les enfants. Tout de suite on se sent « utopistes », mais pour nous c’est tout ce qu’il y a de plus sérieux :

  • inclure les enfants dans les projets de territoire c’est travailler AVEC les générations futures (et pas faire semblant de travailler « pour » elles mais sans leur demander leurs avis)
  • concevoir une ville avec les enfants, c’est concevoir une ville qui réponde aux attentes de tous : proximité, espaces publics, marche à pied, vélo, nature, animation, etc.
  • les enfants pensent à eux, mais aussi à leurs parents, à leurs grands-parents, à la nature, etc. Ils ont une approche très pratique mais aussi très enthousiaste et positive des territoires et de l’espace public. En ces temps d’hyper proximité, cette vision est essentielle : il ne s’agit pas forcément de tout refaire, mais aussi de proposer de nouvelles choses sur les lieux existants
  • la culture doit être un relais de l’action des enfants, il faut les faire travailler sous des formes ludiques qui peuvent ensuite devenir des supports à l’action culturelle et toucher le grand public : des ateliers de dessins deviendront une exposition, des ateliers de récit territorial permettront de créer les contes de la ville de demain, des spectacles pourront être organisés, etc.

Sur plusieurs de nos projets; nous avons d’ores et déjà eu l’occasion de travailler avec les enfants, mais pour répondre aux enjeux de demain, nous pensons qu’il faut aller plus loin. N’ayons pas peur de prendre les enfants au sérieux. Arrêtons de considérer l’enfant comme un détail, ou pire un facteur de risque (pour les espaces publics, les aires de jeux, les équipements, etc.). Au contraire, prenons en compte tout ce que les enfants peuvent apporter (une ville ludique, agréable, pratique, etc.). Leurs remarques sont plein de bon sens, ils sont généreux.

Les enfants créent des usages spontanés passionnants. A Bordeaux, le parking-relais vide de Galin s’est transformé en aire de jeux géant (le dessin de Mathieu compense ses photos où on ne voit rien) :

Le parking-relais Galin transformé en aire de jeux pendant le confinement
La photo du parking-relais pendant le confinement (les flèches prouvent qu’il y a des gens sur la photo de Mathieu)

Jusqu’ici, les actions menées en France sont trop timides : des conseils municipaux des enfants qui sont surtout des cours d’éducation civique, ou alors de temps en temps des journées sans voiture et/ou des rues dédiées aux enfants. On reste sur des initiatives temporaires et ponctuelles là où il nous semble essentiel d’associer les plus jeunes de manière suivi et continue.

Chez deux degrés on s’interroge depuis pas mal de temps sur la concertation. Peut-être qu’une des solutions c’est justement le travail avec les enfants. Nous proposons de :

  • créer des conseils des enfants : un organe indépendant à l’échelle d’un territoire, qui puisse associer des jeunes de CM1 / CM2,
  • donner un réel pouvoir d’action et de proposition à ces conseils pour enfants : ils pourront être consultés par les élus, mais ils auront aussi un droit de regard sur tous les projets en cours, et bien entendu la possibilité de s’auto-saisir sur ce qui leur semble important,
  • dédier un budget spécifique au conseil des enfants : pour qu’ils puissent mettre en œuvre des actions rapides et concrètes : une sorte de budget participatif confié aux enfants. Ils proposent des actions et elles sont mises en œuvre par les services de la collectivité,
  • prévoir un accompagnement du conseil des enfants par un tiers extérieur (comme nous par exemple 🙂 ) qui soit garant de l’organisation des débats, de l’animation et surtout de la bonne prise en compte et du suivi des propositions faites par les enfants.

Il nous semble qu’en se donnant les moyens de lancer de telles initiatives, nous aurions des propositions bien plus audacieuses que lors de toutes les réunions de concertations habituelles. Plus d’envie, plus de générosité, moins de compromis et d’intérêts particuliers. Et surtout donner une vision de ce que pourrait être le territoire de demain ! Les nouveaux mandats municipaux vont bientôt commencer : c’est le moment d’être audacieux !

Et puis réaliser des projets d’enfants, ça promet de mettre un peu de fun dans l’espace public ! > https://creapills.com/things-i-have-drawn-papa-dessin-fils-realite-20191206

Pierre-Marie

Forcément, chez deux degrés, la situation actuelle nous interroge. Le confinement, la crise sanitaire, toutes ces idées pour le monde de demain … cela vient confirmer d’un côté ce que les habitants nous disaient déjà (donc beaucoup de bon sens et de pragmatisme). Cela donne aussi de nouvelles idées et pose de nombreuses questions. On vous propose 12 points qui nous ont marqué et les leçons à en tirer sur le dessin du quartier urbain idéal (et donc la nature des projets d’aménagement à venir).

Bien vivre c’est d’abord avoir un « bon logement » : grand, lumineux, agréable. C’est le facteur premier d’inégalité sociale en ces temps de confinement. On nous prend la tête depuis des années avec la domotique et la technologie qui monte ton chauffage quand tu claques dans tes mains, mais l’essentiel n’est pas là. Il faut du soleil, de la lumière et un espace extérieur.

La nature près d’un logement c’est cool : quand on a un espace vert dans son « kilomètre » de sortie, tout de suite c’est mieux.

Le télétravail ça marche : pas pour tout le monde, et pas tout le temps, mais on pourrait quand même largement le développer. Et qui dit télétravail dit moins de présence au bureau en permanence et/ou la possibilité d’horaires décalés. Plus la peine d’être tous dans sa voiture (et seul dans sa voiture) chaque matin pour embaucher à 9h tapantes… ca laisse un peu de place sur les routes non ?

Déplacements et transports : même si on ne connaît pas les comportements de demain, quand on voit la psychose pour un rouleau de PQ, on peut imaginer que, demain, certains auront peur de la promiscuité des transports en commun. Le vélo risque d’être encore plus à la mode en ville (en plus c’est l’été) et pour les territoires périphériques et ruraux ça va encore renforcer la voiture, fini les petites lignes de bus …

La livraison et la proximité : ce qui compte, c’est de pouvoir faire des courses alimentaires pas trop loin. Pour le reste, les gens arrivent à s’en passer … ou ils utilisent internet et les livraisons, on est moins fan mais c’est une réalité. C’est la proximité qui prime, au point de ne même plus bouger ! Il y aura des livreurs et des retraits de colis partout. Coucou Amazon 🙂

Un espace urbain sans animation, ça ne sert à rien : boire un verre, aller au restau, au cinéma, croiser du monde … cela reste les qualités intrinsèques d’un espace urbain animé. Bon…il y aura aussi plein de 5G et d’heures perdues à chercher quoi regarder sur Netflix…

Une partie des personnes qui vivent à la campagne notent finalement peu de changement sur leur mode de vie. Cela aurait même tendance à valider leurs choix, au point d’intensifier la demande en maisons individuelles sans pour autant régler les problèmes que cela peut poser (dépendance à la voiture, temps de trajet, ennui pour certains). Les villes ont probablement encore des choses à apprendre de la campagne. Et inversement.

Le voyage partout dans le monde, tout le temps, va en prendre un coup : moins de week-end à Barcelone, Copenhague et Dublin … Plus de détours par Limoges, Clermont-Ferrand et Vannes ? Ou peut-être une visite de la base de loisir de son département ?

Les gens restent les gens … la crise révèle le pire (la délation, les fakes news, les experts en tout) mais aussi le meilleur (les solidarités entre voisins, l’entraide, le système D). Il y a les riches qui s’isolent loin de tout, les quartiers modestes qui s’organisent comme ils peuvent, les hypocondriaques qui ne veulent plus sortir, etc.

Les enfants semblent plutôt bien vivre la situation : ils font des cabanes, ils jouent, ils profitent des plaisirs simples … peut être qu’on devrait plus les écouter pour concevoir la ville ? Bon, par contre, pour les parents c’est plus compliqué. Ils se sont rendus compte qu’être prof c’était pas si simple. Même si c’est sympa d’apprendre des trucs à son enfant … ils sont quand même nombreux à espérer la réouverture des écoles !

L’accès aux soins : on centralise de plus en plus les soins (le gros CHU et puis plus rien), au point qu’aller se soigner peut sembler dangereux (je vais être malade en allant à l’hôpital). La proximité des établissements de soin est une attente importante, notamment pour les plus fragiles.

Définir nos priorités et s’engager : soyons réaliste, une belle grosse crise économique arrive. On va tous perdre en niveau de vie, et les collectivités locales aussi. Où allons-nous faire des économies ? Quels services seront essentiels ? Quels sont ceux qui seront gérés autrement ? Et s’il était temps de repenser au revenu universel ? Au salaire universel ? … et d’en faire par exemple un revenu de collectivité pour lequel on donne un peu de son temps pour la vie des territoires (gérer la bibliothèque, le bar associatif, assurer l’entretien des voiries ou des espaces verts, s’occuper du compost de quartier).

Bref, tout est possible, le meilleur comme le pire. Pour conclure, on essaie de se concentrer sur le positif et de confirmer quelques certitudes acquises sur le terrain concernant le quartier idéal et l’importance du quotidien dans la qualité du cadre de vie. Cela ressemble à quoi notre environnement urbain demain ?

Pierre-Marie, Mathieu

Au départ, on voulait juste faire un innocent article sur la concertation, avec quelques critiques puis quelques propositions. Un article du genre « nous on sait ce qu’il faut faire ». Du coup, l’un d’entre-nous a écrit puis on se concerte pour finaliser. Et là, en se concertant sur un article sur la concertation, on a soulevé plein de petites questions qui se sont transformées en grandes questions existentielles bien déprimantes :

« On en tire quoi de nos concertations ? »

« Mais pourquoi on fait de la concertation au juste ? »

« Pourquoi tout le monde s’en fout ? Surtout ceux pour qui ont le fait ? Les habitants ? »

« Toi aussi tu as envie de tuer le vieux qui gueule le plus fort à chaque réunion ? »

« Ça va toi en ce moment ? Ça a pas l’air d’aller top… »

Évidemment, en façade, tout le monde trouve la concertation super, avec plein d’enthousiasme, notamment les agences qui ressemblent à la nôtre. Chacun a ses solutions miracles. Mais derrière les beaux sites web, la vérité est tout de même moins colorée et souriante. Des spécialistes de la concertation qui, réunion publique après réunion publique, croient de moins en moins en l’espèce humaine… Des techniciens des collectivités qui n’en peuvent plus de devoir concerter pour tout et n’importe quoi (et ça ne devrait pas s’améliorer avec les élections municipales 2020)… Des opérateurs immobiliers qui y croient plus ou moins, ou alors qui n’y croient plus trop à force d’usure. Mêmes les habitants en ont marre, ça dure longtemps, ça n’avance pas et on ne fait pas ce qu’ils ont dit…Il y a pourtant, ces dernières années, beaucoup de bonnes volontés et de bonnes intentions sur la concertation, avec de bons résultats. Mais c’est la pratique qui casse tout cet enthousiasme.

Pour avancer doucement mais sûrement, on peut déjà dessiner un constat de ce qui ne marche pas dans la concertation. Là dessus, on est presque tous d’accord.

Premièrement, il y a un gros problème lié au temps de l’aménagement. C’est un temps très très lent et c’est compliqué à gérer pour tout le monde. Concerter sur un projet d’aménagement dont les premiers coups de pelle ne débuteront que cinq années plus tard, c’est frustrant. Concerter pour améliorer un modeste espace public, faire ressortir des besoins très simples de bancs et attendre trois ans pour avoir enfin le banc installé, c’est très très frustrant. Et lorsque les démarches de concertation viennent encore rallonger les temps de réalisation (enquête publique, recours contentieux, arbitrages politiques …), ça devient franchement totalement désespérant. Les habitants veulent bien de la concertation mais ils veulent du changement avant tout. Si on arrivait à réaliser plus rapidement les demandes simples, ce serait déjà une grande victoire. Comme nous l’a dit un jour un habitant à un atelier de cartographie participative : « non mais vous nous embêtez avec votre participatif. Faites comme c’était prévu au départ et qu’on n’en parle plus ! »

Deuxièmement, on ne concerte pas avec tout le monde. On a beau diversifier les méthodes et les outils, organiser un concert gratuit avec cubi de vin à volonté, c’est globalement toujours les mêmes personnes qui s’expriment (hommes, blancs, entre 50 et 70 ans, classe moyenne / classe supérieure). Et puis elles se déplacent avant tout pour défendre leurs intérêts privés : la tranquillité de leur jardin, la valeur de leur maison, le calme de leur quartier, etc. Plus on concerte, plus on donne du crédit à des stratégies défensives pas toujours soucieuses de l’intérêt général (mais très compréhensibles). Si à chaque concertation ce sont toujours les mêmes qui parlent c’est quand même qu’il y a un problème et que cette démocratie n’est pas vraiment participative non ? Au contraire elle est même « confisquée » par ceux qui savent comment et où se faire entendre.

Il faut aussi accepter que beaucoup de personnes s’en foutent ou ne se sentent pas en position pour donner leur avis. Par exemple nous, on se sent pas du tout légitime pour donner notre avis sur la manière d’améliorer telle voiture ou telle recette de compote. Alors pourquoi tout le monde se sentirait pertinent pour discuter de l’aménagement d’un quartier ?

Troisièmement, à tout vouloir concerter, on aboutit à des projets qui ne sont plus qu’une addition de compromis et qui perdent beaucoup en ambition. On a beau faire un bon travail avec les riverains, avec un programme négocié et intelligent, tout peut s’écrouler sur la ligne d’arrivée avec un élu qui cède à un habitant râleur lors de la réunion de restitution (surtout à 6 mois d’élections municipales) en lui disant : « vous avez raison Monsieur Robert, nous allons enlever deux étages.  Les architectes reprendront le projet la semaine prochaine.» Et ben non ! Monsieur Robert n’a pas forcément raison. Monsieur Robert il veut rester peinard, c’est tout. Et si tout le monde veut rester peinard, ce qui est très légitime, et bien on ne loge plus personne et on s’ennuie fermement.

Quatrièmement, on n’arrive vraiment pas à mobiliser les habitants sur des questions de planification, de stratégies de territoire, de prospective (SCOT, PLUi). Aujourd’hui, si personne ne participe sur ces sujets, c’est parce que personne ne comprend vraiment de quoi il s’agit et que les gens ont du mal à imaginer l’avenir à 10 ou 20 ans. C’est pourtant là que tout se passe. La grosse flèche verte sur le SCOT, c’est elle qui va vous empêcher cinq ans plus tard de donner une partie de votre terrain pour que votre enfant construise dessus. C’est sûrement à cette échelle que la concertation demeure la plus importante car c’est à cette échelle qu’on peut le mieux parler de l’intérêt général. Mais pour y arriver il faut arrêter de considérer la concertation comme une simple obligation du code de l’urbanisme (3 réunions publiques, un registre et c’est terminé ni vu ni connu).

Bref, la concertation ça marche moyen… Enfin si, ça marche pour au moins deux choses :

  • combler les lacunes des espaces publics en terme de confort (bancs, arbres, ombres, cheminements larges, nature, grands arrêts de bus). Mais pour cela, pas besoin de concerter absolument, il faut prendre en compte dès le début les besoins des habitants qui sont presque toujours les mêmes : s’asseoir, se déplacer à vélo ou en fauteuil, avoir de l’ombre et des arbres, des jeux pour enfants. Encore faut-il que les habitants soient cohérents et ne râlent pas contre les feuilles de ces mêmes arbres ou le bruit des ces jeux pour enfants… À ce sujet, le succès des budgets participatifs est très parlant. Tout le monde s’exprime, sur des sujets très quotidien, et les collectivités s’engagent à les réaliser rapidement.
  • Se faire entendre sur une vision de la société qui ne nécessiterait pas d’énormes infrastructures ou projets (aéroport, complexes commerciaux), et qui laisserait davantage de place à la nature. Bien entendu, ça pose plein de questions mais disons que les militants anti aéroport de Notre-Dame des Landes ou antiEuropacity ont su se mobiliser au delà de toute concertation organisée pour empêcher ces projets.

Adpater la méthode : du terrain, du dessin et de l’envie

Dire que la concertation ne marche pas très bien ne veut pas dire qu’il faut tout arrêter … il faut surtout se demander pourquoi ? Pourquoi on va solliciter l’expertise des habitants ? Pourquoi on a besoin d’eux ? Qu’est-ce que la concertation a amené de positif dans ce projet ? Pourquoi les habitants s’en foutent ?

Nous, à première vue chez deux degrés, on pense qu’il faut surtout proposer des visions. Des visions de l’état actuel et surtout des visions de ce que pourrait être un territoire demain. Cela passe par des enquêtes de terrain pour écouter ce que tout le monde a à dire (à conditions qu’on veuillent bien écouter…cf. les gilets jaunes). Cela passe aussi par des visions collectives de territoire, avec des outils pour se projeter, réagir, dire oui, dire non, donner envie. Mais comme on a un doute sur les solutions miracles, on a décidé de prendre le temps d’enquêter sur la concertation, de voir ce qui se fait à droite à gauche, d’entendre des techniciens nous raconter en off tout ce qui a foiré dans leurs projets, voir des urbanistes pleurer en nous parlant de leur 25ème atelier sur le réaménagement d’un parc qui aboutit à un abandon du projet à cause de la peur des moustiques tigres, rencontrer des habitants nous dire que tout avait été bien pensé depuis le début, que le projet est très bien.

La concertation on y croit mais ça mérite de se poser de bonnes questions avant. Donc, comme on dit souvent : « on revient très vite vers vous avec des réponses » (réponses qui n’arrivent jamais rapidement dans le monde de l’aménagement). Voilà donc une fin d’article très frustrante mais qui ouvre la discussion. Alors n’hésitez pas à nous contacter pour nous donner votre avis. Vous pouvez même râler, vous plaindre, on prend le temps d écouter avant de proposer des pistes constructives.

Pour nous partager vos idées, nous faire passer vos remarques, nous expliquer que notre mission de concertation prendra fin prochainement, contactez nous ici > contact@deuxdegres.net

On travaille dans une zone d’activités. On passe donc près de 45 heures par semaine dans ce lieu hostile mais pourtant plein de vie. Et parce que ces lieux sont souvent pas pensés, et bien les usagers s’adaptent et improvisent. Cela donne de belles choses.

Voici donc un portrait de notre ZAE préférée, sur la rive droite de Bordeaux.

Une pensée pour tous nos ami(e)s urbanistes qui font de la concertation avec ce modeste recueil de phrases entendues lors de nos diverses missions. On vous souhaite de bonnes vacances de fin d’année pour vous reposer, loin des habitants et autres riverains.

Maintenant que j’ai détaillé notre approche territoriale, il est temps de vous raconter nos changements de posture issus de nos expériences et intuitions récentes. Deux degrés a toujours été engagé, notamment en faveur des villes moyennes, mais notre vision évolue car le monde évolue.

1 – Les facteurs de changement

La crise environnementale est un puissant facteur qui remet la question de la qualité de vie quotidienne au coeur du projet. Nous ne pouvons plus faire de projets inadaptés aux changements climatiques et à la gestion économe des ressources.

L’augmentation du coût du foncier a des incidences très lourdes sur les fins de mois des ménages. La tentation d’emprunter au maximum pour acheter son logement rend les dépenses imprévues difficilement gérables. Aussi, le choix du cadre de vie et les coopérations entre voisins sont autant d’opportunités pour rendre la vie meilleure et moins chère.

Les ménages (trentenaires notamment) qui ne peuvent plus se loger dans les métropoles et qui veulent retrouver un mode de vie « urbain » lorsqu’ils s’installent dans des espaces moins actifs, devraient contribuer à faire évoluer les territoires péri urbains et ruraux.

De manière générale, tout le monde a goûté aux avantages d’une métropole attractive. Le rapport à l’animation a changé. De plus en plus d’habitants souhaitent un « extrait » de centre-ville juste à côté de chez eux.

On rêve de calme mais avec l’animation vraiment pas loin !

Les Français vieillissent, certains en ont marre des tondeuses et du golf, de la solitude. Ils reviennent dans des espaces animés (en ville).

Et enfin, les politiques locales influencent de manière durable les modes de vie mais également les convictions politiques. Il suffit de voir le vote écolo aux européennes et la correspondance avec des collectivités « vertes ».

Bref, l’avenir est dans le local et le local change.

2 – Un urbanisme positif

Les projets d’aménagements sont de plus en plus malins et construire aujourd’hui peut être synonyme d’amélioration de l’environnement au sens large. Nous sortons d’une période où nous avons tellement bousillé les sols et fait disparaître la nature, même dans la campagne (avec l’agriculture notamment), que par de nombreux points, construire amène des changements positifs (fraîcheur avec les arbres, gestion de l’eau, biodiversité, etc). Nous avons eu le plaisir de travailler avec la mairie de Bègles sur la notion d’urbanisme positif (accessible ici) et nous nous sommes attachés à cette notion. Nous intervenons sur le projet des Sècheries dans la même commune (un grand parc habité porté par Aquitanis), nous collaborons avec La Fab sur le projet de renaturation de l’immense zone commerciale de Mérignac Soleil (+ 10 000 arbres à la place des parkings).

3 – Une nouvelle géographie des projets et une activation des lieux

L’enjeu pour les années à venir sera de créer de l’animation là où il y a beaucoup de monde au calme. Et il faudra créer du calme là où il y a beaucoup d’animation. Notre attention se porte de plus en plus vers les territoires au-delà des rocades et des périphériques. Dans un territoire comme la Gironde qui accueille chaque année près de 20 000 nouveaux habitants, plus de la moitié s’installent dans cet espace immense et très hétérogène. Si on prend en compte le vieillissement de la population qui ramène des retraités dans des logements collectifs à proximité des services, on peut être convaincu que ça va bouger un peu partout et c’est passionnant. J’ai grandi dans une raquette de lotissement, plus de la moitié de l’équipe de deux degrés vit désormais à plus de 20 km de Bordeaux, nous avons envie de projets autour de rond-points, dans des anciennes usines à la campagne ! La géographie des projets va changer rapidement avec des parkings de supermarché qui deviennent des centres de vie, des logements collectifs au milieu des lotissements ou en pleine campagne.

4 – Ne pas avoir peur de tomber ou de se couper

En fait, le vrai défi, c’est de remettre tout le monde à l’action. Il y a un temps pour la concertation, un temps pour la participation et puis il y a surtout un temps pour la responsabilisation et l’action. Ce qui fait mal, c’est l’accumulation de normes, de procédures, de responsables pour tout et pour rien. Au lieu de gueuler contre le syndic et l’entreprise d’espaces verts parce qu’il y a une plante qui pousse sur la route, il faut sortir son sécateur et régler le problème. On va revenir à des choses de bon sens (le progrès, c’est souvent revenir aux choses simples que le progrès a lui-même rendu compliquées). Il faut faire évoluer les codes culturels autour de l’environnement. C’est bien l’herbe qui pousse, c’est cool les abeilles, c’est sympa de marcher, c’est pas grave si un enfant tombe, ça peut être intéressant de parler à son voisin avant de lui coller un procès pour sa clôture. Et puis il faut donner envie. Envie de partager, de mettre en commun. Pour revenir au début du texte, notre métier consiste surtout à identifier les lieux et les occasions où les habitants ont envie d’être ensemble. Parce qu’être ensemble, dans de bonnes conditions, ça rend moins con et ça crée du territoire.

Illustration : Julianne Huon (deux degrés)

Donc deux degrés continue en s’engageant davantage dans l’animation des territoires (en évitant que la Terre brûle dans les flammes de l’enfer environnemental). Je relance de mon côté l’observatoire des villes moyennes qui parlera aussi de rural. Ca s’appellera dorénavant Youpi La France ! Il y aura toujours des réflexions, des fictions territoriales, des choses sérieuses, des choses légères. Le but sera encore de donner envie de bouger, de monter des projets, de dire non à Paris, de tenter l’aventure dans des villes qui suscitent l’incompréhension de vos proches, d’avoir tous l’occasion de planter des arbres n’importe où. Bref, de donner une vision positive des changements à venir parce que franchement, Yves Cochet et ses chevaux, il nous fait bien chier!

Bisous.

Mathieu Zimmer

Retrouvez les 4 articles précédents ici :

https://www.deuxdegres.net/ce-nest-pas-la-taille-qui-compte/
https://www.deuxdegres.net/convergence-evitement-calme-animation/
https://www.deuxdegres.net/a-la-recherche-de-la-situation-ideale/
https://www.deuxdegres.net/le-quotidien-la-proximite-et-laction/

Quatrième article méthodologique sur notre vision de l’urbanisme dans les années à venir. Aujoutd’hui, on parle de quotiden.

1- La vie, c’est le quotidien

Nous avons crée deux degrés car les professionnels de l’aménagement ont un vilain défaut. Ils n’aiment pas parler de la réalité, du quotidien. Il y a beaucoup trop d’usages qui passent sous le radar, probablement pas assez nobles ou esthétiques pour les images de projet. Mais une chose est sûre, et c’est notre crédo : le quotidien est ce qui importe le plus aux habitants. Garer sa voiture, déposer les enfants à l’école, faire ses courses, dormir au calme, boire un verre avec des amis, sortir sa poubelle… C’est tout cela qui compose l’essentiel de la vie quotidienne. Il faut donc en parler et le prendre en compte. Une ville qui marche, c’est une ville qui donne envie d’être dehors, même à 8h30 du matin.

2- La vie, c’est aussi la proximité

On a beau bouger de plus en plus avec les avions low-cost et les locations airbnb, on reste tout de même profondément ancré dans la proximité. Dans une ville dense, l’échelle qui compte, c’est celle du quartier (dans des territoires moins denses, tout se fait en voiture, les perceptions sont donc très différentes). Parce que c’est chiant d’avoir une voiture en ville, on privilégie la marche à pied, le vélo, le métro. Et faire plus de 400 mètres à pied, ça lasse. Du coup, un quartier qui donne envie, c’est un quartier où il y a tout.

3 – Le quotidien, ce doit être pratique

Depuis bientôt 10 ans, nous sommes sur le terrain avec les habitants, les usagers. Notre métier, c’est en partie de gérer ce qui a été mal pensé ou pas pensé par les architectes, les urbanistes ou les paysagistes (qui ne sont plus en contact direct avec les usagers qui utilisent leurs aménagements, une fois qu’ils sont livrés). Nous faisons le service après-vente, nous enquêtons, nous parlons avec les personnes que nous croisons. Ils ont une demande forte et très simple : rendre le quotidien plus pratique. Et lorsque nous faisons attention au quotidien, nous faisons aussi du projet. Il faut remettre le quotidien au centre de la réflexion (nous sommes Bordelais, nous savons ce que c’est des espaces publics qui glissent quand il pleut, des rues sans bancs, des balades sans arbres, des vélos sans pistes ni garages…)

Abribus – Cuiabá – Gustavo Duarte / Prefeitura de Cuiabá (article urbanews)

4 – Et puis il y a la fin du monde qui modifie un peu le quotidien

Le réchauffement climatique, la malbouffe, la pollution, le fait de rester son cul posé sur une chaise pendant des heures pour écrire et répondre à des mails sont tout de même des choses très concrètes qui viennent pourrir le quotidien. Mettre des arbres pour tempérer le climat, produire localement, ne pas se déplacer pour rien sont des éléments qui ont du sens par contre. Cela crée des espaces, des paysages, des usages quotidiens mais aussi du lien entre habitants et usagers. On partage davantage autour d’un compost que sur une place publique quelconque (et c’est visiblement l’enseignement principal des budgets participatifs).

5 – L’émergence des initiatives locales

Pour toutes ces raisons, nous nous intéressons aux initiatives citoyennes, qui ont pour nous l’intérêt de rapprocher usagers partageant des envies communes, modes de vie et territoires (tout ce que nous aimons). Elles ont aussi l’intérêt de pouvoir parfois avancer sans COTECH, COPILS, validations, inauguration par un élu. Comme nous l’avons dit précédemment, dans le Méga Grand Bordeaux, nous avons imaginé l’émergence d’initiatives territoriales citoyennes : un village géré par des chasseurs, une coopérative d’habitants modestes dans un lotissement pavillonnaire, des bricolos qui veulent faire sans CERFA. L’objectif est de développer un territoire autour de pratiques communes, de règles de vie partagées.

6 – Ce n’est pas magique

Bien entendu, il ne faut pas s’attendre forcément à des solutions miracles. Les habitants sont plein d’égoïsme, ils sont bien souvent très auto-centrés. Il y a des cons…Certaines de leurs idées sont de belles idées, d’autres sont des projets défensifs remplis de craintes. C’est à la puissance publique de montrer la voie, de mettre des limites, d’accompagner dans le sens de l’intérêt général et d’éviter les effets négatifs. La démocratie participative, c’est loin d’être merveilleux et idéal. Cela peut être très long, très fatiguant, très frustrant. Il faut savoir l’utiliser au bon moment, au bon endroit et faire avec toutes les personnalités complexes des habitants et des usagers.

Pour voir tout ce qui rend un projet territorial très long et très pénible à porter, vous pouvez vous reporter à la liste non exhaustive des emmerdes dans le Méga Grand Bordeaux (concertation, réglementations, jeux d’acteurs entre institutions, aucune prises de risques…)

7 – Actions et réflexions locales

Lorsque nous accompagnons des opérations d’aménagement, nous mêlons donc réflexions collectives et actions individuelles. Il faut savoir fonctionner autant par démonstration que par intelligence collective. Il y a des phases où nous réalisons des petits projets nous-même, pour créer de nouvelles situations. Nous travaillons également avec les acteurs les plus moteurs qui sont capables de tirer un projet très rapidement. Ainsi, nous arrivons à transformer rapidement un lieu et convaincre petit à petit les indécis et les sceptiques. Cela marche avant tout à l’envie et à la spontanéité (et avec la confiance des collectivités et des aménageurs). En parallèle, il y a des phases où nous nous mettons autour de la table pour définir ce qui semble être les opportunités et les envies les plus porteuses et les plus partagées.

Dans le Méga Grand Bordeaux, nous avions imaginé une façon de faire du projet territorial en faisant appel aux initiatives citoyennes. C’est ce qu’il se passe dans plusieurs pays européens depuis des années d’ailleurs, mais il faudra l’adapter aux spécificités françaises (on n’aime pas ses voisins, on adore les clôtures, on râle). Cela arrive, comme en Haute-Garonne par exemple (https://www.haute-garonne.fr/haute-garonne-demain).

Dans la seconde partie du Méga Grand Bordeaux, nous racontons un projet territorial qui repose sur la prise en compte des projets territoriaux portés par des citoyens. Le rôle des collectivités évoluera vers davantage d’accompagnements aux projets. Ce ne sont plus les fonctionnaires et les élus qui ont toutes les idée mais ce sont eux qui aident à les réaliser.

Retrouvez le dernier article ici :

https://www.deuxdegres.net/on-fait-quoi-demain/

1 – À la recherche de la situation idéale

Idéalement, tout le monde aimerait vivre dans une ferme / loft de 5 hectares boisés mais avec tous les commerces et les services au bout du chemin (pas trop long le chemin). La situation idéale, c’est vivre dans un lieu super calme à deux pas de lieux très animés.

Plus on est au centre de l’animation, plus la valeur du moindre espace calme augmente (la terrasse dans un appartement Parisien). Plus on est enfoncé dans un dans espace calme, plus la proximité d’un lieu animé est précieuse (un super tiers-lieu au milieu de la campagne).

Notre métier consiste donc à multiplier la diversité et la complémentarité de ces situations géographiques, maximiser les opportunités et les interactions positives qu’elles génèrent. Étant entendu que des espaces animés ou des espaces calmes beaucoup trop grands sont préjudiciables (on va mourir = Paris ! ou en va s’ennuyer fort = La Meuse).

Pour cela, nous avons différents paramètres et outils à prendre en compte.

2 – L’occupation, la situation et la configuration influencent le degré d’animation.

Plus c’est densément occupé par des usagers actifs, bien situé, bien relié et bien traversé, plus il y a de chance que ce soit animé. Si c’est peu dense, occupé par des usagers peu actifs, isolé, mal relié et pas traversant, il y a de fortes chances qu’il ne se passe absolument rien. C’est quasi mathématique.

3 – Les ruptures et les connexions

A titre personnel, j’ai toujours aimé les ruptures en ville. Passer d’un côté et de l’autre d’une voie ferrée, traîner derrière une zone commerciale, franchir les rivières. En quelques mètres, on passe d’une ambiance à une autre, bien souvent d’un lieu animé à un lieu plus calme. Je suis fasciné par la manière dont des voies ferrées peuvent, par exemple, créer des oasis résidentiels calmes dans un espace urbain plus animé.

Un usage intelligent de la rupture (voie ferrée, cours d’eau, mur, absence de rues, ambiance) permet de faire cohabiter deux lieux différents, l’un contre l’autre, sans générer de conflits. Et puis tout l’intérêt de la rupture, c’est de bien gérer les ouvertures, les connexions, là où il y a du mélange.

« La rupture est composée de deux éléments : l’obstacle et son point de franchissement (l’ouverture, la porte, l’accès). Les ruptures, dans nos villes contemporaines, ne ressemblent pas systématiquement à des murs infranchissables de 4 km de long. Ce sont des ruptures que l’on peut franchir ponctuellement. L’accès, pendant essentiel de l’obstacle, renvoie pour nous à ce que devrait être la ville fluide, c’est-à-dire fluide par moment, au niveau des points de franchissement. Quand on parle de ville fluide, on évoque un lieu et un temps où le maximum de rencontres et d’échanges sont possibles, un paradis urbanistique où les gens s’aiment, se côtoient.1 »

Les ruptures. Mathieu Zimmer. Le Petit Paris.

1Le Petit Paris. Chapitre 8 «grumeau urbain ». p 262

4 – Les espaces publics et les « spots »

Évidemment, un espace public attractif pourrait ramener du monde au milieu de rien (mais va falloir mettre de choses sacrément intéressantes dessus). On voit surtout l’émergence de « spots », des lieux hybrides, hyper attractifs, dans des coins un peu retirés, qui arrivent à attirer et concentrer les pratiques cool (Darwin à Bordeaux au début des années 2010 par exemple).

5 – La complémentarité fonctionnelle

On nous parle tout le temps de mixité. Mixité sociale, mixité fonctionnelle. Mais ce n’est pas intelligent et intéressant en soit la mixité moyenne. C’est la nature du mélange qui compte. Donc il ne faut pas tout mélanger car c’est source de conflits (les habitants au dessus du bar par exemple). Il faut mélanger des éléments complémentaires (un bar dans un quartier de bureau par exemple, là où il n’y a pas d’habitants pour râler). Avec Florian, nous avons appelé ça la complémentarité fonctionnelle. C’est un moyen de faire cohabiter des usagers et des fonctions différentes dans un même lieu. On vous assure que ceux qui habitent en plein milieu d’une zone d’activité sont contents car ils n’ont aucun voisin ! Alors vouloir remettre du conflit (c’est-à-dire des voisins) là où il n’y en a pas, c’est peut-être dommage.

Le chapitre 8 du Petit Paris explique le principe de complémentarité fonctionnelle, de l’art de mélanger intelligemment les ingrédients urbains entre eux (et surtout l’art d’éviter certains mélanges contre-productifs). Dans le domaine de l’urbanisme, il faut parfois aller contre ses automatismes. Il ne faut pas trop aménager, il ne faut pas toujours trop mélanger.

Dans Le Petit Paris, on avait imaginé que La Défense devienne un lieu de fête (pas de voisins donc pas de conflits). « Est-ce réellement une bonne idée d’intégrer de la mixité fonctionnelle à la Défense ? De mettre des habitants dans un quartier où il n’y en a presque pas ? Nous pensons que non. La Défense est vide le soir et le week-end, nous devrions en profiter pour y mettre des activités qui emmerdent traditionnellement les riverains. Bourrons le quartier de bars et de boites, laissons gueuler les gens la nuit. Ils ne gêneront pas grand monde et ils pourront même repartir bosser à pied après une nuit blanche1. » Les récents projets dans le quartier d’affaire vont plutôt dans ce sens (http://oxygen-ladefense.fr/ ).

1Le Petit Paris. Chapitre 8 «grumeau urbain ». p 250

6 – Les grumeaux urbains

Lorsque nous ne pouvons pas faire cohabiter tous les modes de vie souhaités dans le même lieux, il faut faire cohabiter des lieux différents à proximité. Mais faire cohabiter nécessite aussi de préserver l’identité de ces lieux, de veiller à ne pas venir mettre de la mixité qui neutraliserait ce qu’il s’y passe. Face à l’homogénéisation de la ville qui rend tout moyen (mêmes enseignes, mêmes commerces, mêmes usagers, mêmes conflits remportés par les mêmes usagers, fluidité partout), nous avons imaginé les « grumeaux urbains », des lieux non dissous dans un territoire fluide.

« Ces lieux permettraient « de maintenir en ville des lieux spécifiques, spécialisés. Le grumeau urbain serait une poche de ville mal dissoute, qui tolère peu le mélange, qui ne ressemble pas à ce qu’il y a autour. Un lieu dans lequel on ne vient pas chercher une mixité de fonction mais une ou deux fonctions bien particulières, afin de ne pas vivre tout le temps comme tout le monde. Le grumeau repose la question du spatial en ville. Que peut-il se passer ici qu’il ne se passera pas là-bas ? Comment faire pour que les habitants de ce quartier ne vivent pas de la même façon que leurs voisins ? Et surtout, comment faire pour que ces voisins ne fassent pas chier les habitants de ce quartier ?1 »

Un grumeau urbain, c’est le quartier un peu foutoir où les choses ne se passent pas comme ailleurs, c’est un quartier de grand ensemble où le coeur d’ilot est réservé aux habitants et à leurs modes de vie, c’est un campus universitaire vide le samedi. Et c’est surtout la volonté de préserver leurs spécificités de l’homogénéisation urbaine.

1Le Petit Paris. Chapitre 8 «grumeau urbain ». p 248

La ville fluide. Mathieu Zimmer. Le Petit Paris
La grumelosité urbaine. Mathieu Zimmer. Le Petit Paris.
Fludité et grumeaux. Mathieu Zimmer. Le Petit Paris.

Le chapitre 8 du Petit Paris définit le grumeau urbain, ses avantages, ses principes de préservation et ses limites.

Le grumeau de Neuilly. Florian Rodriguez, Mathieu Zimmer, Martin Lavielle. Le Petit Paris.

7 – L’appropriation

Et puis bon…au final, il y a l’appropriation. C’est-à-dire que les usagers feront ce qu’ils veulent des espaces mis à disposition. Alors faut planifier et aussi laisser la magie faire. Urbaniste, c’est un subtil mélange des deux.

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Depuis le début de deux degrés, on s’attache à décrire une ville telle qu’elle est, avec ses bons et ses mauvais côtés. Le gros défaut de notre profession est de ne pas dire clairement les choses. Espace public, centralités, mixité, etc. On jargonne et on ne raconte rien du coup. Pour bien analyser une ville, il faut la décrire en détail en prenant en compte toute la subjectivité des habitants (c’est visiblement la tradition sociologique de l’école de Chicago, et notamment d’Erving Goffamn et Howard Becker) mais aussi des éléments quantifiables.

1 – Une ville accueille des habitants différents, des usagers différents

Une ville concentre plein d’individus qui sont là par choix, par défaut, par obligation ou parce qu’ils ont toujours été là. Tous ces individus ne se ressemblent pas. Ils n’ont pas les mêmes occupations, les mêmes loisirs, les mêmes envies, les mêmes fréquentations, les mêmes goûts. Ils peuvent être vieux, jeunes, handicapés, pas curieux, cons, généreux, etc. Bref, tous ces usagers n’ont pas les mêmes capacités et envies d’utilisation de l’espace urbain.

2 – Ces usagers et ces habitants ont des représentations et des modes de vie différents

Les usagers et les habitants d’une ville ne se ressemblent pas et en plus, ils ne vivent pas de la même façon. Certains travaillent de nuit. D’autres n’ont pas de voitures. Certains détestent les êtres humains et les légumes. D’autres pensent que les jeunes sont tous des dangereux voyous en puissance. Certains aiment manger McDo. D’autres sont vegan. Certains préfèrent leur chien à leurs voisins. D’autres sont désespérément seuls.

3 – Une ville, c’est donc une combinaison de stratégies de convergence et d’évitement

Bien entendu, quand on n’a rien en commun, on n’a pas forcément envie de se retrouver ensemble. Une ville est donc composée de moments collectifs où tout le monde se retrouve (le feu d’artifice du 14 juillet, le jour où on est champion du monde et les soldes dans la rue commerçante), de lieux où l’on ne fait que se croiser (des places, des transports en commun, des magasins) et enfin de lieux où l’on espère croiser personne (un coin tranquille dans un parc, un recoin). Il faut donc arrêter de croire que dès que l’on crée un « espace public », tout le monde va se retrouver dessus pour communier. C’est faux ! Les habitants choisissent quand ils veulent communier ou pas. Et en France, on n’a pas souvent envie de communier. C’est comme ça. Si vous voulez du monde qui parle fort et qui joue au ballon sur un espace public, allez plutôt en Espagne.

Toute la richesse de notre métier est justement de travailler avec ces envies de convergence et d’évitement. Cela crée des situations, des lieux.

Les premiers chapitres du Petit Paris rappellent que tout le monde n’est pas un bon citadin moyen. Qu’on ne peut pas espérer créer du lien en mélangeant tout le monde tout le temps. Une ville, c’est un système d’usagers, de lieux et de temporalités avec quelques joyeux moments collectifs, des moments collectifs vraiment pénibles (le métro par exemple) et beaucoup de moments où l’on essaie de s’éviter. Pouvoir s’éviter en ville, c’est un vrai luxe. C’est d’ailleurs les riches qui ont bien compris à ça avec leur quartier bourgeois (et ils ont les moyens pour le faire).

4 – Une ville, c’est aussi une confrontation entre calme et animation.

Nous avons besoin de calme. Du calme pour nous reposer, pour dormir, pour glander, pour être seul. Notre métier d’urbaniste consiste donc à ménager des lieux calmes, surtout en ville. Dans Le Petit Paris, nous disions « chiant » au lieu de « calme » mais le résultat est le même.

« Le chiant est une ressource qu’il faut sans doute prendre en compte. Or ce qui fait l’intérêt d’une ressource, par définition, c’est d’être rare. Du moins, de ne pas être trop commune ou omniprésente. Il est vrai qu’entre le monde du travail et la maison, le moment de calme devient de plus en plus précieux dans une journée. Rendez-vous compte ! Vous êtes Parisien, 10 heures par jour, près de 300 jours par an, vous avez à gérer un grand nombre de dossiers professionnels plus ou moins intéressants. Ce que vous faites n’a pas toujours un sens ou une finalité. Vous êtes emmerdé régulièrement par vos collègues ou clients. Lorsque vous rentrez à la maison, les gamins gueulent, le (la) conjoint(e) tire la tronche et la belle-famille débarque à l’improviste ? Bref, c’est épuisant. Mais lorsqu’une ville est capable d’aménager (ou de préserver) un quartier carrément chiant où une personne choisit volontairement de faire une pause au calme pendant 30 minutes, entre la sortie du boulot et le retour à la maison, nous pouvons affirmer que cette ville rend un service public précieux. Traditionnellement, c’est le trajet en voiture, entre le boulot et la maison, qui permettait ce moment de pause, de sérénité. Malheureusement, les urbanistes tentent à tout prix de vous débarrasser de cette voiture et de vous faire vivre à 5 minutes à pied de votre lieux de travail, alors il faut bien proposer une alternative.1 »

1Le Petit Paris. Chapitre 5 «la ville chiante ». p 162

Le chapitre 5 du Petit Paris fait la promotion de la « ville carrément chiante », de la gestion du calme et de l’absence d’activités et d’usagers dans certains espaces urbains.

Lorsqu’on a passé beaucoup de temps au calme, on a envie d’aller dans un endroit où l’on pourra croiser beaucoup de monde. C’est tout l’intérêt d’une ville. Multiplier ces lieux d’animation. En sachant qu’il existe plein de façons de passer du bon temps. Un sympathique café en terrasse est la base, mais il y a de nombreuses variantes. La diversité des situations urbaines doit favoriser la grande diversité des loisirs et de l’animation en ville. Certains lieux sont symboliques, centraux, fédérateurs et aménagés comme tels. D’autres sont à l’écart, confidentiels, temporaires, peu aménagés et génèrent des pratiques d’un tout autre genre.

Le chapitre 6 du Petit Paris parle de la stimulation en ville, sous toutes ces formes. Nous avons appelé ça « la ville bandante » pour être assez explicite sur la question. En tant qu’urbaniste, il est préférable de réfléchir à la grande diversité des manières de passer du bon temps en ville. De toute façon, si on ne le fait pas, les usagers et les habitants le mettront en pratique sans attendre nos propositions, comme le rappelle cet article.

5 – Gérer le rythme urbain et les situations urbaines

La ville, c’est avant tout des rapports entre des moments calmes et des moments animés et riches en opportunités.

Dans une ville, on adhère à la culture locale et on apprécie les différentes ambiances. Un quartier ne ressemble pas à un autre et c’est tant mieux. Les quartiers ne se ressemblent pas car ils n’ont pas la même histoire, les mêmes habitants, la même culture. On aime pouvoir passer du calme du quartier bourgeois à l’animation du quartier populaire et son marché du samedi matin. L’intérêt d’une ville repose sur la possibilité de passer d’une situation à une autre en moins de 20 minutes et de bénéficier tous des mêmes opportunités / chances.

Aménager, c’est arriver à gérer ces envies différentes, ces différents moments. Les faire cohabiter et les rendre accessibles au plus grand nombre.

« Pour faire de l’ennui un service public honorablement satisfait, il faut l’organiser et donc le chiant et la quiétude, ça s’aménage. Non aux commerces proximité et services aux pieds des immeubles dans mon quartier ! Pas d’équipements culturels! Pas trop près les collèges et les lycées! Enlevons tout ce qui est potentiellement source de nuisance dans la mesure où certaines personnes ne seraient pas prêtes à partager le même idéal de quiétude. Supprimons ce qui pourrait générer un quelconque intérêt pour le non-riverain. Une centralité ? Non, on n’en veut pas ici, allez la faire plus loin (pas trop). 1»

1Le Petit Paris. Chapitre 5 «la ville chiante ». p 162

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Les années passent et bam ! Sans s’y attendre, on en prend 10 dans la tronche. Une décennie de deux degrés, en voilà une bonne occasion pour vous donner quelques nouvelles. Primo, il est temps pour moi, Mathieu, qui écrit ces lignes, de me lancer dans d’autres aventures. Après avoir initié deux degrés en 2010, entouré de Florian et Harold, je me mets à mi-temps pour enseigner et me concentrer sur mon vieux fantasme : réaménager la France (enfin la suite très complète de l’observatoire des villes moyennes qui s’appellera dorénavant Youpi la France !) Secundo, deux degrés va passer en SCOP et Pierre-Marie deviendra le nouveau gérant (il a un beau prénom de directeur). On en profite au passage pour vous refaire l’historique de deux degrés, car c’est souvent très mystérieux dans vos têtes.

Ce qui change surtout 10 ans après, c’est la nature du boulot. Notre métier a évolué en fonction du contexte, des nouvelles exigences, des nouvelles contraintes. Et puisqu’on nous demande souvent d’expliquer notre vision des choses lors des conférences, on en profite pour vous faire un point complet sur ce qu’on a appris, sur notre méthode et sur les évolutions territoriales. Alors bien sûr, résumer le joyeux foutoir de deux degrés est délicat. Harold aime densifier radicalement les faubourgs bordelais, Florian se concentre plus sur la sémantique ou sur les idéaux-types qui foirent, Gabriel a une approche encyclopédique mais pop de la géographie, Julianne s’en fout de l’urbanisme, elle veut juste monter un village de graphistes dans l’Aveyron et Pierre-Marie veut plus de théâtre, moins de concertation. Mais comme c’est moi, Mathieu, qui écrit, je me concentrerai davantage sur mon approche de la ville. Tout cela débouchera avec une subtile fluidité sur ce que fera toute l’équipe de deux degrés dans les années à venir et ce que je ferai également de mon côté avec Youpi la France.

On vous raconte tout ça en cinq parties et en faisant un rappel à nos différentes productions (on se cite nous-même, c’est classe). Et puisque c’est chiant de lire, nous commençons chaque article par une synthèse illustrée.

1 – la géographie est grégaire

L’Homme reste un animal grégaire qui aime être au bon endroit au bon moment (c’est à dire souvent là où la majorité s’accorde à dire que c’est bien). Quand tout un pays dit que Bordeaux, c’est le top, beaucoup de monde s’en convainc et ceux qui en ont la possibilité cherchent à gagner leur place dans ce nouveau paradis. Les médias font des articles, des classements, vos amis en parlent, racontent à quel point c’est bien (même s’ils mentent en disant qu’il fait toujours beau). Il y a un puissant effet d’auto-satisfaction collective qui fait perdre un peu d’objectivité sur la promesse territoriale. Mais tant que la population y croit, ça veut dire que tout va.

2 – La taille est presque le seul critère utilisé pour valider le succès d’une ville.

Chaque année, le recensement donne le verdict démographique. Voici les territoires gagnants (croissance démographique) et voici les territoires perdants (décroissance démographique). Mais dans le fond, on ne sait pas si les nouveaux venus sont heureux ou si ceux les partants ont quitté la ville à contre-coeur. Les élus se jettent dessus, la presse et les bureaux d’études également…Pourtant, la démographie décrit juste les fluctuations de population mais elle ne raconte rien d’absolu sur l’intérêt d’une ville (est-ce qu’on est heureux de vivre ici ? Est-ce qu’on trouve des opportunités?)

3 – Il n’y a pas de liens systématiques entre la taille et la qualité de vie d’une ville

On s’obstine à faire grandir les villes, même celles qui sont déjà très grandes et qui, de par leur taille, offrent des conditions de vie loin d’être idéales à la majorité de ses habitants (c’est ce que disaient les diagnostics des équipes du Grand Paris). Alors bien sûr, dans l’absolu, une ville plus grande offre plus d’opportunités mais encore faut-il pouvoir y accéder…C’était bien l’idée de base de notre premier livre, Le Petit Paris (Grand prix du livre d’architecture) : tenter de montrer que grossir pour grossir pouvait être totalement contre-productif, que cette logique ne reposait sur pas grands choses (à part être en tête de classements…). Quand on pense que plus de la moitié des Franciliens veulent quitter l’Ile-de-France, c’est aberrant. Ce n’est pas la taille qui compte mais bien le contenu, ainsi que la qualité et l’accessibilité des interactions (voilà des grands principes de base de la géographie).

L’introduction du Petit Paris analyse différents critères (plus ou moins de mauvaise foi) pour évaluer les plus-values apportées par la taille de Paris et met en avant cette contradiction entre le grand potentiel d’opportunités et le réel usage de ces opportunités.

Ici, un article analysant le fond du Petit Paris (paru sur Slate en 2013).

Là, l’introduction du Petit Paris, pour les Parisiens qui en ont marre 🙂

4 – Opportunités et accessibilité

L’intérêt premier d’une ville est d’offrir le maximum d’opportunités et d’interactions positives. Ce n’est pas tant le nombre total de ces opportunités qui comptent mais bien leur accessibilité (vivre en Ile-de-France mais à 1h30 de toutes les événements parisiens, ce n’est pas intéressant). Il faut donc que la proximité d’êtres humains créent de belles choses et que celles-ci soient proches de leur public. Plus nous aurons des territoires actifs, plus nous aurons des possibilités de choix résidentiels. Nous devons avoir un regard positif sur les territoires, qui dépassent largement ces questions d’attractivité. Nous devons révéler des métropoles, des villes moyennes, des territoires ruraux. Ce n’est pas la taille qui compte, c’est la capacité de les activer en mobilisant du mieux possible les habitants et les usagers.

L’observatoire des villes moyennes propose des fictions territoriales. Nous avons imaginé des futurs possibles pour des villes souvent snobées. Ces futurs étaient construits autour des réalités du terrain, de leurs spécificités. Les histoires peuvent bien finir, parfois elles finissent mal. Mais elles parlent toujours d’identité, d’affinités, de ressources locales, de stratégie de différenciation, loin des métropoles dynamiques.

5 – Pour un urbanisme affinitaire

Chez deux degrés, on a toujours mis en avant les liens entre modes de vie et territoires. Les habitants ne se ressemblent pas, les territoires ne se ressemblent pas et tout l’intérêt est de faire correspondre des envies communes avec un lieu adapté. C’est l’objet de notre second livre, Le Méga Grand Bordeaux, qui raconte la saturation de la métropole girondine et les façons dont les territoires alentour pourraient accueillir des habitants liés par des projets et des modes de vie communs. C’est notre façon d’envisager l’aménagement, en favorisant des villes étudiantes par exemple ? Mais avant de parler méthode, reparlons de la nature d’une ville dans la prochaine partie.

Le Méga Grand Bordeaux, livre de prospective sur les évolutions de la Gironde, est construit en deux parties. Première partie : le récit d’un grand projet institutionnel infaisable. Et seconde partie : les récits de différents territoires dont le destin et la programmation sont en grande partie portés par les habitants. Ces projets fictionnels illustrent des combinaisons possibles entre usagers, modes de vie, pratiques et territoires à l’échelle de la Gironde. Mais le livre peut se décliner sur d’autres territoires en fonction du contexte. Le contexte, toujours le contexte !

Retrouvez les articles suivants ici :

https://www.deuxdegres.net/convergence-evitement-calme-animation/
https://www.deuxdegres.net/a-la-recherche-de-la-situation-ideale/
https://www.deuxdegres.net/le-quotidien-la-proximite-et-laction/
https://www.deuxdegres.net/on-fait-quoi-demain/

Bon, avec le réchauffement climatique, la pression démographique et notre capacité à tout niquer, on va peut-être tous crever en 2050. Et si on ne meurt pas tous (et ce serait bien), notre environnement risque de changer radicalement (niveau de l’eau, accueil de réfugiés climatiques, disparition des japonais dans leur propre trou du cul).

Lors de la conférence de Julianne à l’Ecole Boulle en novembre 2018, elle a proposé aux étudiants présents un grand exercice de cartographie collaborative sur le thème : Paris, 2050, il fait chaud, le niveau de la Seine monte ! Chaque étudiant avait un arrondissement à imaginer en 2050 et on avait plus qu’à faire une carte avec tous les éléments. Paris, en 2050, ça pourrait être ça !

 

Paris deviendra la capitale mondiale de l’oubli.

Les Toulousains et les Clermontois arriveront en force (et ça n’a aucun sens…)

Tous les monuments touristiques seront déplacés dans le 17e arrondissement.

Le 16e sera encore plus chiant !

Le 15e aussi…

La place de la Nation accueillera le gouvernement participatif des gilets jaunes.

On pourra noyer son chagrin dignement dans le 8e.

Les fans d’animaux seront heureux !

Voilà…

Merci aux étudiants de l’Ecole Boulle pour toutes leurs idées et leurs dessins !

 

Simon Barthélémy de Rue 89 Bordeaux nous a interviewé  en novembre pour parler aménagement du territoire et Méga Grand Bordeaux. Voici l’interview :

A votre sens, les villes moyennes environnant Bordeaux, notamment les sous préfectures de la Gironde, parviennent elles à garder des bassins d’activité propre, ou tendent elles à devenir des cités dortoirs de Bordeaux ?

Avant toutes choses, il faut donner quelques chiffres. La croissance démographique de Bordeaux Métropole est 2 fois moins importante que dans l’ensemble du Département.

Il faut bien avoir en tête que la Gironde accueille 1,2% de nouveaux habitants par an alors que Bordeaux Métropole n’en accueille que 0,6% par an (entre 2009 et 2014). En simplifiant, les villes de la grande périphérie ou des « campagnes périurbaines » accueillent deux fois plus de nouveaux arrivants que Bordeaux Métropole ! Aussi, le terme de « ville moyenne » est à notre avis impropre pour qualifier les sous-préfectures de la Gironde, qui sont de petites villes, à la limite même de la bourgade en ce qui concerne Lesparre.

Arcachon, qui n’est plus une sous-préfecture mais on va faire comme si, est un cas à part capitalisant sur l’héliotropisme et le tourisme. C’est un micro-marché élitiste saturé et fermé. En revanche, ses voisines Gujan, La Teste, Le Teich, subissent une pression foncière très forte que l’on peut bien entendu attribuer à la bulle bordelaise. Gujan, Marcheprime ou Andernos c’est la banlieue ouest de Bordeaux, ni plus ni moins. Il s’y développe des activités périurbaines, et à part quelques chantiers navals, quelques ostréiculteurs, et des activités artisanales liées au BTP, nous ne voyons pas vraiment de développement endogène. On note tout de même des signes intéressants comme la société Maxicoffee, créée à La Teste et qui développe son nouveau siège à Lacanau de Mios. Cela fait apparaître des zones d’emplois (avec le laser MégaJoule) au milieu de pas grand-chose mais à mi-chemin du Bassin et de la Métropole.

Aujourd’hui, Langon est une cité-dortoir avec peu d’emplois. Le développement, c’est le centre commercial… Libourne tente de rebondir en surfant sur la proximité de Bordeaux. C’est une stratégie intéressante. Il faut voir ce que ça va donner dans les années à venir.

Donc à notre avis, oui, l’ensemble de ce Département à l’exception de quelques micro-marchés (Cap Ferret et Saint-émilion liés au tourisme) devient une cité-dortoir de Bordeaux et se complaît dans ce rôle. C’est ça le plus inquiétant !

Estimez vous que globalement elles profitent de l’attractivité de la métropole ?

Profiter de l’attractivité de la métropole, c’est quoi ? Si c’est faire marcher le BTP et engranger de la fiscalité locale sans autre projet, effectivement c’est le cas. Si c’est bâtir des territoires cohérents, qui tiennent compte des évolutions des modes de vie, de la disparition du monde paysan, des contraintes environnementales fortes, et du besoin urgent de réenchanter ce monde, c’est non. Si ces communes se contentent de surfer sur l’accueil de ménages n’ayant plus les moyens de se loger dans la métropole, les habitants vont devoir se préparer au retour de bâton (deux voitures pour se déplacer, l’essence qui augmente, peu d’emplois sur place). L’économie réalisée sur l’achat du terrain peut malheureusement vite se transformer en un mauvais rêve.

Concrètement, ces villes ont accueilli des programmes immobiliers plus ou moins pourris et qui sont aujourd’hui en partie vacants (merci la défiscalisation !), des lotissements de qualités très aléatoires et des zones commerciales. Le tout au détriment des bourgs anciens : le commerce y vivote parfois grâce au dopage démographique, mais l’habitat y est toujours un peu à l’abandon. Il n’y a qu’a se balader un peu pour voir l’état de délaissement des centre-bourgs anciens. Sans oublier que cette urbanisation se fait souvent au détriment de vignes ou de forêts. Les vignes et les forêts, c’est de l’économie locale. Et on aime bien les arbres. C’est bien les arbres.

Effet saturation de Bordeaux.

Pourtant, si on veut être optimiste il y aura probablement de nouvelles opportunités pour ces villes, ou au moins les mieux reliées d’entre-elles (Libourne et Langon), pour profiter d’une relative congestion bordelaise. Quelques développeurs web, agences d’architectures, et ex-bordelais en mal de vieilles pierres iront peut-être réinvestir les ruelles de La Réole, là où 50m2 de local commercial coûte le prix d’un coin de table à Darwin. C’est tout ce qu’on leur souhaite ! Blaye, quant à elle, vient de gagner un léger sursis grâce au(x) renoncement(s) de Nicolas Hulot mais semble assez peu armée pour gagner à ce jeu de l’attractivité. Mais pour que cela fonctionne, il faudrait des transports efficaces et malheureusement, il y a peu d’améliorations prévues de ce côté là (pas de nouveaux TER, etc.).

Des maires tels que ceux de Libourne ou de Sainte-Foy la Grande sont sur ce discours tenu aux entreprises et aux ménages : « Bordeaux a des problèmes de logement, de coût du foncier, de transport, installez vous chez nous, grâce au TGV, et à internet, c’est possible ». Est ce une tendance forte chez les communes autour de Bordeaux ?

Tout ça est ambiguë. Les communes sont souvent à l’affût de nouveaux habitants mais les habitants de ces communes ne sont pas forcément aussi enthousiastes à cette idée. Il y a une part de peur que « l’effet saturation de Bordeaux » arrive aussi chez eux. Pour l’instant on est sur un scénario au fil de l’eau : la métropole bordelaise est attractive, la Gironde est en croissance démographique partout et la métropole va déverser son flot de primo-accédants chassés de Bordeaux par les prix de l’immobilier.

Pour sortir de ce simple jeu des vases communicants, les villes autour de Bordeaux doivent penser stratégique, se différencier. C’est ce que nous avons illustré dans le Méga Grand Bordeaux en imaginant des projets un peu loufoques comme Palombiérac, Débrouillac ou Baïnosse.

Certaines personnes vont s’installer à tel endroit, monter des projets, on peut imaginer que des initiatives individuelles liées à des aspirations à un autre cadre de vie puisse modifier certains territoires. Il ne faut pas oublier que ces villes, équité territoriale française oblige, ont un niveau de services urbains (éducation, santé, loisirs) qui demeure convenable ! Les habitants doivent comprendre leur contexte géographique et s’en saisir pour le faire évoluer. Être une ville périphérique de Bordeaux, c’est un demi-projet. Être une ville en pointe sur la réduction des déchets et qui génère des emplois grâce au recyclage, c’est un projet. Si cela crée du paysage, des usages, des événements, cela devient même de l’identité. Il est nécessaire qu’un territoire génère des activités, des économies pour ses habitants et des projets collectifs propres.

Observez vous également de la défiance vis-à-vis de l’influence grandissante de la Métropole ?

Il y a un imaginaire de la bulle en Gironde. « On va s’installer dans cette petite ville, on sera heureux dans notre maison, loin de la métropole ». C’est compréhensible. Il y a aussi des stratégies opportunistes : « on a des moyens, on ne partage pas, on reste entre nous. » L’exemple du refus de Saint-Jean-d’Illac d’intégrer la métropole est assez parlant, la commune n’a pas souhaité tripler ses impôts locaux pour avoir juste une Liane de bus qui rejoint la gare St-Jean en 2h… ça peut se comprendre.

Ce concept de métropole, il devient un peu ridicule. A quand un pôle métropolitain à la lyonnaise sur Bordeaux ? Les Lyonnais ont compris que leur communauté urbaine ne correspond plus du tout à la réalité.

Il est certain que la périphérie bordelaise est impactée et que l’attractivité de Bordeaux doit à présent rejaillir sur l’ensemble de la métropole. Le projet urbain d’Alain Juppé débuté en 1995 a coché certaines cases. Ok, les quais sont jolis, les lignes de tram se sont développées, le secteur sauvegardé UNESCO et la cité du vin vont ravir les touristes (PS : penser à rajouter des arbres pour avoir de l’ombre). Il faut maintenant s’atteler à la ville plus ordinaire, à loger tout le monde et à développer l’emploi. C’est super de pouvoir se déplacer en tram dans Bordeaux centre. Mais quand on voit qu’autour de l’aéroport, sur une zone de 40 000 emplois, il y a à peine 2 lignes de bus…ce n’est pas acceptable. On ne propose aucune alternative à la voiture individuelle. Les usagers veulent bien prendre le bus mais encore faut-il qu’il y en ait un à prendre. Et vu l’étalement de Bordeaux, ce n’est pas simple de rentabiliser ces services publics.

Suite à la loi Notre, et la perte de compétences du département, un débat s’engage sur la bonne échelle de l’action locale. La métropole doit elle, comme à Lyon, exercer toutes les compétences dévolues aux départements ?

Selon nous, l’échelle géographique pertinente est celle de l’aire urbaine, au sens INSEE. C’est celle du territoire vécu. C’est sûr que quand chaque territoire tire dans son sens, ça ne donne rien de bon. Tant que la seule vision des élus pour leur territoire est d’accueillir le maximum de logements et de centres commerciaux à n’importe quel prix, on n’arrivera à rien d’intéressant. L’urbanisme, le fait qu’un élu puisse dire « ici c’est constructible, là non » est un pouvoir très puissant. L’enlaidissement du paysage girondin est un crime, et certains élus laissent faire ou l’encouragent presque. Prenez un endroit comme La Brède, comparez 1980 à aujourd’hui, et trouvez moi quelqu’un qui oserait dire que ça s’est amélioré.

« N’attendons pas tout de nos élus »

Donc oui, élargissons le périmètre de la métropole, réduisons le pouvoir de nuisance de la concurrence territoriale et des guéguerres d’ego des élus locaux. Mais pour finir, notre sentiment profond, notre conviction, c’est que les collectivités territoriales n’ont pas les capacités pour répondre à l’ensemble de ces problématiques. Compatissons tout de même avec nos élus, ils ont peu de moyens d’action pour dynamiser leur territoire alors ils prennent ce qui passe.

Pourquoi ? La prédominance de l’Etat jacobin ? Des prises de décisions économiques qui les dépassent ?

Surtout en raison du fait qu’on a des élus court-termistes. Ça pense recettes fiscales, réélection dans 5 ans, mais ça n’a aucun plan à + 50 ans. Au-delà du court-termisme, leur taille les prive d’ingénierie territoriale. Les mecs sont paumés, pas formés à ça, pas forcément intéressés par les questions d’urbanisme. En outre, c’est toujours la même histoire, ils croient que plus de population c’est un bien en soi, donc ils sont prêts à tout pour faire emménager trois clampins. De plus les superficies communales ont pu jouer un rôle par endroit (quand ton voisin fait de la merde c’est comme si c’était chez toi…donc tu subis et/ou tu fais de la merde aussi).

Et puis les gens habitent là où il y a de l’emploi.Concentrer tous les emplois au même endroit (dans la métropole) contraints tout le monde à venir travailler dans la métropole. Ce qui serait vraiment intéressant c’est la déconcentration des emplois, que Bordeaux Métropole négocie avec les entreprises et les autres territoires pour répartir quelques unes de ces entreprises dans ces villes alentour. Et là on peut reparler de villes moyennes comme Périgueux, Agen, Angoulême.

Sortir de l’hyper métropolisation

C’est une échelle intéressante pour déconcentrer la métropole. Pour les étudiants par exemple. Plutôt que laisser les étudiants de droit s’entasser à Bordeaux (dans des amphis plein, des préfabriqués, des trams bondés), il faut en mettre 300 à Périgueux. Ils auront de meilleurs résultats pour leur licence 2, feront des économies, auront des meilleures conditions de vie. Et surtout Périgueux sera ravi de les accueillir. Il faut refaire de l’aménagement du territoire et sortir de cette hyper métropolisation et ses effets néfastes.

Et les citoyens dans tout ça ?

Les usagers doivent également s’approprier leur cadre de vie, s’adapter, mettre en place des projets locaux. Il vaut mieux qu’ils misent sur le covoiturage ou le télétravail pour améliorer leur quotidien que sur une très hypothétique nouvelle voie rapide. C’est tout le propos de notre livre Le Méga Grand Bordeaux. N’attendons pas tout de nos élus. Il n’auront pas une vision à notre place. Et s’ils en ont une, ils mettront 4 ans pour la valider.

Nous, les habitants, devons être force de proposition et d’action pour améliorer les choses et développer les territoires qui ont du sens pour nous. Si 400 Girondins vont s’installer à La Réole, y implantent leur activité, créent des espaces communs de travail, des exploitations agricoles type permaculture, quelques commerces, un lieu culturel ou je ne sais quoi d’autre, cela changera beaucoup de choses pour La Réole. C’est quoi 400 Girondins ? Pas grand-chose à l’échelle du territoire.

Profitons de l’arrivée de nouveaux habitants contents de vivre en Gironde pour monter des projets collectifs. Non aux Comités de Pilotage, oui aux réunions entre voisins autour d’une bière, d’une pelle et d’une pioche. Les collectivités doivent planifier, porter les grands projets et accompagner les initiatives locales. Accompagner, c’est à dire aider et apporter des solutions aux habitants, pas instruire un dossier à valider en comité technique puis en comité de pilotage avec signature de l’élu dans 6 mois.

Les habitants doivent réapprendre à s’occuper de leur cadre de vie. Passer un coup de balais devant chez soi plutôt que gueuler derrière sa fenêtre contre les balayeurs qui ne passent pas assez souvent, c’est très sain (un peu d’effort physique, moins d’ulcère, un peu de vitamine D et surtout un trottoir propre en 4 minutes). Ce sera probablement plus intéressant et valorisant pour les habitants et les fonctionnaires territoriaux.

Et à notre avis, un des débats les plus intéressants sur ce sujet, c’est celui sur le travail. Travailler sur 3 ou 4 jours par semaine, c’est la chance d’aller moins souvent à Bordeaux et de laisser plus de temps pour aménager son cadre de vie. Réétudier la question du revenu universel (découpler des revenus décents et le travail), c’est donner une chance aux territoires périphériques de se réinventer, de mettre à disposition des habitants qui ont du temps et pas trop de contraintes. C’est découpler l’habitat du lieu d’emploi. Avec des aspects positifs bien entendu et des aspects négatifs (si comme tous les retraités, on se décide de tous partir vivre sur la côte…).

Voilà. Lisez le Méga Grand Bordeaux. Jouez au Jackpot du Méga Grand Bordeaux.

En bonus, quelques liens intéressants ici et .

deux degrés existe depuis 5 ans. 5 ans que nous explorons les rapports entre évolutions de la société et aménagement du territoire pour (enfin) se marrer et prendre du recul sur notre métier d’urbaniste. Et le recul, c’est pratique pour questionner les manières de faire.
Cet anniversaire nous offre un bon prétexte pour prendre du recul sur nous-mêmes, sur nos manières de faire. C’est l’occasion de vous dire, après une brève rétrospective, ce que nous avons appris et, surtout, de vous dire ce vers quoi nous nous dirigeons. Car oui, nous n’avons pas oublié que notre métier est cool et à partir de juillet les ami(e)s, nous allons vous proposer plein de nouvelles choses : de l’urbanisme, de la géographie, du tourisme. Et également un site un peu remanié et enrichi.

Ça va être bien.
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Etape 1 : Le point de départ (2010 – 2013) – Une exploration aigrie avec 3 questions en tête

Schéma classique : Mathieu, diplômé de son master d’urbanisme, se retrouve au chômage. Il adopte alors une stratégie non-constructive consistant à se foutre de la gueule des gens qui ne veulent pas l’embaucher. Il crée le site deux degrés. Il est rejoint par Florian, pote de promo et donc également chômeur fraîchement diplômé. Ensemble, ils vont se moquer de leur profession à travers trois questions aussi essentielles qu’existentielles.

Pour qui fait-on de l’urbanisme ?

C’est la question fondatrice du site, posée à travers l’analyse des perspectives d’architectes. En examinant les personnages qui peuplent les images de projets, il semble évident que la sociologie envisagée par les architectes est bien différente de la réalité française. Nous constatons que l’on fait de l’urbanisme pour une population totalement fantasmée, donc pas pour les usagers qui fréquenteront réellement les lieux. Pour être constructifs, nous proposons une alternative qui consiste à faire des projets pour les usagers qui restent invisibles dans les perspectives d’architectes. Nous imaginons des projets pour des gothiques, des nains, des séniors agressifs, etc.

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Comment fait-on de l’urbanisme ?

Après la question des destinataires, nous nous sommes intéressés à la pratique de l’urbanisme. En nous penchant sur les notions incontournables qui guident cette pratique, nous avons la vilaine impression qu’elles sont appliquées de manière automatique, sans grande réflexion contextuelle. Pas d’idée ? Faisons un écoquartier avec de la mixité sociale ! Ça marche à tous les coups… mais ça sonne un peu creux. Nous décidons alors de détourner ces grandes idées pour voir si on peut leur faire dire n’importe quoi… Il s’avèrera qu’on peut leur faire dire n’importe quoi. Mais, en passant par la case « n’importe quoi », on peut aussi leur faire dire des choses intéressantes.

La justice de proximité
L’éco-quartier

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Pourquoi fait-on de l’urbanisme ?

Dernière question, probablement la plus intéressante : quelles sont les raisons qui poussent des élus ou des urbanistes à vouloir développer un territoire ? Pourquoi, notamment, veut-on absolument recevoir des habitants supplémentaires ? Que permettent-ils de mettre en place ? Pour y répondre, nous avons examiné le cas le plus emblématique : celui du Grand Paris. Nous nous sommes demandés ce qui encourageait les élus à faire grandir une métropole dont la taille peut déjà être problématique pour ceux qui y vivent. Et la raison derrière tout ça nous a semblé plus que pauvre : gagner des places dans des classements mis en place par des cabinets de conseil. Le tout sur un fond de peur : « si vous perdez des places dans nos classements des métropoles mondiales, vous êtes foutus ! ». Bref, des arguments de merde. Qui se soucie encore de sa place dans les classements après sa crise d’adolescence et son premier bulletin de notes sans félicitations du conseil de classe de 4ème ? Personne… à part des gens dont la carrière professionnelle est fondée sur des classements stupides… Ah ! OK, c’est cohérent. Les gens qui bossent dans ces cabinets de conseil qui vendent des classements sont probablement passés par les grandes écoles. Nous, nous sommes allés à la fac alors les classements, nous savons que c’est pour les neuneus. Donc pour faire bouger les lignes, nous avons détruit Paris. Juste pour voir ce qu’il se passerait. C’est comme cela qu’est né Le Petit Paris.

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Au bout de ces 3 années, nous avons essayé de « théoriser » cette exploration à travers le concept de ville chiante. Une ville neutre, qui serait le résultat de manières de faire de l’urbanisme assez peu stimulantes… mais néanmoins dominantes. Évidemment, la simple critique était un peu facile. Nous avons donc essayé de proposer une alternative (parmi d’autres). Pour cela, nous nous sommes dit qu’il fallait avant tout réapprendre à regarder. Regarder les gens, s’intéresser à leurs modes de vie, à leurs passions, à leurs envies. Bref, être capable de faire des perspectives d’architectes qui ressembleraient à la vie réelle.

 

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Etape 2 : Le maître-mot – Réapprendre à regarder

Enfants ayant grandi dans les raquettes de lotissement, le réflexe anti-périurbain de la profession nous a toujours laissé perplexe. Surtout qu’il se passe plein de choses dans les méandres des espaces pavillonnaires. Suffit de savoir observer sans jugement hâtif et savoir s’émerveiller pour autre chose que du street art. Pour mieux comprendre, partons aux États-Unis.

Prenons en exemple un récent projet de stade à Los Angeles, assez typiques des standards nord-américains : le Projet de Los Angeles stadium pour les franchises NFL des Chargers et des Raiders.

los angeles stadium

Un œil d’urbaniste remarquera qu’il se situe en grande périphérie et, surtout, que le stade est placé au beau milieu d’un parking disproportionné : tout a été conçu en fonction de la bagnole. Ce projet serait décrié en Europe parce qu’il manque les accès de transports en commun et l’espace public apaisé/pacifié (comprenez « sans voiture ») indispensable pour valoriser les accès et mettre en scène le bâtiment. Pour rappel, voilà le stade de Lille tel qu’il avait été vendu sous forme de maquette… à peu près la même chose mais, en ce qui concerne les abords du stade, en plus beau et sans voitures :

©Christophe Bertolin/IP3; Paris, France, le 5 mars 2009 -  presentation du partenariat public prive (PPP) du Grand Stade de Lille -

Maquette du Grand Stade de Lille (2009), Christophe Bertolin / IP3

Revenons à nos stades américains. Si on résume : on crée une gigantesque concentration de bagnoles sans aucune « aménité » donc une catastrophe éco-ce que vous voudrez, le tout pour du sport, autrement dit un truc de gros beaufs, parfaitement dispensable… et en plus ce sont des beaufs américains ce qui n’arrange pas leur cas. Bref, notre esprit européen sage et citoyen nous pousserait à attribuer un zéro pointé à l’urbanité de ces stades.

Sun Life stadium

Sun Life stadium de Miami (tel qu’il existe avant de prochaines modifications)

Sauf qu’il s’agirait d’une grave erreur d’interprétation. Revenons à L.A. avec cette image, qui est peut-être la plus importante de la présentation du projet.

Projet LA (2)
Juste en bas, on peut voir… un barbecue ! C’est pourtant bien une image de projet. Ces images qui sont habituellement si propres et dépouillées et donc ça, ce n’est pas anodin. Ça implique que ce parking est destiné à accueillir quelque chose d’éminemment important : une tailgate party.

Fans tailgate in the Waldron Deck before the Chicago Bears faced the Miami Dolphins on Sunday, Oct. 19, 2014 at Soldier Field. (Brian Cassella/Chicago Tribune)

Tailgate party à Chicago (Soldier Field, 2014)

Tailgate désigne le hayon, la partie arrière d’un véhicule. La tailgate party ou le tailgating c’est ce moment d’avant match (souvent très longtemps avant le match) ou l’on vient se garer, on ouvre le coffre de la voiture, on déballe le barbecue, la glacière… et on glande, on mange, on se déguise, on discute avec les voisins, on joue, on chante, on boit (c’est l’un des très rares contextes ou les américains boivent en public). Certains en font même un art de vivre avec toute la sobriété et le sens de la mesure qui caractérise les Américains.

Tailgating_bagnole
À l’arrivée, ces parkings sont des lieux de vie et ce qui s’y passe a une importance sociale déterminante. À tel point qu’il est important de le mettre en valeur jusque dans les images de projet :

The Minnesota Vikings say a new Arden Hills stadium would allow for better tailgating before football games than if a stadium were built in downtown Minneapolis.

Projet de Minnesota Sports Complex en 2011 (Minneapolis – franchise NFL des Minnesota Vikings)

Tous ces gens, photoshopés mais réels, ne nuisent pas au projet, au contraire ! Ils le servent beaucoup mieux qu’une image épurée ou trop sage.

Bref, des parkings, aussi vulgaires soient-ils, abritent ces kermesses en partie organisées, en partie improvisées, et mettent une branlée d’urbanité à n’importe quel parvis de stade européen. Ce sont des espaces sans qualité particulière, ni beau, ni prestigieux, ni quoi que ce soit mais, en tant qu’espaces publics, ils ont une qualité suprême, précisément la qualité dont on fait trop souvent abstraction : ils fournissent un prétexte pour se retrouver. Pour les Américains le sport est un important facteur de sociabilité et un simple parking suffit à être le lieu où elle s’exprime.

C’est bête mais quand vous réunissez au même endroit des milliers de gens qui sont venus pour la même chose et qui ont a priori une passion ou un intérêt commun, et bien ils discutent, ils affichent des couleurs (qui sont ou pas le mêmes), ils se chambrent, ils font connaissance, ils s’amusent, ils mangent ensemble… Et c’est peut-être pour ça qu’il n’y a pas besoin de faire de gros efforts d’agrément ou de recourir à des invocations « d’espace convivial ». Ce lieu EST convivial. Donc pas la peine d’en faire des caisses.

L’enseignement des tailgate parties, c’est que notre boulot consiste également à envisager l’envers social du décor. Nous regardons les lieux pas seulement pour ce qu’ils sont mais aussi pour ce qu’il s’y passe. Nous essayons d’envisager tous les potentiels d’un lieu puis nous discutons avec le maître d’ouvrage, savoir si c’est ce qu’il veut ou pas pour sa ville et ses habitants.

 

Etape 3 : Le retour aux fondamentaux – C’est quoi une ville ?

– Je fais de l’urbanisme car je veux sauver la planète grâce au développement durable. Je pense personnellement qu’il faut détruire les grosses voitures.

– OK, je te souhaite de mourir dans un terrible accident de roller ! Puisse ton corps en décomposition alimenter un compost pour l’éternité !

– Non…Le compost ne décompose que les matières végétales…

Ce sympathique dialogue fictif est un moyen subtil d’illustrer le cœur de notre philosophie, à savoir que chacun devrait être libre de faire ce qu’il veut, à conditions de ne pas (trop) déranger les autres. Selon nous, c’est l’essence même de la ville (dialogue écrit avant cette découverte majeure !).

Une ville c’est, d’abord et avant tout, une concentration de gens très différents en un même endroit. Ça peut paraître anecdotique mais, pour peu que les êtres humains vous intéressent un minimum, c’est précisément ce qui fait de la ville un spectacle fascinant. À condition, bien sûr, d’accepter la diversité de ces gens : diversité de leurs habitudes, de leurs modes de vides, de leurs aspirations… et donc les conflits que ces différences peuvent créer.

Pour choisir son lieu d’habitation, on recherche un compromis entre :

– la proximité des commerces et des services,

– la tranquillité personnelle (ne pas être dérangé par ceux qui ont des modes de vie trop contradictoires avec le sien),

– la possibilité, par moment, de partager des moments de convivialité avec des inconnus.

Le citadin standard ne veut pas être emmerdé par ses voisins mais il veut tout de même faire la fête de la musique avec eux.

À ce titre, le succès non démenti de la voiture individuelle est totalement cohérent. Pour bien des gens, la conduite en voiture est le seul moment où ils sont peinards (pas de famille, pas de collègues de bureau…). Et c’est pas Uber qui va empêcher quelqu’un de rentrer seul(e) chez lui (elle) au volant de sa voiture personnelle, en écoutant RMC et en insultant les autres conducteurs alentours ! Envisager le trajet en voiture comme un précieux moment de tranquillité plutôt que comme une expression de haine envers la nature, c’est une autre façon de faire du diagnostic.

Pour faire notre métier, nous pensons qu’il faut à peu près comprendre et accepter les envies des citadins. Et puisque tous les citadins n’ont pas les mêmes envies, arrêtons de vouloir mélanger les gens et les activités partout et tout le temps. Ça ne marche pas ! Il faut savoir ménager des moments individuels, des moments plus communautaires et enfin de grands moments collectifs.

 

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Nous avons tenté de proposer des outils pour aménager selon cette approche de la ville :

La complémentarité fonctionnelle : ne doivent cohabiter que des activités qui sont compatibles les unes avec les autres. La mixité fonctionnelle à outrance est la plus grande source de nuisance qui soit. Or, qui dit nuisances à tout va, dit gestion des nuisances par le bas : on régule les possibles jusqu’à ne plus pouvoir rien faire (plus de bruit notamment).

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Voir : Le puit irlandais

Les grumeaux urbains, qui seraient des espaces peu mixtes du point de vue des modes de vie. Des lieux où les gens vivent d’une certain façon et dans lesquels, si vous ne partagez pas cette façon de vivre, vous n’êtes pas encouragés à vous installer. Mais ces grumeaux doivent rendre un service d’intérêt général en étant accessibles, bien connectés à l’ensemble de la ville, ouverts, pour profiter à tous et notamment à ceux qui souhaitent n’y passer que quelques heures. Si l’ambiance du quartier ne te convient pas 24h/24, ne viens pas t-y installer puis gueuler pour que les choses changent !

deuxdegres_developpement-personnel_saga_grumeau-neuilly

Mais la théorisation est un exercice périlleux, forcément réducteur. Et puis les villes ne se ressemblent pas. Bien cerner le contexte, jouer avec, savoir s’adapter à chaque situation, c’est précisément ce qui fait l’intérêt du métier d’urbaniste. C’est pourquoi nous avons un cadre de pensée mais nous valorisons surtout un regard et une approche assez instinctive. Ce sens de l’observation, des intuitions et une bonne connaissance des règles de l’urbanisme opérationnel, voilà nos fondamentaux. Reste à mettre en place une méthodologie adaptée pour bosser et faire des projets.

Alors comment fait-on du projet à partir de tout ça ? Surtout quand y’a plus d’argent.

Etape 4 : La démarche

La mise en récit : raconter un projet pour anticiper, pour programmer.

Nous avons choisi de mettre en récit les projets. C’est notre façon d’être pertinent.

Après le traditionnel diagnostic technique, un plan de situation, une esquisse, un premier programme, nous testons le projet. Pour cela, nous tâchons d’imaginer quels seraient les futurs usagers et comment ils pourraient s’approprier les lieux. Nous rédigeons des courts scénarios d’appropriation (c’est un travail rapide, assez instinctif). Nous faisons en sorte de déceler les potentiels de conflits. C’est essentiel : dans une bonne histoire, il faut une intrigue et des péripéties. Nous évaluons et nous modifions le projet en fonction. Mais la mise en récit n’étant pas une science exacte, nous essayons toujours d’être le plus juste possible, en multipliant les points de vue, selon différents profils d’usagers. Pour ceux qui ont une heure devant eux, nous avons fait une conférence à ce sujet ici.

Pour ceux pas convaincus par la mise en récit, nous vous suggérons de retenir une seule chose : l’important, c’est le processus de construction du projet. Il faut être souple, faire évoluer le programme en fonction des contraintes, trouver des solutions aux emmerdes qui apparaissent. Ne vous empressez pas de réaliser un plan trop beau et trop figé, vous perdez de l’agilité. Acceptez de vous lancer dans des projets sans dessiner tout de suite. Commencez par anticiper les problèmes. Surtout, soyez bidouilleurs ! Avec les incertitudes budgétaires, les incertitudes sur l’appropriation future, les problématiques de gestion une fois les aménagements réalisés, mieux vaut construire le projet chemin faisant que d’essayer de produire une solution miracle en amont que vous allez devoir modifier une dizaine de fois.

deuxdegres_methode_mise-en-recitCe qui est pratique avec la mise en récit d’un projet, c’est que vous prenez de l’avance sur la communication. Une bonne histoire, ça vaut une belle image. C’est moins immédiat mais ça implique plus les futurs usagers (par contre, ceux qui sont contre le projet risquent de le rester). Raconter une histoire, pour nous, c’est la base. Si l’histoire que raconte votre projet n’est pas très bonne, et bien il est fort probable que votre projet soit lui-même un peu mou. La question étant de savoir à quel point c’est grave (là, c’est à vous de voir). Si c’est un projet résidentiel, ce n’est pas problématique. Si c’est un projet de super cluster attractif, c’est mal barré.

À défaut d’avoir une méthodologie très précise à vous proposer, nous pouvons vous faire partager les réflexes que nous nous imposons quand nous bossons (ils ont l’air bêtes mais, selon nous, c’est une bonne base pour faire un projet qui tient la route).

Les questions que nous nous posons lorsque nous faisons un projet sont les suivantes :

1 – Pour qui fait-on ce projet ? Quels seront les futurs usagers ? (c’est là qu’il faut envisager un maximum de profils d’usagers)

2 – Pourquoi fait-on ce projet ? Autrement dit, pourquoi des gens viendraient traîner là ?

3 – Surtout, demandez-vous si c’est vraiment ce qu’ils veulent. Est-ce que ça va marcher ? Sincèrement ! Mettez-vous en situation, rentrez dans la tête des gens ! (quitte à vous mettre volontairement à la place d’individus chiants/difficiles). Prenez en compte les concurrences locales.

Et là, un point de méthode important pour vous aider : nous vous conseillons de reformuler toutes vos grandes idées (enjeux, objectifs, lignes directrices) de manière simple et terre à terre. Cela aide à y voir clair. Un « espace public convivial mixte intergénérationnel » devient « 2000 m² de pavés avec 3 bancs, 6 arbres, un bac à sable et une table d’échec ». Souvent, ça fait mal ! Mais ça aide à aller à l’essentiel et à trier les concepts fumeux.

Le Tilleul - espace intergénérationnel
Alors vous vous dites peut-être : « Ouais, la mise en récit, OK. Se mettre à la place des gens pour essayer d’anticiper ce qui pourrait se passer… pourquoi pas ? Mais pour se mettre dans la tête des gens, faut savoir ce qu’ils veulent. Et ils veulent quoi les gens ? »

Et bien ça c’est une excellente question pour le prochain épisode !

 

Etape 5 : Les enseignements de l’observatoire : les deals territoriaux

En 2014, nous nous sommes lancés dans un observatoire des villes moyennes. Pour plusieurs raisons.

Premièrement, y’a plus d’argent public et les villes moyennes sont dans une situation délicate. Plus d’argent pour faire l’inévitable Zénith… donc il va falloir trouver d’autres pistes plus malines. L’observatoire nous aide à explorer ces pistes.

Deuxièmement, quand elles ont encore quelques moyens, les villes ont tendance à faire les mêmes équipements (du stade nautique au centre de congrès en passant par la médiathèque – qu’on appelle learning center maintenant). Nous pensons que ce n’est pas très intelligent. Raison de plus de s’intéresser aux villes moyennes, qui ne peuvent justement pas tout avoir (diversité économique réduite, niveau d’équipement limité). Nous nous intéressons à leur identité, à leur géographie, à leur culture, car ça reste de bons arguments d’attractivité, et qu’ils ne coûtent pas cher.

Avec sa version beta très discutable et son questionnaire, voilà ce que nous a enseigné l’observatoire sur le comportement des habitants.

On s’installe dans une ville, dans un quartier, selon un compromis entre envies et contraintes (contraintes avant tout professionnelles et familiales, autrement dit : gagner sa vie et voir les gens dont on est proche). C’est pour cela, par exemple, que des gens vivent encore dans le département de la Meuse.

Une fois qu’on s’est installé, pour ne pas devenir fou, il faut se convaincre que l’on est au bon endroit, au bon moment. Pour ça, on analyse les aspects positifs de sa ville et on fait un peu abstraction des aspects négatifs. On se construit mentalement la conviction que sa situation résidentielle est favorable (elle l’est forcément sur certains points, ce qui permet, avec un peu d’auto conviction, de ne pas trop penser aux aspects insatisfaisants). Les gens en jouent pour valoriser leur situation et, surtout, pour ne pas péter un plomb. Parce que si, tous les matins, vous vous dites que vous habitez dans un endroit merdique, vous n’allez pas aimer vous lever très longtemps.

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De ce processus mental d’apaisement résidentiel, nous pensons pouvoir tirer des enseignements sur l’attractivité (on avait appelé ça PPP à une époque). Une fois réglés (ou pondérés) les problèmes financiers (le boulot) et éventuellement familiaux, les gens sont prêts à se sentir bien quelque part, pour peu que le deal géographique soit honnête.

Un bon deal géographique, une bonne promesse résidentielle, c’est une raison satisfaisante pour s’installer (ou rester) à un endroit plutôt qu’à un autre. Si vous aimez le ski, vous irez près de la montagne, si vous aimez la voile, vous irez près de la mer et peu importe s’il n’y a pas de musée ou de salle de concert dans le coin. Ce qui est important, c’est que votre territoire puisse vous proposer quelque chose qui n’est pas disponible partout, parce que ça vous conforte sur le fait d’être au bon endroit au bon moment ! Comme le dit Michel Lussault, les sociétés humaines, c’est une question de « positions relatives et de jeu de distance » (il a du le dire mieux que ça mais l’idée est là).

A contrario, nous sommes convaincus d’une chose : une ville doit absolument éviter les mauvais deals. Surtout ne pas avancer une promesse qui ne peut se réaliser. Si vous promettez à des étudiants une ville festive mais qu’il n’y a que 2 bars et un couvre feu à 01h du mat, ils vont faire la gueule et ils ne vont pas se priver de partager leur frustration avec leur entourage. Une promesse mal tenue, c’est un retour de mauvaise réputation direct dans la gueule ! Craignez ce que peuvent dire les gens de votre ville si vous les décevez. À l’heure des réseaux sociaux, le bouche à oreille fait des ravages et c’est pas votre campagne de com’ qui changera grand chose.

Autre point important. Les gens commencent à péter un plomb quand le deal n’est plus assez intéressant et quand ils ont l’impression d’être bloqués. Quand ils sentent que leur positionnement géographique les empêche d’évoluer (professionnellement, personnellement). Proposer de bonnes alternatives pas trop loin est essentiel pour un territoire. Même si vous ne passez jamais à l’acte, vous aurez l’esprit plus tranquille dans une ville moyenne si vous savez que vous pouvez, un jour, déménager dans une ville plus grande et pas trop éloignée. Le fait de pouvoir disposer d’une offre résidentielle complète (du village à la métropole régionale) sur des distances contenues (moins de 2 heures de route) est un plus pour toutes les villes d’un territoire donné (métropole comprise).

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Le deal, le compromis résidentiel, pose la question de la complémentarité entre les territoires. Tous les territoires ne se ressemblent pas. Et c’est tant mieux, car on peut aller chercher chez les voisins ce qu’on n’a pas chez soi. Reste à assumer cette complémentarité et à ce qu’elle soit intelligente.

Bref, cette histoire de deal a le mérite, selon nous, de replacer les envies des habitants au premier plan et d’en faire les ambassadeurs de votre ville (de bons ambassadeurs si le deal est bon, de mauvais ambassadeurs si le deal est mauvais). Il faut donc essayer de mieux cerner vos habitants, travailler sur leurs passions, accepter la diversité de leurs envies et envisager les bons compromis géographiques que l’on peut leur proposer. Nous allons donc tâcher d’imaginer de bons deals pour les territoires dans les années à venir. Pour ça, on a programme qu’on vous présente dans le prochain (et dernier) épisode.

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deuxdegres_deal_Recontreville-Rochefort

La géographie c’est cool !

Cette histoire de deal géographique nous semble essentielle. A partir de la rentrée, nous allons enrichir le contenu du site deux degrés, pour mieux aborder les question de médiation, de stratégie et de promotion territoriale.

En septembre, nous vous proposerons donc une nouvelle rubrique géographique. Le concept est simple : lier modes de vie et territoires. Vous ne voulez pas recevoir d’ondes Wi-Fi dans la tête? Nous allons vous dire où vous allez devoir vivre !

En octobre, nous publierons Grenoble Safari ! Après Bordeaux, nous partons en Isère pour une formule améliorée de notre guide immersif. Doctorants en Quechua et amateurs de chartreuse, nous vous donnons rendez-vous vers le 5 Octobre à Grenoble.

En novembre, nous lancerons la saison 2 de l’observatoire des villes moyennes avec une évolution sur la forme : moins de fiches exhaustives sur des villes mais davantage une mise en scène de la France en 2030 via un mode championnat sportif. Bref, des compétitions territoriales thématiques, avec des gagnants et des perdants.

Mais d’ici la rentrée, nous allons mettre à jour le site pour mieux valoriser les différents contenus et améliorer la visibilité. Et nous lançons une newsletter de suggestions de destinations touristiques. Le but ? Vous faire découvrir la France et surtout renouveler les codes de la communication territoriale. Notre illustratrice estivale, Lucie, a bossé dur pour vous proposer un univers géographique stimulant et immersif. Ce site s’appellera d’ailleurs à la coule. On vous le montre la semaine prochaine mais on peut déjà vous dire que ça ressemblera à ça :

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Voilà.

Nous espérons que ça vous plaira. Merci encore de nous suivre. Gardez la pêche ! Nous comptons sur vous pour diffuser nos (bonnes) productions.

N’oubliez pas que la géographie, c’est cool. Nous, nous sommes plein d’enthousiasme et d’amour et nous tâchons de le partager avec vous.

Bonnes vacances les ami(e)s (pour ceux qui sont coincés au bureau, notre newsletter touristique est faîte pour vous).

 

Tu bosses dans un espace de co-working ?

Tu es cool avec une casquette ?

Tu dragues grâce à ton nouvel I-phone ?

Et dorénavant tu es au top grâce à tous ces objets connectés que tu achètes ?

OK. Maintenant deviens le(la) conjoint(e) à la pointe de l’innovation, de la santé et de l’organisation de vacances grâce au nouveau produit deux degrés !

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Grâce au thermomètre rectal connecté, booste ta santé et découvre plein de nouveaux territoires ! En un simple geste, ton thermomètre te suggère ta nouvelle destination santé / tourisme !

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Après l’assistanat 1.0 :
« regarde moi ce branleur qui se la coule douce avec son RSA ! »

voilà l’assistanat 2.0 :
« regarde moi ce blaireau qui est obligé de se mettre un thermomètre dans le cul pour choisir là où il va passer son week-end ! »

Mea culpa.
Pardon.
Mille excuses.
Nous sommes désolés.
Pendant des années nous avons accusé les urbanistes fanatiques du développement durable d’être des gens très chiants, uniquement passionnés par les papillons. Nous faisions les malins avec notre ville bandante : « Ouais, nous chez deux degrés, on est dangereux. On aime le cul en ville. La drague est un usage essentiel, bla bla bla… »

Et bien nous nous sommes trompés. Lourdement ! Nous devons donc rectifier les choses.

Explication :

Il y a 10 jours, nous avons rencontré un élu et il nous a donné une leçon d’urbanisme.

À la question : « comment fonctionne le parking silo mutualisé de votre quartier ? », il nous a répondu : « vous savez, les habitants ne se garent pas dedans, ils ne veulent pas acheter la place de parking. Alors il n’y a pas beaucoup de voitures, mais y’a des gens qui baisent. »

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OK. Nous posons alors une autre question anodine : « Les habitants sont-ils satisfaits du parc aménagé dans le quartier ? »

Il nous répond : « Ben avec la gestion différenciée, l’herbe est haute d’un mètre, les enfants ne peuvent pas venir jouer. Par contre, y’a des adultes qui baisent cachés dans les herbes hautes ».

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Chamboulés, nous rentrons chez nous et lançons des investigations grâce à notre désormais nouveau site de référence de diagnostic territorial :

http://www.lieuxdedrague.fr/

Nous passons donc en revue les « lieux de drague ».

Parking ?

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bosque

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Parcs ?

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Cimetières ?

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Toilettes publiques ?

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OK. Tous les lieux bien placés, pratiques mais un peu discrets et accueillants sont susceptibles de se transformer en coin à cul. Alors soyons honnêtes : l’urbanisme de ces dernières années a contribué à multiplier les coins à cul urbains en France ! Merci le développement durable.

 

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La ville intelligente ne sera probablement qu’une « tinderisation » des possibilités sexuelles des coins à cul. Malins les mecs d’EDF, de google ou d’IBM !

 

PS : avant chaque projet, réalisez un diagnostic via http://www.lieuxdedrague.fr/

 

Voici une série sur le naming des rues de Bordeaux ou, autrement dit, que faire quand on n’a pas d’argent (ou autrement dit, une réflexion sur les finances des collectivités locales). Une saga co-écrite avec nos amis de Bordeaux 2066, des gens qui aiment les rues.

CARNET DE BORD DE DAMIEN GREGOIRE, ADJOINT AU MAIRE DE BORDEAUX

 

Episode 1

2016

Tandis que « Le boss » vit entre France 2 et Europe 1, avec mon jeune et ambitieux collègue Pierre Sébastien, nous tirons la sonnette d’alarme. Ce qu’on ne pensait possible qu’à Sarreguemines ou à Maubeuge était en train de menacer Bordeaux l’opulente : des « finances publiques exsangues » titrait la presse locale, façon élégante de dire qu’on est dans la merde jusqu’au cou parce que y a plus un radis. Je savais qu’on n’aurait pas du attaquer la rénovation de cette 37ème place.
 

Mai 2017

C’est un triomphe. « Le boss » est arrivé au pouvoir, enfin. Il était temps : le miroir d’eau se dessèche au soleil du printemps, plus aucun Pibal n’est réparé, nous avons du faire appel aux punks du Cours Victor Hugo pour assurer des animations pour Novart, et depuis notre gestion si désastreuse de l’épidémie d’Ebola en 2015, nos crèches ont encore plus mauvaise presse qu’un orphelinat bulgare.

87% des Bordelais ont néanmoins voté pour le Boss. Bien sûr, il s’attendait à un peu plus, mais le Boss n’est pas un ingrat. Il n’a pas squatté le haut des palmarès de tabloïds pendant toutes ces années pour revenir à la case départ, la case Chaban comme on l’appelle entre nous.
 

Juillet 2017

Je me promène dans mes quartiers favoris, là où s’épanouit mon doux électorat de centre-droit, loin des agitateurs si clivants de la droite socialo-centriste, qui squattent en masse les quartiers d’échoppes.
Cours de l’Intendance. Quel sens à ce nom ? Aucun. Je croise la rue Sainte-Catherine. Parmi tous ces badauds se faufilant entre les mendiants, qui connaît la glorieuse histoire de Catherine d’Alexandrie au 3ème siècle ? Personne. Je continue : Cours du Chapeau Rouge. Nom ridicule s’il en est.
Au détour de ma balade, j’écoute d’une oreille une conversation entre deux ados :
– On se retrouve au HMS à 19h.
– Où ?
– Tu vois la place triangulaire où qu’il y a plein de bars avant la Victoire ?
– Ah ok, ça marche.

« La place triangulaire où qu’il y a plein de bars avant la Victoire ». Là voilà notre idée pour faire des projets sans projet ! On va renommer les rues. Seulement les renommer comme les gens aimeraient. Avec ça, plus aucun touriste ne sera paumé. La place triangulaire où il y a plein de bars avant la Victoire s’appellera : « place triangulaire avec des bars juste avant la Victoire ». Les bordelais auront l’impression que les choses changent mais sans changement. Parfait pour occuper le terrain. Faut que j’en parle avec Pierre Sébastien.
 
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Eté 2017 : Le Boss est d’accord, y a plus qu’à.

Groupes de travail, réunions, ateliers participatifs. En un mois de travail, nous avons nos nouveaux noms de rue. Je flippe un peu avant la mise en place des panneaux mais Pierre Sébastien me rassure : « ça va twitter !»

Ça a twitté. Les bordelais ont adoré. Ils trouvent ça pratique. On a même eu droit à la une sur Melty.fr ! Les gens en redemandent. Des lettres d’encouragements par milliers : Cynthia de Marmande, Elodie de Castelnau de Médoc, Redouane d’Ambarès, etc. Tout le monde est emballé.

Avec Pierre, on est parti fêter ce grand coup dans le monde du marketing territorial, rue des Pillers de Tutelle, à la Calle Ocho. Salsa, bachata, rhum jusqu’à 0h45 ! En sortant, Pierre vient me voir un peu éméché et me dit : « Putain, ce serait plus pratique si cette rue s’appelait la rue de la Calle Ocho ! » puis il trébucha vers une jeune militante UDI. Une connaissance visiblement.

La rue Calle Ocho ? C’est une idée géniale pour remplir les caisses. On va faire du naming! Comme pour les stades qui vendent leur nom à des marques, nous allons vendre les noms des rues de Bordeaux et amasser les Euros. Les jaloux vont maigrir, comme disent ces jeunes qui font de la planche à roulettes devant le Grand Théâtre.

 

 Passez la souris sur les points noirs pour voir apparaître les noms de rue.

 

Episode 2

Septembre 2017

Pour redonner tout son lustre à notre belle cité, il faut marquer un grand coup. On doit viser la compétitivité mondiale, le mainstream de haut-niveau.

On veut des marques clinquantes, 3.0. Le boss passe quelques coups de fil et bingo, les premiers noms sont tombés : la place de la Comédie devient la place Apple, la place de la Bourse est renommée la place Selfie Instagram. Concernant le cours de l’Intendance, les débats ont été rudes mais ce sera dorénavant le cours Nespresso. Et pour la rue Porte Dijeaux, on a fait monter les enchères et elle s’appellera la rue Baillardran.

Celui qui a un peu craqué, c’est Martin Bouygues. Il est tellement riche qu’il voudrait un quartier entier, quelle histoire… Heureusement on a pu lui vendre un petit quartier qui a perdu vachement de valeur ces derniers temps, Ginko je crois que ça s’appelle. « Cité Bouygues », ça sonne tellement mieux. En plus ça tombe bien, me souffle Pierre entre deux coupes de champ’ : « C’est moi qui l’avait fait bâtir à l’époque ce truc ».

Je rentre un peu ivre de cette inauguration. J’y songe, faudrait peut-être pas qu’on croit à du favoritisme, j’aurais vite fait d’avoir Mediapart au cul. Deux semaines après, Pichet rachète le Pont Chaban.

« PICHET 1 – 1 BOUYGUES » titre Sud Ouest. Ouf, mon intégrité est sauve. Et le pont Pichet en face de la grande carafe de la cité du vin, ça plaît aux touristes. Y’en a du Chinois qui se prend en photo avec un verre de rouge à la main.
 

Janvier 2018

Une missive arrivée de Porto nous a bien fait marrer à la Mairie. Superbock, la fameuse bière portugaise, a entendu parler de notre démarche et veut racheter le Cours de l’Yser. Ils y ont remarqué un pic de vente unique en France qu’ils nous disent. Au début on les a pas trop pris au sérieux, puis finalement ils nous ont allongé 200 000 euros et mis à disposition des milliers de goodies à distribuer dans les bars. La population locale est absolument ravie. Pour l’inauguration, la fête a duré tard dans la nuit dans le barrio. J’ai prévenu Sud Ouest, pour qu’ils ne fassent pas leur 9ème article du mois sur le tapage nocturne et l’insécurité dans le quartier. Saude !
 

Mars 2018

Pour les premiers rayons de soleil du printemps, ça ne pouvait tomber mieux. Rihanna se porte acquéreuse des quais de Bordeaux. Un chèque de 3,5 millions d’euros vient de tomber. Je demande à Pierre d’aller illico rallumer le miroir d’eau. On est quand même un peu embêtés, elle n’a pas voulu acheter tout ce qui est au sud du Pont Saint-Jean. « Too dirty, too dangerous » qu’elle me dit la Barbadaise. Tant pis, les Quais de Paludate deviendront « Quais de la Seat Ibiza jaune canari », en hommage aux nombreux fêtards des zones périphériques qui possèdent ce véhicule. J’ai appelé le concessionnaire Seat du Bouscat, ils sont ravis et veulent bien organiser un défilé de Seat Ibiza tunées pour fêter ça. Qui a dit qu’on avait une politique culturelle élitiste ? Dans le cul Lulu.

Jackpot : 2 600 000 € supplémentaires par an dans les caisses et une campagne de presse dans le monde entier.

Nos virulents opposants de centre-gauche crient à l’hérésie culturelle et nous traitent de vendus au grand capital. Les pauvres, s’ils savaient ce qu’on leur réserve. J’ai déjà hâte d’aller pisser dans l’Impasse Vincent Feltesse.

 Passez la souris sur les points noirs pour voir apparaître les noms de rue.
 

Episode 3

Mai 2018

Les vannes sont ouvertes, on ne nous arrête plus. Ce sont les commerçants locaux qui veulent leur plaque de rue dorénavant. Tous les amis du boss veulent le nom de leur enseigne sur le plan de Bordeaux. Denis Mollat est vert que la rue Porte-Dijeaux ait déjà été vendue à Baillardran. En même temps il pouvait pas suivre, quand on y pense, un canelé ça marge mieux qu’un bouquin. Et puis ça va quoi… on lui a vendu Vital-Carles pour 350 000 €. Si ça c’est pas de l’amitié, je ne m’y connais pas…

En tout cas ça commence à devenir du sérieux en centre ville : la Place Fernand Lafargue devient place de l’Apollo (désolé pour le type qui vit au numéro 13), la rue de Cursol devient rue Sports Aventure…

Même les gauchistes s’en mêlent : la Place Camille Julian a été rachetée par Utopia ! Du coup on est allé voir Darwin, mais ça ne les intéressait pas de racheter les Quais des Queyries. La vengeance n’étant pas un plat bio, on les a renommé « Darloose ». Je ricane.
 

Juillet 2018

« ONE, TWO, THREE, VIVE LE MALI » ! Ohlala quelle ambiance Place de la Victoire !! C’est complètement ouf ce qu’il vient de se passer, le Mali vient de battre le Brésil en finale de la Coupe du Monde !! Et qui a inscrit le doublé de la victoire ? CHEIKH MAAAAGIC… DIAAABAAATEEEE ! Un but de chaque genou, un vrai artiste !

C’est une des images les plus regardées au Monde : Cheikh vient de déclarer à la télévision officielle russe qu’il pensait fort à tous ses amis et à sa famille à Bordeaux. Le site de la mairie et l’onglet « Invest in Bordeaux » ont reçu plus de 6 millions de clics dans la nuit !
J’appelle de suite Jean-Louis Triaud, y a pas à hésiter : on cesse les pourparlers avec Cacolac pour acheter le nom du Grand Stade. Désormais Girondins et UBB se partageront le Stade Cheikh Diabaté. On est en Une de l’Equipe et de la Gazzetta dello sport, on est des putains de génies.
 
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Septembre 2018

Ca commence fort cette rentrée politique. Mes opposants me gonflent. D’après eux, je serais réac et vieux jeu. Pierre me lance une idée : nous allons les prendre à leur propre piège et adopter une des mesures les plus féministes que puisse prendre un élu local. Et ce de façon participative, s’il vous plaît. Je m’explique : Mauriac, Montaigne et Montesquieu, ils sont sympas, mais ils ont fait leur temps. Quant au marché des Grands Hommes, ces tanches de touristes croient qu’on rend hommage à Patrick Bruel. N’importe quoi. C’est donc pour être raccord avec notre époque que nous consultons la population pour changer le quartier des Grands Hommes en quartier des Grandes Femmes. Il s’agit de renommer les rues du triangle avec des noms de femmes qui ont marqué notre époque. Avec 5879 retweets, ça buzze au taquet comme idée.
 

Octobre 2018

La démocratie participative a parlé : Voltaire, Montesquieu, Buffon, Jean-Jacques Rousseau, Montaigne et Diderot deviennent respectivement Loana, Nabilla, Enora Malagré, Jenifer, Ayem et Ophélie Winter. Le patron du Chapon Fin est furax d’être rue Nabilla. Fallait pas me pousser vers la démocratie participative, on ne m’y reprendra plus.

 

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 Passez la souris sur les points noirs pour voir apparaître les noms de rue.
 

Episode 4

Novembre 2019

Un an après l’épisode des Grandes Femmes, nous voilà dans une situation bizarre. Cette affaire a fait le tour des médias, les internautes en raffolent toujours mais le prestige de notre politique de naming en a pris un coup et les caisses ne se sont pas aussi remplies que prévu. Le nouveau dircom, un ex-boss de Twitter France, a pris la seule décision irrationnelle à prendre dans ce cas là : continuer dans le nom racoleur et espérer que ça génère beaucoup d’argent plus tard. Une idée qu’il a volé à son ancienne boîte avant qu’elle ne coule.

Bienvenue dans l’escalade de la connerie, dans le monde du like au kilo.
 

Acte 1

Lyon pique notre idée, l’ancienne capitale des Gaules se met au naming également. Les pauvres, ils n’ont pas les épaules. On va leur faire une démonstration de buzz territorial offensif. Je suggère à Pierre Sébastien de rebaptiser l’esplanade des Quinconces. Elle devient : « La plus grande place d’Europe devant la Place Bellecour .» Le dircom fait une grimace, il trouve ça consensuel. Il propose plutôt : « La plus grande place d’Europe devant la Place Bellecour  de ces tarlouzes de Lyonnais #Gourcuff ». A notre tour de grimacer mais trop tard, l’annonce Facebook est déjà publiée. Magie de l’Internet, nous passons pour des génies. Bordeaux 1 – 0 Lyon. Ce n’est pas notre plus belle victoire à mon goût.

place des quinconces
 

Acte 2

Des commerçants nous résistent, ils ne veulent pas payer. Ils s’allient et refusent de changer le nom de leur rue. Tant pis pour eux. Ils jouent notre jeu ou ils crèvent. On va frapper fort. On écrit le projet de délibération rebaptisant la rue St-Rémi : «  la rue des restaurants de merde qui te servent des surgelés à 20€ ». Cela ne suffit pas, les commerçants résistent à la pression, ils ne veulent toujours pas céder. Le conseil municipal approche. Je dis à Pierre d’arrêter mais il ne veut pas. Il veut faire rentrer l’argent dans les caisses. Trop occupés sur notre cas de conscience, on se fait déborder par le nouveau dircom qui annonce sur Facebook que la mairie a trouvé un deal avec Findus pour rebaptiser la rue de la Tupina…Ca sent bon la guerre civile. Combat de commentaires sur Internet mais ce foutu dircom sait ce qu’il fait. Il annonce que le patron de la Tupina serait peut-être plus heureux avec un restaurant sur le Cours des Kebabs, des coiffeurs africains et des sex-shops (anciennement cours de la Marne). Tout le monde approuve, tout le monde rigole, sauf le proviseur du Lycée Gustave Eiffel (qui à l’époque s’était prononcé pour le « Cours Elite de la nation »). Fin de la polémique. Incompréhensible.
 

Acte 3

Un post Facebook anodin propose de renommer le carrefour le plus accidentogène de Bordeaux, la place Bir Hakeim, en l’honneur du joueur de foot le plus accidentogène de Bordeaux, Frank Jurietti. Internet tremble au delà de Bordeaux. 3 jours après, suite à une belle victoire 1 – 0 des Girondins face au Red Star, un groupe de supporters éméchés change lui-même le panneau. Photos, articles de journaux, reportage Téléfoot. Le naming est un succès total, nous sommes dépassés. Les articles de loi sur le domaine public n’impressionnent plus personne.
 

Acte 4

Le naming ayant avant tout lieu dorénavant sur Facebook et loin des plaques de rue, tout le monde s’en donne à coeur joie. Le naming à portée de main ! Pour le meilleur mais surtout pour le pire. Le community manager ne peut plus gérer. Certains veulent renommer la dalle de Mériadeck en « dalle des fonctionnaires qui glandent dans la galerie Auchan ». Succès. D’autres veulent renommer la barrière de Toulouse en « barrière avec ce putain de radar automatique ». Succès. Quelques étudiants proposent de remplacer place de la Victoire par « place de la tortue à côté de la colonne de merde avec plein de dealers où tu peux boire des coups pas chers avant d’aller pécho Quai de la Seat Ibiza Jaune ». Demi-succès. A la proposition d’un certain Stefano de renommer les allées Tourny en « Allées de la pouffiasse en Mini Cooper », le site est fermé. Faut dire que ça avait heurté quelques épouses de notables qui s’étaient reconnues. Qu’est-ce qu’on s’est marré avec ce truc ! Enfin il était temps, le dircom est viré. De mon côté je rends mon tablier, totalement usé par toutes ces conneries 2.0. Un petit nouveau me remplace. Il est jeune, beau et bourré de talent. Un certain Fabien Nicolas.
 
barrière de toulouse

 Passez la souris sur les points noirs pour voir apparaître les noms de rue.

allées Tourny

 

Épilogue

 

Fabien Nicolas:

 

Vie politique

Assureur, opticien, agent immobilier, vendeur de cigarettes électroniques et homme politique français. Premier adjoint de la mairie de Bordeaux de novembre 2019 à décembre 2019.
Sa première action fut de ré-institutionnaliser la politique de naming de la mairie de Bordeaux. Voulant sortir de la polémique qualifiée de « nauséabonde » de « l’allée des pouffiasses en Mini Cooper » menée par son prédécesseur, Damien Grégoire, il proposa de renommer la statue Jacques Chaban Delmas (place Pey Berland) en « statue d’un inconnu marchant vers Alain Juppé ». Il fut démis de ses fonctions le lendemain de l’inauguration surprise de la statue en présence d’Alain Juppé, alors président de la République.

L’article Sud Ouest du 24 décembre 2019 titra : « On n’avait plus d’argent pour faire une nouvelle statue ! »
 

Divers

À la fin de sa carrière politique, Florian Nicolas se lance dans une carrière de chanteur de charme en EHPAD. Il déclare en mars 2020 à Sénior magazine : « je souhaite changer le quotidien des femmes qui écoutent mes disques. Mon ambition est de donner de l’espoir à toutes les françaises. »

 

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 Passez la souris sur les points noirs pour voir apparaître les noms de rue.

 

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Stéréolux nous a invité pour une conférence sur le thème de la ville et du jeu. Nous avons donc réfléchi sur les bonnes conditions pour jouer, sur les rapports au public avec une idée de base : lorsque vous jouez en ville, le public qui vous regarde n’est pas venu pour vous voir ! Une conf quasi théorique mais avec un peu de cul, une référence à Katy Perry et un clash Bordeaux / Nantes à la fin. En bonus, il y a un début de discussion pour rappeler que les artistes et le numérique, c’est aussi beaucoup trop d’expérimentations anecdotiques.

Notre intervention commence à la 54ème minute de la vidéo. Bon visionnage.

Les places les plus passantes de votre ville sont investies par des personnes immobiles et souriantes autour d’un présentoir ?
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Ce sont des témoins de Jehovah en plein prédication (quelques infos et ). Ils ont l’air de s’ennuyer un peu…C’est dommage, ils optimisent mal leur visibilité en ville. Envisageons une solution pour rendre leur présence sur les espaces publics utile pour le plus grand nombre. Ils ont un look bien à eux ? Transformons les en mannequin urbain !
 
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La conférence où l’on fait parler les personnages des perspectives d’architectes ! Et dans laquelle on parle de mise en récit de projet, d’anecdotes, de conflits et de Hegel.


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Voilà un article synthétique pour exprimer notre point de vue sur les labels de ville. C’est gratuit mais ça fait du bien, c’est d’utilité publique ! Et c’est toujours moins cher que d’adhérer à un de ces labels.
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Web

 
On vous prépare les stickers pour Noël, si vous souhaitez décorer les panneaux de votre commune ou ceux des communes voisines.
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Vous avez aimé le Urban Danger Calculator ? Vous n’aimez pas les clowns ? Découvrez notre nouveau produit :

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MISE A JOUR /// PANIQUE /// ATTENTION /// VIGILANCE

Après des investigations, on s’est rendu compte que les clowns sévissent principalement sur les parkings des supermarchés de marque Leclerc :

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Mais pas de panique, Jean-Yves Bart nous a fait parvenir la réaction du PDG :

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En cas de peur, référez-vous  à la carte de menace clown :

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Vous voyez plein de nouvelles formations privées ouvrir dans les quartiers pourris de votre ville ? Vous êtes toujours surpris par l’intitulé des « diplômes » délivrés ?

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Vous allez devoir vous y habituer, c’est l’avenir ! et ça a plein de bons côtés pour l’ambiance de votre ville :

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Merci à l’Isefac et sa science du pourcentage de nous avoir inspiré cet article.

 

 

Aujourd’hui, nous allons vous parler d’économie circulaire pour critiquer les acteurs qui en font la promotion. Puis on parlera de nos méthodes de travail avec un exemple stupide sur les chats. Faut-il tuer tous les chats ? Peut-on en garder quelques uns pour les mutualiser ? Nous sommes pour cette dernière hypothèse.

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Alors, bien entendu, on peut faire ça sur des sujets plus intéressants et en étant plus intelligents avec les maîtres d’ouvrage, mais nous on aime un monde de punks à chats.

 

Chez deux degrés, on se lance parfois dans des études de marché assez fumeuses.

On observe la montée en puissance des sites de covoiturage et de sous-location. On ne s’intéresse pas à l’aspect « rencontre », on constate juste que les utilisateurs de ces sites deviennent des entreprises de services individuelles, qu’ils sont notés et que ça permet de voyager facilement. À partir de là, on pousse les tendances dans une direction ou une autre et on tire des conclusions hâtives et simplistes. Ça peut justifier certains de nos projets quand l’idée nous plaît et qu’on sait faire !

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Bientôt des soirées Safari réservées aux gens au moins 4 étoiles ?

 

 

 

 

Les trottoirs deviennent accessibles aux personnes en fauteuil roulant mais la multiplication des potelets les gênent dans leur parcours ? Nous avons une demi-solution.

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Avant de lancer l’observatoire des villes moyennes, nous nous sommes intéressés aux stratégies de marketing territorial de 36 agglomérations (entre 50 000  et 200 000 habitants) via leurs sites Internet.

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125 mots-clés ont été relevés. Nous les avons classé en 16 catégories et calculé leur récurrence dans les sites Internet consultés.

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Traduisons ce discours en activités quotidiennes.  La thématique « patrimoine » devient ainsi « marcher dans des rues bordées de vieux bâtiments » et la thématique « culture » deviendra « aller à une expo d’art ».

Analysons maintenant la répartition de ces activités entre elles. Nous obtenons une moyenne de ce que les villes moyennes proposent. C’est ce que nous appelons une journée-type d’une ville moyenne moyenne (les thématiques « dynamisme » et « qualité du cadre de vie » n’ont pas été retenues car elles désignent un quotidien non révélateur de la diversité des modes de vie). Autrement dit, quelle vie vous vendent ces 36 villes ?

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Afin de définir la pertinence de cette journée-type (et donc du contenu des documents de communication des collectivités), nous allons la comparer avec les envies des (futurs) habitants en vous proposant un sondage. Vous pourrez ainsi nous indiquer les 4 activités les plus recherchées dans une ville. Si les résultats diffèrent de la journée-type ci-dessus, nous proposerons pour conclure la communication idéale de la ville moyenne moyenne.

LE SONDAGE

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Rappel méthodologique de l’opération « rectifions le marketing territorial des villes moyennes » :

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Merci pour votre participation. Nous revenons à la fin du mois de Juin pour faire le portrait idéal de la ville moyenne moyenne. Si des réponses manquent dans le sondage, n’hésitez pas à nous les proposer dans les commentaires.

La coupe du monde commence dans un  mois, alors on va parler un peu de stade et de salles de sport. Il y en a plein qui se construisent. Ce sont de beaux équipements, bien aménagés, accueillants pour tout le monde : confort, PMR, etc.

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C’est bien, sauf que c’est complètement con ! Parce que s’il y a bien un équipement qui ne doit pas être accueillant pour tout le monde, c’est bien un stade ou une salle de sport. Vous êtes supporter de l’équipe locale : vous n’allez pas souhaiter la bienvenue aux supporters adverses ! Ils ne sont pas là pour passer 2 heures de douce convivialité. Le supporter adverse ne doit pas se dire : « Super ! Je vais faire 4 heures de voiture pour aller au stade, je vais me garer facilement et peut-être qu’après cet agréable match, dans cette chaleureuse enceinte, j’irai prendre le tramway pour aller flâner en centre-ville. »

Non. NON!

Un stade ne doit pas être accueillant pour tout le monde !

Les visiteurs doivent en chier. Les joueurs adverses doivent se faire dessus avant d’arriver dans votre stade. Il faut que l’équipe visiteuse se dise : « oh putain, ce match, j’ai pas envie de le jouer. Je veux pas être sur le terrain dans ce stade ! ». Il faut que l’arrivée au stade soit un moment vraiment dérangeant pour vos adversaires. Et que le match soit pire encore. Il faut leur faire comprendre qu’ils devraient partir, qu’ils ne sont pas les bienvenus, qu’ils ne sont pas chez eux et que vous allez les laminer.

Pour avancer dans ce sens, nous vous présentons quelques idées pour l’aménagement des stades et des salles de sport nouvelle génération en prenant exemple sur Dunkerque (ils sont champions de France de handball et la municipalité vient d’annuler un projet d’Arena accueillante, donc ils pourraient privilégier notre approche).
Il existe à Dunkerque une situation intéressante pour mettre en place :

  • une arrivée chaleureuse des locaux à la salle depuis un quartier résidentiel bucolique;
  • une arrivée inhospitalière et inquiétante des visiteurs de l’autre côté, beaucoup plus industriel.

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Les Américains ont bien compris la valeur d’un mauvais accueil comme le montre cette pub. Pour la petite histoire, les méchants supporters verts seraient une caricature de ceux de l’équipe des Seattle Seahawks qui, comme par hasard, a gagné le Superbowl cette année (comme quoi, ne pas être accueillant peut faire gagner dans le sport).



Même les normes antisismiques n’ont rien à faire dans un stade.

 

Notre veille stratégique sur l’avenir des territoires français est riche en enseignement, surtout si on prend soin de croiser les données.

D’un côté, analysons le classement des villes les plus obsédées (villes dans lesquelles le mot « sexe » a été tapé le plus souvent dans un moteur de recherche – autrement dit, les villes de branleurs). 

Prenons la carte de la qualité du sperme de l’autre.

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Tirons-en les conséquences :

qualité de sperme branleur

Face à constat, deux degrés a mis en place une stratégie de Gestion Territoriale des Ressources et des Compétences et d’économie circulaire qui  a abouti, après plusieurs mois de travail, à la création de la nouvelle application qui va ridiculiser la superficialité de Tinder. Une application qui allie le plaisir de la rencontre géolocalisée et la beauté de la naissance d’un enfant. Une application qui met la bonne gestion des ressources au centre de la vie.

 

sperme breton breizh sperm

 

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Dijon, Lille, Caen, Bordeaux, le vocabulaire de la nature en ville s’est propagé aux transports en commun.

Imaginez le désastre pour de nouveaux habitants plein d’espoirs, qui arrivent dans une ville qui se vante de ses Lianes, lorsqu’ils découvrent qu’il s’agit… de bus ? Imaginez l’un de ces nouveaux habitants, appelons-le Tarzan, qui arrive de sa région pleine de richesses naturelles, en se disant qu’il va pouvoir se déplacer comme chez lui, avec de la nature et des arbres dans chacune des rues. Nous, en tout cas, on va essayer de l’imaginer. 

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Tarzan s’installe avec sa famille dans un nouvel écoquartier situé au nord de la ville. Il peut profiter des parcs publics pour grimper de temps en temps et crier à sa guise. En effet, son hurlement, dans son T3 de 51m², risquerait de gêner bon nombre de ses voisins, surtout que la laine de mouton dans les murs de l’écoquartier n’offre pas une isolation sonore optimale.

Tarzan doit aussi se déplacer. Et là, c’est le drame ! Des bus toutes les demi-heures, parfois à attendre dans le froid et la pluie, avec un changement de ligne obligatoire pour rejoindre le centre-ville et le commerce de bananes bio de proximité qu’il a ouvert avec Jane.

Conformément à son programme électoral, le maire de la commune décide qu’à l’horizon 2030, chacune des rues de la ville sera agrémentée de nombreux arbres. Le paysagiste en charge du projet annonce qu’il aura recours à des essences d’arbres tropicaux et exotiques. Tarzan n’est pas satisfait. Les pollens des nouveaux arbres exotiques lui font fréquemment couler du nez. C’est vrai que les arbres sont jolis, mais les pollens sont très agressifs, inadaptés au milieu local et provoquent de graves crises d’allergies chez beaucoup de gens. Mais bon, Tarzan sait que parfois il faut savoir faire des sacrifices vis-à-vis de la nature.

Il décide alors de militer pour monter un dossier de création de Lianes à Haut Niveau de Services. Son comité de quartier s’est chargé d’affiner et de porter le projet. Au bout de plusieurs années de projets participatifs, le maire décide d’intégrer cet équipement à son projet de métropole pour 2030.

Bravo Tarzan!

 

Nous vous laissons découvrir avec ces images comment Tarzan a convaincu les pouvoirs publics.

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Rappelons que sont en vente sur ce site Internet les dernières aventures de Tarzan :

Tarzan et l’écoquartier perdu

Tarzan et la voiture hantée

Tarzan et Rahan, l’amitié retrouvée dans un bar à tisanes

Tarzan ouvre un commerce de bananes bio de proximité

Tarzan achète du jus de carottes bio à la biocoop

Tarzan fabrique une liane avec du chanvre bio

 

Et pendant ce temps là, cet enfoiré de oui-oui se déplace toujours en voiture au milieu des particules fines.

deuxdegres_developpement-personnel_oui-oui

Alors on dit : « oui, la clope c’est mal, c’est pas bien! » Ok, mais maintenant, avec le prix d’une cigarette et le vapotage, et ben ceux qui fument encore sont des gens qui ont de l’argent et de la volonté. Les fumeurs deviennent plus rares et ils sont hype. Et ils méritent qu’on leur réserve une place dans notre société. Surtout dans le monde de l’excellence professionnelle :

 

RVB de base

(oui, on représente l’excellence professionnelle uniquement par des hommes en photo)

RVB de base

fumer en entreprise

deuxdegres_economie_fumeurs_finalÇa a tout de même plus de gueule !

En 2014, vous n’aurez pas d’argent.
deux degrés non plus mais son équipe travaillera sur l’observatoire prospectif de la France.

En guise de préliminaire, et puisque l’Express ne veut pas le faire, voici une sélection de villes dans lesquelles il fera bon de ne pas avoir d’argent. 

 

classement assistanat ville

 

 

Pour cette saga de l’été, on s’est pas fait chier, on a capturé le journal intime de notre stagiaire Pierre-Etienne. Il est community manager. On ne sait pas ce que c’est mais on l’a tout de même accepté pour deux mois.

 

17 Juin

Cher journal,

Grâce à mon cousin qui m’a coopté, j’ai commencé aujourd’hui mon stage à l’agence deux degrés. Je suis en charge de leur communication et de la mobilisation de la communauté qui les suit, notamment pour la sortie de leur livre : Le Petit Paris. J’espère pouvoir soigner leur e-réputation et leur apporter beaucoup dans les domaines du marketing, du team building, du business networking. Je suis très excité.

18 Juin

Je sens que ça va être dur. Lorsque je leur ai dit que j’étais community manager et qu’ils pouvaient se servir de mes capacités d’influenceur, ils se sont énervés, ils m’ont interdit l’accès à Internet et ils m’ont dit que je n’étais pas encore humainement pertinent pour influencer qui que ce soit… je vais me coucher tôt ce soir.

 

19 Juin

Aujourd’hui, j’ai demandé quel était le thème de leur livre sur Paris. Florian m’a alors demandé où habitaient mes parents. Je lui ai répondu qu’ils habitaient au sud, à Antony. Il m’a alors dit que, techniquement, avec ce livre, Antony n’existera plus dans 15 ans, que l’ancienne maison de mes parents se retrouvera au milieu d’une forêt et qu’ils seront partis vivre à Perpignan. Je n’ai pas compris mais ce livre a l’air important.

 

Mémo : penser à appeler maman ce soir pour la prévenir de cette histoire de disparition d’Antony.

 

20 Juin

Aujourd’hui, j’ai proposé de benchmarker d’autres projets similaires pour trouver de nouvelles idées. Ils m’ont demandé si j’avais lu leur livre, ont souri, et m’ont donné comme mission de faire un benchmarking de cinq Agendas 21 pour lundi. Je crois que je suis en train d’acquérir leur confiance. Je vais me surpasser pour ce benchmark.

 

21 Juin

Ils ont mis en ligne leur boutique hier. Elle est pourrie ! Quand je leur parle d’Amazon ou d’Apple store, ils me traitent de raclure capitaliste qui veut voler leurs revenus d’auteurs. J’ai suggéré tout de même de soigner l’expérience client lorsque les gens achètent le livre. Mathieu m’a dit que ce qu’ils proposaient, c’était bien plus que ça, c’était de « l’aventure client » : il achète le livre, il sait pas si le paiement va être accepté, il sait pas s’il va recevoir le livre, il sait même pas à quoi ressemble le livre! De l’aventure client ! Mes profs ne m’ont jamais parlé de ça.

 

24 Juin

Ce week-end, j’ai lu les cinq Agendas 21… Je crois qu’ils ont voulu me punir de quelque chose. Je crois qu’ils ont voulu me faire mal.

 

25 Juin

Aujourd’hui, il y a eu une réunion pour parler de la communication autour de leur livre. Les ventes ne sont pas satisfaisantes. Elles ont chuté de 88 % depuis le 20 Juin. C’est grave mais ça n’a pas l’air de les traumatiser. Quand je leur ai demandé de détailler les actions qu’ils comptaient mettre en place pour relancer les ventes, Mathieu s’est emporté en expliquant que sa mère en avait déjà acheté 3, son frère 2 et que sa famille avait des problèmes d’argent en ce moment. J’ai peur de parler maintenant.

 

26 Juin

Je viens de comprendre que la baisse de 88% signifie qu’ils ont vendu 9 livres le 20 Juin et seulement un le 25 Juin. J’ai donc appris trois choses aujourd’hui. Premièrement, avec les pourcentages, il faut faire attention. Deuxièmement, je crois que les trois mecs de deux degrés sont des losers. Troisièmement, mon stage ne sera pas rémunéré.

 

27 Juin

J’ai eu une discussion sur les chiffres de vente ridicules avec Mathieu aujourd’hui et il m’a dit :

« Tu crois quoi ? Que Jésus, quand il a écrit la Bible, il en a vendu 10 000 exemplaires le premier jour ? Non. Ça a pris du temps, mais au bout de quelques années, son livre a cartonné. Et bien nous c’est pareil, on a le même business plan que Jésus mais en un peu plus rapide et en plus cool. »

J’ai l’impression qu’ils ne sont pas allés au catéchisme.

 

28 Juin

Cher journal,

J’essaie de m’intégrer à l’équipe. J’ai dit du bien du fait de vendre un fichier numérique. Je leur ai dit que le marché de l’ebook était mûr, notamment avec la montée en puissance des digital mum.

Florian a dit qu’il ne connaissait pas ce concept, que ce n’était cité dans aucun American Pie.

Harold m’a demandé si les digital mum, c’était comme les MILF ?

Je ne connaissais pas cette cible marketing, j’ai fait des recherches sur Internet… ça n’a rien à voir. J’ai peur.

 

1er Juillet

Cher journal,

J’ai parcouru leur livre aujourd’hui, il est joli, il y a de chouettes dessins comme celui là :

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Par contre, le livre est tout rose. Martin, le graphiste, m’a dit que c’était magenta. J’ai suggéré de mettre plutôt du vert, c’est plus tendance. Florian s’est fâché, il m’a dit :

«  j’en connais un qui va benchmarker des agenda 21 ! »

Je me suis tu mais je ne vais rien lâcher, je suis sûr qu’on peut développer une communication corporate B to B avec un dessin fédérateur, renouant avec la comédie, la légèreté et la connivence. Je vais relancer Mathieu tous les jours pour faire un dessin destiné à la communauté facebook.

 

2 Juillet

Je leur ai dit de communiquer davantage sur Twitter et, comme d’habitude, Florian a eu l’air consterné. Heureusement, Harold a pris ma défense en disant que Twitter ça avait l’air important mais qu’il ne comprenait pas ce que c’était. Ils m’ont demandé d’expliquer l’intérêt de Twitter en 140 caractères… je n’ai pas réussi. Je me suis senti désemparé, je l’ai écrit sur mon mur facebook.

 

3 Juillet

Ils m’ont donné les commentaires des premiers lecteurs afin de communiquer un peu sur le livre. C’est encourageant. Par contre, je pense que certains sont faux :

je vous lis avec délectation (…) votre point de vue est bien rafraîchissant Maxime

Ca fait un bien fou de lire ça après une année de master 1 à parler de pistes cyclables, d’écoquartiers et de jolis tramway en site propre Rémi

j’étais pété de rire Jean-laurent

J’ai déjà acheté 4 fois le livre de mon petit Mathieu, c’est toujours un plaisir renouvelé Dominique Z.

Depuis que j’ai lu ce livre, ma créativité a augmenté de 28%, mon brand managing de 43%, je suis une meilleure urbaniste  Cynthia

Je l’ai lu il y a 5 jours, c’était magique. Depuis, ma calvitie se réduit et mes érections sont plus vigoureuses Patrick Anderson

La boutique n’a pas fonctionné Nadja

 

4 juillet

Ils n’ont vendu que trois livres cette semaine mais ils travaillent quand même sur les moyens de financer la sortie en papier de leur Petit Paris pour le mois d’Octobre. Florian m’a demandé de faire des recherches sur Gregory Lemarchal, il pense que la mort de l’un des auteurs pourrait bien relancer les ventes. Harold suggère plutôt le financement participatif. C’est d’après lui un outil très puissant, ça a lancé Grégoire et Joyce Jonathan. Ils ont ensuite passé la fin de l’après-midi à débattre sur le potentiel sexuel de Disneyland. Ils m’ont demandé de prendre des notes.

Des fois, je ne me sens pas du tout inspiré par mes maîtres de stage.

 

5 Juillet

Toute la semaine, j’ai demandé à Mathieu de faire d’autres dessins pour alimenter le facebook de la communauté deux degrés. Il l’a fait… il a glissé ça sur mon bureau ce matin :

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Je crois que je ne vais pas le publier, le dessin me semble trop segmentant, pas assez corporate. De toute façon, cette idée de dessin n’était pas bonne. Quand j’ai feuilleté la page 75 du Petit Paris, je suis tombé sur leur illustration du cluster de Saclay…un dessin très inquiétant. Je ne suis pas sûr que ce soit un livre d’urbanisme. Je vais devoir le lire attentivement.

Mémo : se méfier de Mathieu, il a une part très sombre.

 

8 Juillet

Cher journal,

J’ai passé une bonne journée aujourd’hui, tout le monde était content, ils ont vendu leur livre à l’agence d’urbanisme de Strasbourg et un exemplaire au Bangladesh.

Par contre, j’ai lu l’introduction, c’est un peu confus. Ils parlent de vampires, des BB Brunes, de la nouvelle centrale nucléaire francilienne et de frustrations provinciales vis-à-vis des femmes. Le pitch du livre ne me semble pas très clair.

 

9 Juillet

Lorsque je leur ai demandé de repréciser le sujet du livre pour donner plus d’impact à la campagne de marketing, Mathieu m’a regardé assez froidement et m’a dit :

« On a détruit un tiers de l’Ile-de-France. Ca te suffit pas comme impact ? »

Florian a rajouté que seuls les Vikings, les Anglais, les Prussiens et leur dérivés germaniques avaient tenté la même chose mais en vain. Puis Mathieu a crié : « On a les plans! Tu entends Pierre-Etienne? On a les plans de la démolition de l’Ile-de-France!!! ».

Je sais qu’ils ont les plans, je les ai vu dans le livre…

 

10 Juillet

Mathieu était très excité aujourd’hui, il a une idée pour vendre plus de livres, ce qu’il appelle « la stratégie de la peur ». Il dit qu’il faut faire comme ces « bâtards d’assureurs qui te disent que ta femme va crever du cancer ou que ton fils sera handicapé pour te vendre des contrats à la con ». Il veut que les gens aient peur et qu’ils achètent le livre pour savoir s’ils doivent vraiment avoir peur. Il a proposé de nouvelles couvertures qui feraient « bander Jean-Marc Morandini » selon lui :

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***

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***

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Mathieu m’a remercié d’avoir suggéré de donner plus d’impact à la stratégie de communication. Il avait l’air content de moi… je suis troublé, c’est peut-être un piège? En tout cas, j’ai un copain qui travaille au journal Le Point, les nouvelles couvertures pourraient l’intéresser.

 

11 Juillet

Une bonne journée au boulot aujourd’hui, Mathieu n’était pas là. J’ai bossé avec Harold sur leur projet d’observatoire des villes françaises et, plus particulièrement, sur Caen. Il m’a expliqué que lorsque l’on regarde le wikipédia et le site Internet de Caen, le seul potentiel touristique et d’animation de la ville qui est mis en avant c’est son mémorial. Ce serait apparemment un mauvais signe, mais il dit qu’il y a sans doute quelque chose d’intéressant à envisager pour améliorer l’image de cette ville. Visiblement, il faut faire 5 années d’études pour arriver à décrypter ce genre de choses.

 

12 Juillet

Je suis content, j’ai bu une bière avec eux après le boulot, et ça m’a beaucoup appris. Ils ont parlé de filles toute la soirée. Mais, bizarrement, ils n’ont pas l’air de tout comprendre à ce sujet. Ça doit être ce qu’ils appellent le « raisonnement par l’absurde ».

 

Mémo : je sens que je me suis bien intégré ce soir, ils m’appellent Pierrette maintenant.

 

15 Juillet

Cher journal,

J’ai lu le premier chapitre de leur livre. Ils parlent de transport, de douceur, de marche à pied. Tout n’est pas intéressant mais je me suis laissé emporter par ce texte assez mignon. Il y a même des passages romantiques avec leur héros Antoine. En mettant en valeur ce style plus consensuel, je suis sûr qu’ils pourraient élargir le profil des acheteurs du livre.

 

16 Juillet

Après trois heures d’hésitation, j’ai osé leur dire qu’ils devraient être moins segmentant pour vendre plus de livres et, bizarrement, ils m’ont écouté. Ils me font confiance pour les driver dans la construction de leur nouvelle image plus rassembleuse. Faut dire que la « stratégie de la peur » de la semaine dernière n’a pas fonctionné du tout : 2 livres vendus.

Harold a proposé une communication centrée sur les enfants car, selon lui, ce sont les livres pour enfant les mieux faits et les parents achètent toujours lorsqu’il s’agit de leur gamin.

Je pense qu’il a sans doute raison, mais je doute de ses références littéraires.

 

17 Juillet

Ils ont beaucoup travaillé sur le repositionnement de leur image, en se concentrant sur la cible 6 – 17 ans. Ils m’ont donné ça ce matin :

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C’est encore trop segmentant à mon goût mais je sais qu’ils ont fait beaucoup d’efforts pour arriver à ce résultat. On est sur la bonne voie.

 

18 Juillet

Cher journal,

Je suis très énervé, ils ont tout fait foirer pour le repositionnement de leur image. Ils ont publié ce matin une interview et un article qui sont tous les deux beaucoup trop segmentant. Je leur ai dit que c’était une grave erreur de brand strategy.

Mathieu a commencé à crier : « C’est toi que je vais segmenter ! », puis il s’est rapidement repris : « Non, pardon, excuse-moi. Consensuel. On doit être consensuel. Pardon. Dis nous ce qu’on doit faire, donne nous des exemples pour qu’on comprenne ». Je ne me suis pas dégonflé, je les ai regardés dans les yeux et je leur ai sorti le dernier livre de Marc Lévy de mon sac. Là, je les ai impressionnés.

 

19 Juillet

Très bonne journée aujourd’hui, reposante. Ils se sont passionnés pour Marc Levy toute la journée. Ils ont répété sans cesse : « on va marclevyfier nos vies » ou « sois plus Marc Lévy dans ton travail».

Grosse semaine de boulot à venir pour leur repositionnement d’image et c’est moi qui prend le lead de ce dossier. Je vais finir le dernier livre de Marc Levy sereinement ce week-end.

 

21 Juillet

Ils m’ont envoyé un mail samedi soir vers 23h45 :

 

« Pierrette,

+ 550 % sur les ventes du livre cette semaine. Grâce à l’interview ! Dans le cul le consensuel, dans le cul Marc Lévy ! Les gens veulent qu’on segmente. On va segmenter à mort. Changement de programme, rendez-vous lundi à 9h au boulot, on va segmenter Marc Lévy!

PS : Regarde toutes les interviews de Gérard Holtz lors de ce tour de France et fais nous un rapport dont le sujet est : lécher le cul de tout le monde rend-il insupportablement con ? Ou comme tu dirais : faut-il adopter une brand strategy corporate lorsque le marketing multicanal se heurte à un marché dont la congruity des segments est faible et le discriminant relevance est fort ?

Bon week-end.»

 

Je suis fatigué.

 

 

22 Juillet

Cher journal,

J’ai mal dormi la nuit dernière, j’appréhendais ce projet de segmentation de Marc Lévy. Finalement, mes maîtres de stage n’ont plus envie de le faire. Ils m’ont dit qu’ils avaient passé un bon week-end à la campagne et qu’ils voulaient se contenter d’une semaine consensuelle et corporate. Ils m’ont quand même laissé leurs notes de travail sur Marc Lévy si jamais ils devaient relancer le projet un de ces jours :

deuxdegres_developpement-pesonnel_saga_marc-levy

 

23 Juillet

Ça ne m’étonne pas qu’ils aillent à la campagne, j’ai lu le deuxième chapitre du Petit Paris et ils parlent tout le temps d’animaux. Ils ont l’air passionné par le blongios nain, un oiseau qui les amuse beaucoup dès qu’ils en parlent. Ils parlent aussi beaucoup de femme-cheval, un portrait qui ressemble beaucoup à maman. Je lui offrirai peut-être le livre, elle qui aime tant l’équitation. Ça lui fera plaisir.

 

24 Juillet

Florian m’a fait lire le commentaire de l’Est Républicain qui a été choisi pour promouvoir le dernier livre de Marc Levy :

 On n’est pas loin (…) d’un Millenium à la française qui se passerait aux États-Unis… .

Il m’a dit qu’avec des critiques positives comme ça, on n’avait rien à faire pour segmenter Marc Lévy.

Je n’ai pas compris alors il m’a dit que c’était comme si on disait :

 On n’est pas loin d’un Voyage au bout de la nuit mais sans familiarité et dans lequel la JAPD aurait remplacé la première guerre mondiale… 

ou

 On n’est pas loin d’un American Psycho sans violence et dans lequel le héros se battrait pour sauver l’Antarctique de la fonte des glaces… 

J’ai fait semblant de comprendre, il avait l’air content.

 

25 Juillet

Mathieu est venu me voir, il a balancé son cahier sur mon bureau, a posé son pied droit sur une chaise et m’a dit :

« On s’est gouré avec Marc Lévy. Le mec vend des livres de plage. Ca n’a rien à voir avec notre bouquin. Le Petit Paris est un livre de bureau, le genre de truc que t’imprimes en douce vers 13h quand les collègues sont pas là ou que tu lis discrétos sur ton écran au lieu de remplir tes tableaux de bord ». Puis il est parti en oubliant son cahier et en cognant accidentellement son épaule contre le montant de la porte…

Je ne sais pas s’il attend quelque chose de moi ? Qu’est ce que je dois faire ? Faut-il que je prenne une initiative? Laquelle ?

 

26 Juillet

Je me sens assez mal managé, ils partent dans tous les sens. Je leur ai donc fait visionner des vidéos ( et ) sur le management en mode projet, avec la mise en place d’objectifs clairs. Ils m’ont dit ok pour ce mode de management puis ils ont enchaîné comme ça :

«  raisonnablement, avec un livre sur la société et l’urbanisme comme le Petit Paris, on peut devenir millionnaire. On récupère 66% des recettes nettes, soit 3,50 euros par unité, donc faudrait vendre 285 715 livres pour atteindre un million d’euros. On en a déjà vendu 52. Il t’en reste encore 285 663 à vendre. Bouge toi le cul Pierrette, t’as rempli que 0,018% de tes objectifs ! »

Avec l’expérience, je commence à comprendre certaines de mes erreurs.

 

 

29 Juillet

Cher journal,

j’ai lu le 3ème chapitre de leur livre. C’est très perturbant. Il y a de très beaux passages plein d’espoir comme celui là :

« Plus que jamais, les espaces publics forment le socle des échanges entre tous les individus. Le citadin lambda doit pouvoir tendre la main aux marginaux , les marginaux s’inspirer de la vie du citadin lambda. Cette cause passe parfois par une chose aussi simple qu’un banc. Un banc sur lequel un cadre supérieur viendra s’asseoir pour lire une histoire à son fils. Par ce geste, ce père saura inspirer le jeune marginal zonant au bas de l’immeuble d’en face. Peut-être lui donner le goût de la lecture, de l’apprentissage ? Ce jeune sera tenté de s’approcher du banc, le dépasser puis franchir les portes de la médiathèque qui vient d’être construite dans son quartier »

et d’autres très inquiétants comme celui là :

« Quel message envoyer à celui qui osera tondre sa pelouse le dimanche, enfreignant ainsi les normes sur le bruit de proximité et le fauchage de l’herbe ? Et bien ce sera un message de fermeté ! Que ceux qui osent peindre leurs volets en marron dans une zone paysagère réglementée aillent vivre à côté de voisins pédophiles ! Que ceux qui lavent leur voiture tous les dimanches en période de sécheresse aillent nous dire si l’herbe est plus verte de l’autre côté des potelets, là où s’épanouissent les proxénètes sataniques ! »

Je pense que l’un des auteurs est un schizophrène. Je dois essayer de savoir lequel. Ça tombe bien, mon école de communication m’a demandé d’évaluer mes maîtres de stage. J’avoue que je suis très excité à l’idée de les noter. Je me sens un peu comme Sébastien Demorand, le jury de Masterchef.

 

30 Juillet

J’ai observé Florian toute la journée. Il est allé beaucoup sur wikipedia puis sur des sites de football américain, il va aux toilettes à heure fixe et, enfin, il a fait une pause en lisant un livre de stratégie militaire de l’antiquité. Ce soir, il a prévu de regarder le catch. Il est étrange mais trop équilibré pour être schizo.

 

31 Juillet

11h

Je me prends de plus en plus au jeu de l’évaluation. J’ai observé Mathieu ce matin, il est spécial. Il peut passer des heures, parfois des jours entiers, sans me parler ou même me regarder et puis, d’un coup, il me fait une blague de mauvais goût ou il s’énerve contre quelque chose. Aujourd’hui, c’était contre les opticiens. Il a l’air de les détester énormément alors qu’il n’a même pas de lunettes. Quand il gueule, ça peut ressembler aux textes gênants du chapitre 3 mais je ne suis pas sûr qu’il les ait écrit parce qu’il quand même une tête sympa.

16h

J’ai remarqué qu’ils prennent plein de notes sur moi depuis le début d’après-midi. Quand je fais un truc, ils m’observent puis ils écrivent quelque chose. Je dis une phrase, ils ne répondent pas mais ils écrivent sur leurs blocs notes ou des post-it… Je pense qu’ils sont en train de m’évaluer à leur tour.

Mathieu me regarde fixement, parfois pendant plusieurs minutes. Je pense que c’est lui qui est à l’origine de tout ça. Je pense que c’est lui qui a écrit le troisième chapitre…

 

1 Août

Ils continuent de m’observer. Ils notent des choses sur moi. Maintenant, ils font des réunions auxquelles je ne suis pas invité et durant lesquelles ils me regardent et ils écrivent sur leurs blocs notes. Harold a l’air moins concentré que les autres dans cette tâche, mais ça ne m’étonne pas, je ne comprends pas bien son rythme de travail. Parfois il travaille beaucoup, d’autres fois non. Certains mails sont envoyés à 4h du matin et il prend beaucoup trop de cafés. Florian dit que, techniquement, l’horloge biologique est calquée sur le rythme du soleil ; il ne comprend pas le manque de rationalité d’Harold qui consiste à ne pas suivre les phases de jour et de nuit pour dormir. Lui-même accorde « une grande attention au réglage de son anneau pylorique ». Putain, mais qu’est ce que ça veut dire ? Ce ne sont pas des comportements de professionnels ! Ils n’ont pas eu de formation ou de coaching de manager ? Je suis perdu entre les deux bordéliques et celui trop rigoureux. En plus ils continuent de m’observer et d’écrire des trucs sur moi toute la journée. Ça me stresse ! Ils ne peuvent pas faire comme tout le monde, écrire ce qu’ils pensent sur leur mur facebook ?

 

2 Août

J’ai réduit mes gestes au maximum, je ne parle presque plus. Je sais qu’ils m’épient, ils m’observent puis ils écrivent des choses me concernant. Je dois rester discret. Si j’arrive à tenir quelques jours comme ça, je pense que Mathieu et Harold finiront par perdre les notes qu’ils ont écrites sur moi, tellement ils sont bordéliques. Mais Florian, impossible qu’il perde son bloc note, il est trop bien organisé. Il a posé son bloc note à côté de son bouquin de stratégie militaire. Je vais devoir lui voler ! Je dois savoir ce qu’ils écrivent sur moi…

 

5 Août

Cher journal,

J’ai stressé tout le week-end. J’ai tout de même trouvé le courage de lire le quatrième chapitre du Petit Paris mais ça ne m’a pas détendu du tout. Ils veulent, soit construire un parc post-apocalyptique dans l’Est parisien, soit mélanger intensivement les pauvres et les riches autour du plateau de Saclay (ils n’ont pas l’air d’aimer les grandes écoles. Ils doivent être jaloux parce qu’ils viennent de l’université…). Je ne sais pas ce qui est le pire. J’en ai parlé à Maman, elle a très peur pour sa maison à Antony.

Au boulot, ils n’ont rien écrit sur moi aujourd’hui. Ils ont du passer à autre chose. Le bloc-note de Florian est resté fermé.

 

PS : dans leur livre, ils ont écrit que l’agenda 21 est « un document politique qui peut servir de papier toilette bio et parfumé ». Ils ont donc bien voulu me punir la dernière fois avec ce benchmark.

 

6 Août

J’ai réussi. Je suis resté discret, j’analysais les commentaires d’un article comme ils me l’avaient demandé et j’ai attendu la fin de la journée pour dérober le bloc-note de Florian qui devait partir plus tôt.

Ils ont fait comme une sorte de fiche d’identité.

deuxdegres_developpement-personnel_saga_ppp-Pierre-Etienne

C’est horrible ! Je suis très énervé ! Je me sens blessé ! Ils ont critiqué mon look et ma façon de m’habiller. Ils se prennent pour qui? Florian a les mêmes vêtements depuis l’âge de 15 ans, Harold a des trous dans ses vêtements, Mathieu n’a que trois vêtements. Je vais me venger. Secret Story à côté, ce sera du pipi du chat.

 

PS : penser à remette le bloc-note sur le bureau de Florian demain juste avant qu’il arrive (entre 8h57 et 9h).

 

7 Août

9h02

Florian a tout de suite vu que j’avais pris son bloc-note car je ne l’avais pas replacé de la bonne façon. Il n’était pas parfaitement perpendiculaire à la table et parallèle au stylo. Lorsqu’il m’a demandé ce que j’avais voulu regarder dans son bloc-note, je me suis effondré, j’ai pleuré. On s’est expliqué.

En fait, ils ont évalué ma « PPP » personnelle. Ce serait pour m’aider dans la vie. Pour repositionner mon image, pour faire exploser le potentiel de mon personal brandingbien au-delà de ma e-reputationJe trouve ça très intéressant et gênant à la fois.

Comme je continuais à sangloter, Mathieu m’a dit que j’étais bien habillé aujourd’hui. Ça m’a fait plaisir.

 

8 Août

J’ai voulu reparler de ma PPP aujourd’hui mais Harold m’a conseillé de ne pas trop me prendre la tête. Il m’a dit qu’ils ne valaient pas mieux que moi :

« Tu sais, en tant qu’urbaniste, du point de vue de l’aura sexuelle, on est entre l’informaticien et le mec des espaces verts qui arrose les rond-points. »

Je leur ai dit que non, qu’ils étaient bien, qu’ils avaient l’air intelligent et là, Mathieu est arrivé :

« Mais ça n’a rien à voir. Regarde ces connards d’opticiens à glander toute la journée avec des chaussures pointues et des chemises, à entuber les gens obligés de porter des lunettes ! Même l’opticien de Bergerac peut inviter le juré de Dance avec les stars pendant que nous, on n’arrive même pas à expliquer notre boulot aux meufs! »

J’ai l’impression que leur PPP est bien pourrie.

 

9 Août

Aujourd’hui, ils étaient maussades toute la journée. À la fin, Mathieu s’est levé et il a gueulé :

« Ras le cul, on ne peut pas vendre notre livre en étant urbaniste. Tout le monde s’en fout. On n’arrive même pas à avoir le respect des environnementalistes ! »

Harold a rajouté avec un ton agressif : « les environnementalistes, ces bouffeurs de graines qui vendent des études à 20 000 euros à des élus analphabètes alors que moi en trois clics sur Internet je peux faire la même chose dans la journée ! »

Mathieu m’a regardé puis a lancé :

« Merde, même Pierrette et son absence de personnalité peut mieux réussir que nous. Faut qu’on change, faut qu’on vende du rêve, pas du PLU. Faut un gros repositionnement d’image. Bon, je viens de décider que dorénavant, je serai un artiste. A partir d’aujourd’hui, je suis plus urbaniste, je suis un artiste. Et là, on va en vendre des livres ! »

Florian a tout de suite surenchérit : « si t’es artiste, moi je veux être officiellement écrivain ! »

Ils se sont tapés dans les mains en répétant qu’ils étaient artiste ou écrivain et qu’ils allaient vendre plein de livres.

Harold avait l’air un peu dépité. Moi, c’est 50% d’inquiétude, 50% d’enthousiasme. En tout cas, je suis content, ils ont dit que j’allais réussir ma vie.

 

 

12 Août

Cher journal,

Je sens que je dois les aider. Après avoir lu le cinquième chapitre, j’ai compris. Ils font de la satire. Parfois, ils disent l’inverse de ce qu’ils pensent. Par exemple, dans ce paragraphe :

« Que se passe-t-il lorsque nous sortons du travail ? Lorsque nous n’avons pas envie de traîner chez nous ? Lorsque nous voulons nous occuper sans dépenser beaucoup d’argent ? Les équipes du Grand Paris ont répondu à ces interrogations. Nous pouvons faire du vélo, passer du temps sur un banc à l’ombre d’un arbre magnifiant une belle place fraîchement réaménagée, prendre un thé au pied du nouveau musée d’art contemporain, conduire une voiture électrique, aimer tout le monde et cultiver notre potager. Rien d’autre. Pas d’alternative. Pas d’échappatoire aux plans dessinés par les urbanistes. Ils ont sélectionné pour vous les meilleures possibilités de stimulation offertes dans la vie. »

et bien quand ils parlent des «meilleures possibilités de stimulation offertes par la vie », ils ne le pensent pas du tout. Ils veulent dire qu’il devrait y’avoir plein d’autres choses plus intéressantes à faire. Leur manière de présenter les choses est étrange. Mes profs de communication m’ont toujours déconseillé de faire ça.

Une fois qu’on a compris, ils sont intéressants, voire gentils. Quand j’ai lu cette histoire de ville chiante, j’ai tout de suite vu qu’ils parlaient avec respect de la vie de maman et papa à Antony. Faut juste qu’ils soient plus présentables, qu’ils adoptent une stratégie de créativité de rupture positive. Et c’est là que j’interviens !

 

13 Août

J’ai beaucoup parlé à Mathieu, je lui ai expliqué qu’il fallait relancer les ventes du livre mais il m’a répondu :

« Tu sais Pierre-Etienne, quand tu parles, je filtre ce que tu dis et je garde que ce qui est intéressant. Là, y’avait rien. Rien du tout. Tu vas plutôt m’aider à trouver mon style d’artiste à moi. Un genre de créatif 2.0, un web artiste qui fait du collage, avec du cynisme mais qui pourrait être consultant au grand journal. Tu vois un peu le genre ? Tu me benchmark tout ça pour demain ? »

J’ai décidé de filtrer ce travail…J’ai ensuite essayé de convaincre Florian de se concentrer sur les ventes du livre mais c’est peine perdue. Il passe son temps à travailler son nouveau look, un écrivain « classe mais technique ». Il m’a dit que c’était compliqué, North Face ou Eider font très peu de belles chemises ou de châles pour hommes.

J’ai tant de choses à lui apprendre…

 

14 Août

Harold était dans une de ses phases très productives, il ne s’intéresse pas aux ventes du Petit Paris. Puisqu’il est le seul à se préoccuper de l’avenir de la sarl deux degrés, il doit mettre le paquet. Il a décidé de se concentrer sur l’organigramme de l’entreprise pour faire pro et classe auprès des clients. Il s’est nommé executive chief of management et il est au dessus de Mathieu et Florian. Il m’a nommé vice-director of corporate communication agency et je suis également au dessus de Mathieu et Florian. Il m’a dit que c’était juste pour les faire chier et pour qu’ils arrêtent leurs conneries d’artiste-écrivain.

Je suis vraiment content de cette promotion, ça va me donner du poids pour relancer la stratégie de com du Petit Paris.

 

15 Août

Aucun livre vendu cette semaine. J’ai pris mes responsabilités de vice-director of corporate communication agency et j’ai écrit un mail alors que c’est férié :

Salut,

J’ai bien analysé le profil des acheteurs, et je me suis rendu compte qu’on ne touche pas du tout les plus de 35 ans. Il y a probablement un créneau intéressant à creuser. On en parle demain ?

Cordialement,

Pierre-Etienne

vice-director of corporate communication agency

 

Mathieu a répondu :

Pierrette

Tu vas me calmer ces vilaines petites poussées de prise d’initiative, me ranger ton titre de vice director de mon cul et te concentrer sur mon benchmark d’artiste 2.0, je suis en manque d’inspiration artistique en ce moment.

 

Florian a répondu :

Message à l’attention de l’ensemble des employés de deux degrés : je souhaite que l’on bannisse définitivement tous les anglicismes dans nos échanges de courriels. La langue française est amplement suffisante pour donner des titres ronflants à des fonctions qui n’existent pas et destinées à des gens insignifiants en manque de reconnaissance.

 

J’en ai marre, personne ne m’écoute, personne ne me respecte et on continue à ne pas vendre de livres !

 

16 Août

Oh les enfoirés ! Ils ont passé une heure avec une jeune étudiante en marketing qui postulait pour un stage. Elle leur a dit qu’elle pouvait les aider pour vendre le livre, notamment auprès des 35 – 55 ans, « une cible qui semble être sous-exploitée ». Ils sont sortis de l’entretien en se disant qu’elle avait raison, qu’il fallait s’occuper de la com du livre et qu’elle pourrait probablement les aider. Ils veulent même payer son stage… Ah la pouffiasse ! Et ces trois mongoliens, première fois qu’ils voient une fille en deux mois, et les voilà tout excités. J’ai bien vu qu’ils ne la regardaient de la même façon que moi. Elle a quoi de plus que moi ? Je dois mettre une jupe et avoir les cuisses dorées pour qu’ils fassent attention à moi ?

Je vais aller bronzer à la plage loin d’eux ce week-end, ça me fera du bien.

 

 

 

19 Août

Cher journal,

J’ai prévu de ne rien faire de la semaine, je sens que je me fatigue pour rien et en plus ils ne s’intéressent qu’à la nouvelle stagiaire qui doit passer vendredi pour la convention de stage. Aujourd’hui, Mathieu est venu apporter ses « œuvres » tirées du Petit Paris et qui sont destinées aux 35 – 55 ans :

deuxdegres_developement-personnel_saga-axe-defonce

deuxdegres_developpement-personnel_saga-Chambourcy-ville-nature

C’est de la merde. Je lui ai dit qu’il s’était trompé de cible, qu’il avait fait des dessins pour des vieux ou des beaufs. Mais on doit viser les CSP++ , les décideurs et les milieux intellectuels, ceux qui influencent le monde, qui ont le pouvoir de faire le Petit Paris.

Il a repris ces dessins et m’a dit de ne surtout pas en parler à la future stagiaire.

 

20 Août

Mathieu est revenu avec une nouvelle œuvre qu’il a appelée « les décideurs face au Petit Paris ». C’est un peu chargé à mon goût mais c’est frais.

deuxdegres_developpement-personnel_saga-les-décideurs-face-au-Petit-Paris

Florian n’a pas du tout aimé. Il a rajouté que Mathieu risquait pas d’impressionner la future stagiaire avec ce genre de connerie alors que lui, il avait de réels arguments niveau culture général : « rien que dans le chapitre 6, j’ai fait des références à Aldous Huxley,  Ray Bradbury, Orson Welles, Juvénal, le Prince de Monaco, Aragon, Euripide, Hippodamos, Dante et ses cercles de l’enfer, Le Caravage, Louis-Ferdinand Céline, l’empereur Sévère Alexandre et Le Pape. Mathieu a juste parlé de prostituée-champêtre, de Seat Ibiza et de joueurs de foot. Je pense que le choix de notre future stagiaire sera vite fait. »

Cette semaine s’annonce de mieux en mieux.

 

21 Août

Cher journal,

j’ai lu ce 6ème chapitre qu’ils ont appelé « ville bandante ». Avec un titre comme ça, c’est pas toujours très fin mais y’a un bel enthousiasme, une lucidité intéressante et plein de références effectivement. J’ai surtout senti une forme de malaise…commençant à connaitre les auteurs, ils ont du expérimenter dans leur vie une forme de frustration sexuelle. En tout cas, l’histoire de leur héros Antoine décolle enfin.

Au boulot, la tension est montée d’un cran également. L’arrivée prochaine de la nouvelle stagiaire crée des rivalités surtout qu’Harold en a profité pour faire passer par mail le nouvel organigramme qui sera présenté à la stagiaire vendredi.

deuxdegres_developpement-personnel_saga-organigramme

Florian a dit qu’il ne comprenait pas ce document qui ne respectait pas la règle sur la non-utilisation des anglicismes. Ce document n’était donc pas valide.

Mathieu a dit qu’il « en avait rien à foutre », qu’il était au dessus de tout ça, qu’il était un artiste, qu’il ne prêtait pas attention à ce genre de bassesses managériales.

 

22 Août

Personne ne s’est parlé aujourd’hui. Mathieu m’a envoyé des mails mystérieux. Il veut faire une sorte d’alliance avec moi pour créer un service art director indépendant de la direction générale dans lequel on pourrait communiquer entre nous uniquement par twitter et ainsi court-circuiter Harold et Florian. Ce blaireau n’a toujours rien compris à twitter.

Florian passe beaucoup de temps à remettre en place son nouveau châle pour homme eider et à ranger ses livres pour impressionner la stagiaire qui passe demain. Ce blaireau n’a toujours rien compris à la mode.

Harold imprime beaucoup d’organigrammes pour se faire mousser demain. J’ai peur que ce soit le moins blaireau des trois !

 

23 Août

Excellente journée aujourd’hui. La future stagiaire est passée au bureau avec son petit copain. Elle leur a annoncé qu’elle avait finalement préféré un stage dans une agence de communication qui travaille avec succès pour la collection girls des éditions fleuve noir. Ils avaient l’air bien cons puis ils ont commencé à dire qu’elle était pas si belle que ça et qu’elle avait finalement l’air niaise. Du coup, ils ont décidé de me prolonger gratuitement pendant quelques semaines. J’hésite un peu mais je pense que je vais rester, j’ai envie de voir ce qu’il va se passer.

En quittant le bureau, Mathieu m’a fait un clin d’œil et, en silence, il a esquissé des mots avec sa bouche. Je crois qu’il a voulu dire art director… C’est sûr, je vais rester quelques semaines de plus.

 

 

26 Août

Cher journal,

L’ambiance est tendue en ce moment. Leurs carrières d’artiste ou d’écrivain leurs montent à la tête. Par exemple aujourd’hui, j’ai travaillé avec Mathieu sur le fond qui accompagnera la future photo des membres de l’agence.

Puisqu’ils sont trois hommes blancs, je les ai prévenu que s’ils ne mettaient pas un asiatique, un noir et une femme avec eux sur la photo, ils passeraient pour des racistes misogynes. Mathieu a dit ok mais il a rappelé qu’il était obligé de mettre des lunettes de soleil aux personnages de la photo pour ne pas avoir de problèmes de droit à l’image. Il a dit que ça ne poserai pas de soucis pour le noir et la femme mais qu’on risquerait de ne pas reconnaître l’asiatique s’il a des lunettes de soleil. Il a trouvé une solution subtile pour palier ce problème.

deuxdegres_developpement-personnel_saga_fond-photo-2°

J’aime bien les mots-clés qu’ils ont mis dans le fond, ça montre qu’ils sont de vrais professionnels audacieux… mais pas trop, pour rassurer les clients. Il ne reste plus qu’à mettre leur tête dessus et ce sera très bien.

Par contre, Florian n’est pas du tout de cet avis. Il a dit que c’était de la merde et que ça ne l’étonnait pas que la stagiaire se soit barrée vendredi dernier. Mathieu lui a répondu qu’elle avait plutôt eu peur de l’écrivain obsessionnel qui chie à heure fixe. Moi je pense que Mathieu est un artiste qui dérange.

 

27 Août

Puisqu’ils se chamaillent en ce moment, j’ai essayé d’alléger l’ambiance en leur montrant pinterest aujourd’hui. Cela me semble être l’outil parfait pour toucher les 25 – 35 ans, les seules personnes qui achètent le livre. Ils ne connaissaient pas…

Harold m’a demandé si c’était fait pour mettre les proverbes spirituels qui existent sur facebook ? Je ne connaissais pas. Il m’a montré. Il m’a dit que c’étaient des textes qui sont très utiles pour ne jamais se remettre en cause. Les gens aiment beaucoup, ils vivent mieux leur connerie grâce à ça. Florian et Mathieu m’ont promis de m’en écrire pour demain.

Ils n’ont définitivement rien compris au travail de community manager.

 

28 Août

Ils m’ont livré les images pour pinterest, c’est vraiment mauvais :

proverbes-facebook

Les vignettes du début m’ont touché en plein cœur. J’enverrai la première à maman. Dommage que sur la fin, ils aient visiblement réglé quelques comptes personnels.

 

29 Août

Mathieu était très content aujourd’hui, il nous a annoncé qu’il a réussi à percer dans le monde de la création artistique. Il a décroché un contrat avec une grande chaîne de kebabs pour refaire les menus en devanture. Il dit que les que les gérants des kebabs apprécient son art de la composition et de la lumière. Harold et Florian en avaient visiblement rien à faire; du coup Mathieu m’a parlé tout l’après-midi… il me disait des trucs comme :

« Tu sais, en tant qu’artiste de kebab, j’adresse un message d’une grande force à l’humanité. L’union de la frite et du kebab, c’est une ode au mélange, l’Orient et l’Occident. C’est un doigt d’honneur à l’intolérance. »

ou

« Quand tu passes devant un kebab, que tu vois le menu à l’extérieur, le chatoiement de couleurs, ça a impact très brut sur toi, ça te remue. C’est bien plus puissant qu’un texte obscur de 150 pages ! »

deuxdegres_developement-personnel_saga-artiste-kebab

Je ne sais pas quoi dire. Il a bien compris que la diversité était un bon moyen de com mais il n’a toujours pas compris que la cible marketing, surtout pour les artistes, c’est un cadre sup. Si encore il avait été artiste de sushi…

 

30 Août

Hier, je leur ai demandé de benchmarker des architectes et des urbanistes qui réussissaient à vendre des livres numériques. Dès aujourd’hui, ils étaient tous les trois d’accord pour s’inspirer d’Alain Douang et de son livre.

101 secrets pour devenir Architecte from aROOTS TV on Vimeo.

C’est la première fois qu’ils sont d’accord depuis plusieurs jours, ça cache un truc, c’est peut-être un piège.

 

 

 

2 Septembre

Cher journal,

Je n’ai pas pu benchmarker correctement Alain Douang. Ses vidéos ne sont plus en ligne et on ne peut plus acheter son livre. Ça a un impact sur mes maîtres de stage, ils sont plutôt tristes. Mais Mathieu n’a pas baissé les bras. Il s’est même mis à se coiffer et dessiner sur les murs comme un vulgaire sous Alain Douang.

deuxdegres_developpement-personnel_saga_alain-douang-mur

deuxdegres_developpement-personnel_saga_mathieu-mur

 

3 Septembre

Je crois que j’ai bien fait de prolonger mon stage gratuit chez deux degrés. Ce matin, alors que je faisais mon tour quotidien sur le site du Point, je suis tombé sur cet article qui dit que Fukushima serait peut-être transformé en site touristique. C’est fou ! Comme la scatopole du Petit Paris, le parc d’attraction nucléaire. Mathieu et Florian avaient raison.

Mais ce n’est pas tout, j’ai aussi découvert ce classement des meilleures entreprises et l’agence deux degrés est partout très bien classée. Je crois que cette société a un énorme potentiel.

Les entreprises où il fait bon vivre :

  1. Google
  2. deux degrés
  3. Apple
  4. Total

Environnement de travail créatif et dynamique :

  1. Google
  2. deux degrés
  3. Publicis
  4. Electronic Arts

Les entreprises les plus innovantes :

  1. Apple
  2. Google
  3. deux degrés
  4. Samsung

Les stratégies de communication les plus irresponsables

  1. deux degrés
  2. Cuisinella
  3. Veet 

Finalement, Harold nous a appris que c’est lui qui avait fabriqué et envoyé le classement au Point pour essayer d’analyser leur traitement de l’information. J’espère que ce n’est pas la même chose pour le classement des hôpitaux, maman serait angoissée. Malgré cela, ça n’a pas cassé l’enthousiasme. Mathieu et Florian veulent se redonner à fond pour la boîte et mettre de côté leur carrière respective d’écrivain et d’artiste. Par contre, ils veulent refaire l’organigramme. Moi, je vais me donner à fond pour la com du Petit Paris, faut qu’on garde cette première place au classement.

 

4 Septembre

On a bossé toute la journée sur le nouvel organigramme. Mathieu et Florian avaient des demandes très précises pour mettre à jour la version d’Harold :

  • il fallait afficher un chef sinon ça faisait bordélique, comme le PS;
  • mais dans les faits, ils veulent être tous les trois au même niveau et innover avec un organigramme en cercle;
  • ils veulent rajouter un subalterne qui n’existe pas sinon trois chefs pour un stagiaire, ce n’est pas sérieux. Ils ont décidé de me couper en deux. Je serai à présent deux personnes : Pierre et Etienne. Je ne sais pas si c’est humiliant ou valorisant;
  • ils veulent que tout le monde soit chef de quelqu’un dans un domaine d’activité, sauf moi.

Il y a eu ensuite des petites modifications :

  • comme Harold est tout en haut, Mathieu et Florian ont exigé que son nom soit écrit en plus petit;
  • comme Mathieu dirige moins de personnes que les autres, il a exigé d’avoir en compensation un grade de capitaine.

Il y a eu un consensus sur ce document :

deuxdegres_developpement-pesonnel_saga-de-l-ete_organigramme-pentacle

Cette forme d’organigramme m’inquiète un peu. Mais c’est surtout le manque de clarté de la hiérarchie qui pose un gros problème. Il se passe quoi lorsque Harold me donne un ordre concernant la communication ? Ils m’ont dit que c’était très simple, je devais alors en référer au supérieur n+1, à savoir Mathieu, qui en référait à son supérieur n+1, à savoir Florian.

Lorsque je leur ai demandé ce qu’il fallait faire si Harold et Florian donnaient des ordres contradictoires, Mathieu m’a répondu, avec un grand geste des mains: «  Bordel ! Mais y aura pas de problème, y’a le cercle ! On est tous ensemble autour du cercle ! »

 

5 Septembre

Martin, le graphiste du livre est passé au bureau. Il était un peu énervé. Il a demandé d’arrêter les conneries graphiques plus moches les unes que les autres, que ça décrédibilisait son travail, et qu’il fallait mieux passer du temps pour préparer la campagne de financement participatif sur ulule pour la semaine prochaine afin de clôturer le budget de l’édition papier du Petit Paris.

Après il a gueulé sur sa rémunération, une histoire de droit d’auteur et de taux horaire qui ferait marrer un enfant chinois paraplégique.

Pour le calmer, Mathieu et Florian lui ont demandé de relativiser et que, niveau salaire, il pouvait s’estimer heureux par rapport à moi. Je suis un peu gêné.

 

6 Septembre

Mathieu a décidé de faire une dernière « audace graphique » pour faire chier Martin. Florian a donné son accord et ils m’ont demandé de les aider. Je suis bien content du résultat :

deuxdegres_developpement-personnel_saga_neuilly-côtécoeur

deuxdegres_developpement-personnel_saga_grumeau-neuilly

J’ai du mal à croire qu’il y ait un deuxième numéro. La réception critique du premier devrait être assez négative à Neuilly. Une interview un peu segmentante mais on a vérifié, aucun neuilléen n’a acheté le livre.

 

 

9 Septembre

Cher journal,

J’ai passé un week-end compliqué, papa et maman se séparent. Ils restent vivre à Antony mais chacun dans un appartement d’un côté et de l’autre de la ville. C’est le genre de douleur intime que j’aimerais pouvoir partager sur des réseaux sociaux, comme l’a si bien dit Mat Pokora. Du coup, ça a été dur au boulot aujourd’hui mais mes maîtres de stage ont été très gentils. Ils m’ont même annoncé que j’allais bientôt gérer la page facebook dédiée au Petit Paris en tant que community manager ! C’est super ! J’aurais tellement aimé annoncé ça à papa et maman autour d’un repas à une même table…

 

10 Septembre

Ils testent mes compétences de community manager. Ils m’ont demandé de préparer la réponse au commentaire lié à cet article :

30 août 2013 – Bluegirl

Réflexions trop rapide, raccourcis devrais-je dire….

Autant les postulats de départ peuvent constituer une entrée comme une autre!

Le sport est une activité qui fait se rencontrer les gens et par extension les partenaires potentiels.
Et l’on peut également décider d’établir ses partenaires sexuels selon des critères géographiques, bien que le critère principale me semble être plus simple à savoir trouver près de chez nous…

Le rapprochement de l’équitation comme pratique stimulant les zones sexuelles est proprement ridicule….
l’excitation sexuelle ne peut se résumer à un frottement d’avant en arrière, et la concentration, le contrôle physique, la précision demandées par cette activité mais comme beaucoup d’autres ne laisse pas vraiment la place à la fantaisie et à la liberté d’esprit que l’excitation sexuelle suppose…
donc bien que cela ne soit pas incompatible cela n’est pas la régle et je présent chez vous une méconnaissance totale de l’équitation comme des pratiques sexuelles des femmes!

A bon entendeur!

J’hésite entre une réponse d’excuse afin d’étouffer le badbuzz potentiel :

« Bonjour BlueGirl,

Nous avons bien pris en compte vos remarques et nous excusons pour les lacunes constatées dans cet article. Dans une logique de processus qualité certifié ISO 9001, l’ensemble de l’équipe deux degrés s’engage à mieux répondre à vos futures attentes et approfondira ses connaissances dans les domaines concernés.

Veuillez croire à nos plus sincères salutations.

Pierre-Etienne

community manager deux degrés »

ou une réponse plus offensive, plus corporate :

« Cher BlueGirl,

Nous sommes étonnés par vos commentaires car nous pouvons vous assurer que l’ensemble des membres de deux degrés bénéficient de solides compétences et expériences dans les domaines de l’équitation et des pratiques sexuelles. Toutefois, nous redoublerons d’efforts pour améliorer le niveau d’excellence de nos consultants afin de satisfaire au mieux vos besoins futurs.

Bien cordialement,

Pierre-Etienne

community manager deux degrés »

 

11 Septembre

Ils n’ont pas aimé mes propositions de réponse. Ils m’ont dit qu’il fallait que je sois meilleur lorsque je gérerai la page facebook Petit Paris parce que sinon, je cours à l’échec. Que l’échec était très mal vu en France et que la moindre erreur me suivrait tout ma vie professionnelle. Une réponse à un commentaire ratée, ce serait la fin de mon stage et sans stage, pas de travail, et sans travail, « un statut social de merde puis le suicide » selon Harold. J’ai pleuré en fin de journée. J’ai bien appelé maman pour me remonter le moral mais elle n’allait pas bien non plus.

 

12 Septembre

Le financement participatif du Petit Paris est lancé. Le prix du livre est de 21 €. Ils ont dit que c’était cher et pas cher en même temps. Florian a expliqué que c’était l’équivalent de 4 pintes de bières dans un bar. Il a dit qu’au cours d’une soirée à 4 pintes, tu peux espérer avoir autant de bonnes idées que dans le Petit Paris mais tu ne pourras pas t’en souvenir de toutes et que donc, Le Petit Paris était un bon investissement.

Mathieu était d’accord, il m’a demandé « de mettre tout ça en forme, en un peu plus classe, corporate et tout le bordel. Genre pub CSP ++ ». J’ai tout de suite pensé à papa, il n’aurait pas été d’accord avec ce point de vue…j’ai pleuré un petit peu.

 

13 Septembre

Ils m’ont réservé une surprise : un stage de team building dans un tronc géant, afin de renforcer ma confiance avant de gérer la page facebook, ou, comme ils disent, «de faire de moi quelqu’un d’humainement pertinent ».

Il n’y a pas eu de rafting ou de tyrolienne… Ils m’ont plutôt fait découvrir ce dont ils parlent dans le chapitre 7 :

Quelle meilleure façon de comprendre son environnement, d’en apprécier les rigueurs du climat, que de rentrer chez soi à pied une fois raté le dernier métro ? Quelle meilleure façon d’en assimiler les distances et la topographie, que lorsque la fatigue et le fait de cuver vous font apprécier les moindres particularités d’un trajet retour ? Quelle meilleure manière d’apprécier une ville que d’en voir un lieu emblématique s’illuminer aux premières lueurs de l’aube, après une de nuit d’itinérance plus ou moins préméditée ? Quelle meilleure manière d’apprécier les transports en commun que de les voir reprendre service au petit matin, quand la fatigue se fait sentir et que la marche promettait d’être encore longue ? Quelle meilleure manière d’apprécier ces fameuses « aménités urbaines » qu’un café-croissant au bistrot de la gare après une longue nuit de sortie, quand la faim et la fatigue se font lourdement ressentir (certains préfèreront un kebab) ?

Bref, du bruit, de l’alcool et de la marche à pied. Ça m’a beaucoup libéré. Je leur ai parlé très longtemps de mes problèmes avec le divorce de papa et maman. Ils m’ont laissé dormir dehors.

 

14 Septembre

J’ai reçu un mail ce matin :

« Pierrette, 

On a envie de t’aider avec le divorce de tes parents, donc on ne va peut-être pas détruire Antony entièrement dans le cadre du Petit Paris. On laissera le choix aux internautes. Ce sont eux qui décideront si on doit sauver un ou deux quartiers de la commune de tes parents et c’est toi qui géreras tout ça. 

Bon week-end ! »

J’espère que la brand community deux degrés sera clémente avec la ville dAntony. Papa et maman pourront peut-être se remettre ensemble s’ils vivent proche l’un de l’autre ?

16 Septembre

Mathieu est arrivé triomphant aujourd’hui : « Vous avez vu ces connards d’opticiens, l’affaire remonte aux plus hauts sommets de l’Etat ! Je vous l’avais dit. »

J’en ai profité pour faire un peu le fayot. Je leur ai dit qu’ils avaient aussi raison pour Miley Cyrus (là et ) dans l’épilogue du Petit Paris :

 » Avec les années, les filles et petites filles des séniors de l’Est s’étaient, pour certaines, muées en de véritables petites trainées, suivant ainsi la lignée inaugurée par Princesse Britney, la Comtesse Miley ou la Fée Lindsay.  »

Florian a rajouté qu’il avait pronostiqué une sex-tape entre Justin Bieber et Miley Cyrus dès 2007 ! Puis il a rappelé qu’ils avaient eu raison dans cet article à propos de la voiture pour nain, et qu’ils ont anticipé le succès de l’entonnoir pour femme dans le chapitre 7 du Petit Paris :

« nous faisons le pari que l’entonnoir deviendra un accessoire incontournable avec le développement du wildpeeing et du streetpeeing (les femmes n’auront jamais meilleur prétexte pour justifier leurs énormes sacs à main). »

Cette anticipation sur Miley Cyrus me rend fier d’eux. Ils sont forts en prospective.

 

17 Septembre

C’est le lancement du financement participatif aujourd’hui.

Mathieu a observé les projets qui ont cartonné :

« Premièrement, il y a celui du mec qui fait une BD sur le trail et il rassemble en quelques heures toutes les personnes qui aiment porter du lycra coloré. Un autre publie ses BD sur les codeurs et bam! Succès. Niveau stimulation, c’est faible mais les codeurs n’ont rien d’autre dans la vie alors ils ont tous payé. »

Il a rajouté que ça allait être plus compliqué pour nous en rapport à la communauté deux degrés :

« on est suivi par des urbanistes. Ils sont soit dépressifs, soit ils sont dans les bars à partir du mercredi. D’autres, à juste titre, n’ont pas du tout envie de s’intéresser à l’urbanisme en dehors de leur boulot. On a aussi des gens qui ne voudront jamais laisser leurs coordonnées à paypal. Ça va être long. »

J’ai reçu une belle leçon d’analyse de marché aujourd’hui.

 

18 Septembre

Je leur ai dit que les 8 500 € demandés sur ulule me semblaient difficilement atteignables. Ils m’ont d’abord dit que sans cette somme, le projet n’était pas viable. Puis Harold a rajouté :

« Solange a déjà obtenu 10 000 €. Je ne peux pas croire que nous vivions dans un pays où une artiste d’appartement parlant au ralenti puisse stimuler plus de gens que deux mecs qui ont décidé de détruire Paris! »

Après, il a embrayé sur une comparaison entre l’équipe de France et celle du Brésil au foot mais ça, je n’ai pas compris.

 

19 Septembre

Cher journal,

Ils m’ont présenté la page facebook que je devais animer. Il s’agit d’une sorte de tournoi pour sauver un quartier de la destruction dans le cadre du Petit Paris. Ils ont mis en duel le quartier où habite maman et celui où habite papa! C’est très dur. C’est cruel même…mais je le ferai. Je dois rester professionnel, me soumettre à l’avis de n’importe quel internaute. Je suis community manager avant tout !

 

 

23 Septembre

Cher journal,

Je suis très excité, ma page facebook est lancée aujourd’hui a 12 h. Ce sont de lourdes responsabilités. Je suis un peu anxieux aussi. D’ailleurs, je ne regarderai pas mon ordi avant 14 h, trop de stress. Si on n’atteint pas 400 likeurs en début d’après-midi, ce serait un gros échec pour moi.

 

Il est 15h…

Seulement 12 personnes aiment ma page… c’est horrible.

Personne ne m’aime. J’ai l’impression de revivre l’année 2010 durant laquelle mon père ne m’a pas du tout parlé car j’avais renoncé à faire l’école des arts et métiers pour suivre mon rêve et devenir community manager

 

24 Septembre

Je n’ai pas dormi de la nuit, j’ai regardé mon téléphone tout le temps pour voir si de nouvelles personnes aimaient ma page facebook. Rien. 20 personnes au mieux. Je crois que c’est pire que mon année de 4ème au collège d’Antony où ma classe m’avait pris en grippe lorsque j’avais acheté le dvd « kyosphère » alors que tout le monde avait mûri et écoutait Tragédie.

Je comprend mieux ce que vivent les exclus et les marginaux. J’écoute Soraya ou Vitaa, ça m’aide, ça m’apaise, ça me donne envie de me venger et de ne plus jamais liker les statuts des gens sur facebook.

 

25 Septembre

Mes chefs sont très occupés avec le financement participatif, ils ne se soucient pas de ma page facebook alors que ce sont eux qui ont eu cette idée débile de faire un questionnaire sur facebook, ce qui n’est pas du tout adapté. Ils ne comprennent rien et après ils me mettent en première ligne et mettent en danger ma carrière et ma vie personnelle. Je les déteste. Je déteste tout le monde, sauf les 30 personnes qui aiment ma page facebook.

 

26 Septembre

Cette fois je suis très inquiet ! Un internaute, Alexandre, m’a laissé un message me disant que mon questionnaire était trop compliqué à remplir. Si mes maîtres de stage découvrent ça, ils vont me critiquer, c’est sûr. J’en ai profité pour me confier à lui. Il ne m’a pas répondu mais il est toujours important pour un community manager d’instaurer un rapport de proximité avec les likeurs les plus actifs.

Dans l’après midi, j’ai entendu qu’ils prévoyaient 2 heures, mardi, pour analyser les résultats des duels de quartiers et faire le tirage au sort des 8e. Mathieu a dit que « sur facebook n’importe quelle connerie fait des milliers de likes ». Sur le bureau de Florian, j’ai vu un tableau prévisionnel de l’appel à contribution pour le livre. Il y était marqué que facebook devait motiver 25 à 30 % des dons. Je suis foutu !

 

27 Septembre

C’est la cata ! Martin, le graphiste du livre, a envoyé un mail à mes chefs pour dire que la page facebook était catastrophique. Quand Florian l’a vu, il était vraiment très énervé. Il m’a dit que mon travail était « pire que le rangement du bureau de Mathieu ! » Je n’ai pas pu supporter la critique, j’ai commencé à pleurer. Harold a essayé de me réconforter, mais Mathieu en a remis une couche en disant qu’ils n’auraient jamais dû me faire confiance à propos de facebook. Florian a écrit un article « pour tenter rattraper le coup » et a dit que ma punition serait d’aider pour le déménagement de l’agence deux degrés dans ses nouveaux locaux. Ils m’ont réservé un bureau de 25 m² !

J’ai protesté que je devais rentrer à Antony pour voir mes parents, mais Mathieu m’a dit : « tu te donnes du mal pour tes parents, mais ils n’ont même pas rempli ton sondage facebook, est-ce que tu es sûr qu’ils t’aiment ? » J’en ai pleuré à chaudes larmes. Harold m’a dit qu’il comptait sur moi à 9h dimanche et Florian est allé me chercher une ceinture lombaire. Ils ont été durs, mais je les ai vraiment déçus.

30 Septembre

Le déménagement dans les nouveaux locaux de l’agence s’est bien passé. J’ai effectivement un nouveau bureau de 25 m². Ce qu’ils ne n’avaient pas dit c’est qu’il fait 25 m de long et que ma table de travail est une desserte sur roulettes.

Mathieu a dit : « si ça ce n’est pas un open space ! ». Je n’ai pas su quoi répondre.

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1er Octobre

Cher journal,

aujourd’hui encore, j’ai été confronté aux dures réalités du métier de community manager. Dans le cadre du concours pour sauver un quartier du Petit Paris, les internautes ont décidé de ne pas raser le quartier de papa, ce qui implique que celui de maman le sera… C’est dur mais je n’ai rien pu dire, je dois me conformer aux décisions de dizaines d’inconnus sur Internet. C’est comme cela que les choses doivent marcher. Mathieu m’a rassuré en me disant que c’était comme le métier d’urbaniste avec les réunions publiques : « Tu dois accepter que des gens qui y en savent moins que toi soient davantage écoutés. »

 

2 Octobre

Pour augmenter le nombre de contributeurs sur ulule, j’ai expliqué à mes maîtres de stage qu’il fallait qu’ils adoptent une stratégie de com basée sur le triptyque culpabilisation / connivence / privilège. Ils ont à peu près compris, surtout la partie culpabilisation. Ils ont fait une liste assez longue de choses mignonnes (chatons, loutres, etc.) qui devraient souffrir si le budget de 8 500 € n’est pas atteint le 27 Octobre. Vu leurs regards insistants, je crois que je fais potentiellement partie de cette liste…

 

3 Octobre

Journée mi figue-mi raisin aujourd’hui. Florian a très bien travaillé sur les réseaux sociaux en devenant l’homme le plus influent du groupe « quel grand paris ? » sur Linkedin, loin devant Michel-Alain Picos.

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Harold et Mathieu ont réduit ce travail à néant en commettant un article sur les Roms au même moment. Florian n’était pas très content mais quand il a vu les 29 like sur facebook, il a dit : « je ne valide pas mais + 145% de like par rapport à la moyenne, c’est bon pour l’influence. Et je sais de quoi je parle! Mettez seulement les premières phrases au conditionnel.»

Je préférais quand ils ne s’intéressaient pas aux réseaux sociaux.

 

4 Octobre

Florian et Mathieu n’étaient pas là aujourd’hui. Ils partaient pour un mariage ou, comme le dirait Mathieu : « pour faire du relationnel avec des gens qui ne sont pas forcément humainement intéressants mais qui ont un vrai travail ».

Harold était donc tout seul avec moi.

Il m’a expliqué l’article sur les Roms, car il a vu que je trouvais cet article segmentant, inapproprié et violent.

Il m’a dit que la question que les gens devraient se poser sur les Roms, c’était s’ils étaient vraiment des êtres humains comme les autres. Car c’est toujours de manière soujacente ce qui est mis en doute par certains politiques et répété par des journalistes avec un travail d’analyse aussi fin et pertinent que celui de Cyril Hanouna. Que le débat est tellement violent à l’heure actuelle et le dédain vis-à-vis d’eux est tel que finalement, cet article est « comme un chaton qui rentre dans sa panière ».

Je n’ai pas compris alors il a repris l’exemple du mariage pour tous et m’a dit qu’il n’y avait qu’une seule bonne question : les homosexuels sont-ils des êtres humains ? Si oui, alors ils ont les mêmes droits que tout le monde et donc le débat est clos. Il a rajouté en rigolant que la plupart des travaux sur le sujet concluent que les homosexuels sont des êtres humains. J’aime bien ses réflexions et sa logique de juriste.

Après, il a fait des recherches sur l’homosexualité de Tintin. Bref, une fin d’après-midi assez classique chez deux degrés. Le genre de moments qui me vont me manquer quand j’aurais fini mon stage.

 

7 Octobre

Cette recherche de fonds pour le livre demande pas mal d’énergie à Mathieu et Florian mais ils sont assez sereins. Ils ont fait le calcul suivant : « on a 5 000 visiteurs uniques par mois sur le site. Avec ce qu’on a escroqué à nos familles et nos amis, il faut seulement que 250 personnes qu’on ne connaît pas mais qui nous suivent régulièrement précommandent le livre. Ça fait 5% des lecteurs. Ils nous aiment bien. Ça devrait passer tranquille. »

Pour changer d’air, ils ont fait une pause de veille prospective et ils m’ont invité. Ça consiste notamment à regarder NRJ hits et décrypter les derniers clips musicaux. Florian a dit :

« On peut s’intéresser aux signaux faibles et dénicher des idées qui plairont à quelques personnes. Mais on peut aussi s’intéresser aux signaux de masse, comprendre comment pense le grand public, voir comme ça va merder, et proposer des alternatives. Les clips, c’est le mieux pour ça. Avec les reportages de 100% mag

Comme je n’étais pas très attentif, ils m’ont engueulé. Mathieu a pris le temps de m’expliquer : « L’urbanisme est une discipline où l’on passe du temps à imaginer des lieux de vie « conviviaux », où l’on essaye de persuader tout le monde que les gens aspirent à aller docilement au boulot en tramway ou à vélo. Mais il suffit d’un clip de Keen’v pour comprendre que ça ne tient pas la route. »

Florian a ajouté que, dans le même genre, en tant que community manager, je devrais absolument m’intéresser davantage au catch, parce qu’en terme de story telling, on trouve difficilement mieux. Il m’avait déjà dit que son objectif professionnel en cas d’échec de deux degrés était de devenir scénariste pour la WWE. Il va peut-être falloir que je fasse preuve d’ouverture.

8 Octobre

Mathieu n’était pas très en forme aujourd’hui, les liquidités de la SARL deux degrés se réduisent et les contrats se font rare. Il m’a dit :

« On a choisi d’essayer de rendre les gens plus critiques, moins bourrins dans la façon dont ils appliquent des manières de faire et moins sensibles à la branlette artistique… grosse erreur de notre part, ça n’intéresse personne. De toute façon, tant qu’on n’a pas moyen d’évaluer la connerie, les gens pourront continuer à faire n’importe quoi en toute tranquillité. Je suis sûr que si on créait un moyen d’évaluer la connerie des gens, ils paieraient des formations pour être moins con ! ».

Il a regardé dans le vide quelques minutes, puis il a commencé à mettre pas mal de notes sur écrit. Je crois qu’il veut vraiment évaluer la connerie des gens…

9 Octobre

C’est bientôt la fin de mon stage au sein de deux degrés. Je sens que mes goûts ont changé. Je n’arrive plus à écouter mon voisin Jean-Charles quand il parle me parle trop longtemps des émissions de M6. Mon attitude s’est dégradée. J’ai volontairement oublié de trier des déchets chez une amie écologiste de type 3.

Harold m’a en effet expliqué qu’il y a trois types d’écologistes.

Ceux de type 1 sont ceux qui trient leurs déchets, économisent l’eau, l’électricité et les déplacements en voiture, font de la récup, louent des T2 avec du double-vitrage pour que leur famille de 5 personnes n’ait pas froid et ne mangent pas trop de viande. C’est le type écolo-cool discount.

Ceux de type 2 économisent moins l’eau et l’électricité que les premiers, ils ne font pas de récup, mais ils mangent du bio-équitable, achètent des voitures neuves hybrides et des maisons HQE, envoient leur femme de ménage trier les déchets, alimenter le compost d’appartement et temps en temps ne mangent pas de viande, mais contrairement à ceux de type 1, c’est pour des considérations écologiques et non financières. C’est le type écolo-hype standing.

Ceux de type 3 trient les déchets avec au moins 7 poubelles différentes, se lavent au gant, éduquent les gens à l’écologie toute la journée et sont vegan parce que contrairement au végétariens, eux, ils en profitent pour sauver des animaux. C’est le type écolo-je-fais-tellement-chier-tout-le-monde-qu’aucun-être-humain-ne-veut-de-moi-alors-je-m’occupe.

Ensuite j’ai lu le magazine des témoins de Jéhovah pour rigoler. J’ai fait beaucoup de choses qui ne fonctionnent pas et qui pourraient laisser une trace indélébile sur mon identité virtuelle. Je suis plus fort. Mais aujourd’hui, je suis inquiet car mes maîtres de stage ont décidé de se mettre en scène dans de mauvaises vidéos pour montrer les contreparties. Leur personal branding va en prendre un coup.

10 Octobre

Matinée difficile. Les délires artistico-littéraires de Mathieu et Florian se sont réveillés. Ils ont décidé de se lancer dans la réalisation de romans-photos racontant l’avenir des villes moyennes françaises. Harold a dit qu’il accepterait de les suivre seulement si leurs romans-photos pouvaient égaler ceux de Christian Jean-Pierre dans Téléfoot. Ils ont dit ok, ils se sont tapé dans les mains, ils ont un peu crié. Ils m’ont demandé si je prenais bien la lumière puis m’ont dit que j’allais devoir m’habiller en femme pour des raisons professionnelles.

11 Octobre

Florian et Mathieu montent à la capitale la semaine prochaine pour parler du Petit Paris et de décentralisation au salon de ceux qui veulent aller travailler en province. Ils ont bien bossé leurs interviews et leurs divers rendez-vous. Ils ont mis des chemises. Ils sont prêts, ils sont pro. Mais ils sont de moins en moins sereins. Mathieu a gueulé plusieurs fois : « mais ils branlent quoi nos 5% de lecteurs qui nous aiment bien? Qu’est ce qu’ils attendent pour nous filer 21 € sur ulule ? Ils n’ont pas de pognon? Ils ont tout donné à Jean-François Copé ? »


Après le Sarkothon, place au Copéthon par LeHuffPost

Une fin de stage un peu compliquée pour moi en perspective.

14 Octobre

Cher journal,

J’entame mes derniers jours de stage. À partir de jeudi, je vais passer plus de temps à la maison pour rédiger mon rapport de stage. Tout n’a pas été facile, mais j’ai au moins appris qu’il y a différentes manières de travailler, que la plupart ne sont pas inintéressantes, mais que certaines restent meilleures que d’autres.

15 Octobre

Mathieu et Florian sont à Paris pour parler publiquement de leur intention de réduire Paris. Au moment où je me disais que j’étais fier d’eux, Harold m’a tendu une liasse de flyers pour vendre le Petit Paris dans la rue en m’expliquant que les deux autres m’avaient laissé du boulot. Je n’ai pas eu beaucoup de succès avec mes flyers roses sous la pluie.

Du coup, j’ai beaucoup observé. Je suis passé devant des opticiens qui m’ont chassé de leurs pas de porte juste avant que des démarcheurs d’ONG m’accostent et me fassent perdre ½ heure pour avoir mes coordonnées bancaires et une autorisation de prélèvement tout en refusant de prendre mes flyers. J’ai un peu mieux compris les haines de Mathieu. Puis j’ai croisé un missionnaire mormon qui brandissait une banderole « c’est cool d’être mormon » en me rappelant qu’Harold les trouvait bizarres parce qu’ils baptisaient des morts pour sauver leurs âmes. Pour Harold c’était une grave entorse au principe de non rétroactivité. Plus tard, en passant devant un bar, j’ai entrevu le dernier clip de Miley Cirus. J’ai repensé à tout ce que Florian avait pu m’apporter sur l’interprétation de clip et son histoire de sex tape Cirus-Bieber m’a parue évidente. Cette balade m’a rendu nostalgique. Je me suis dit que mes maîtres de stage avaient tout de même des qualités insoupçonnées, des choses que l’on apprend pas en école de communication.

Lorsque je suis rentré, Harold a vu que j’avais distribué très peu de flyers. Il a préféré me prévenir qu’avec ces résultats, les deux autres allaient probablement me filer un benchmark d’agenda 21. J’ai rigolé, je commence à comprendre les blagues d’urbaniste. Un don qui ne sert à rien.

16 Octobre

Mathieu et Florian sont rentrés en début d’après midi. Avec Harold et Martin, ils se sont mis à bosser beaucoup mais bizarrement. Ils ont détourné ma stratégie de culpabilisation / connivence / privilège. Florian passe son temps à sélectionner des images d’animaux mignons, Martin les détoure sur photoshop, Mathieu écrit les textes dans lesquels ils menacent de les tuer et Harold efface les messages des tarés anti-vivisection sur facebook. Ça à l’air de fonctionner. Je croise les doigts pour qu’ils arrivent à récupérer les 8 500 € sur ulule. Dans le cas contraire, je ne sais pas dans quel état ils seront au moment de ma soutenance de stage…

17 Octobre

Cette fois ça y est, c’est mon dernier jour. J’avais parlé d’un pot de départ à Harold en début de semaine, mais je crois qu’il a oublié de relayer l’information… en fait je crois qu’ils ont tous oublié que je finissais mon stage aujourd’hui. Je suis un peu déçu mais vu le mémo qui traînait sur la table, j’ai préféré partir discrètement.

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18 Octobre

Ce matin Florian m’a appelé vers 11h pour me demander ce que je foutais vu que j’avais 2 heures de retard. Quand je lui ai expliqué, il m’a dit qu’effectivement il ne s’en souvenait plus, mais que Mathieu allait gueuler parce qu’il voulait que je fasse « du classement de commentaires internet… un truc en rapport avec l’évaluation de connerie ». Ça m’a un peu inquiété de me mettre Mathieu à dos juste à la fin de mon stage. Je me suis dit que Florian allait trouver les mots pour lui expliquer et je me suis ensuite souvenu que vers 11 heures, il avait souvent un rituel… j’ai peur de connaître l’endroit d’où il m’a appelé. À midi, c’est maman qui m’a appelé et là, je me suis dit qu’ils allaient tout de même me manquer.

 

Pour poursuivre la saga
EPILOGUE PROSPECTIF 2032 (vous avez vaguement le pouvoir d’influencer la conclusion de cette saga)

Scénario 1 :

Le Petit Paris n’a pas été publié en version papier (les 8 500 euros n’ont pas été réunis). La sarl deux degrés a déposé le bilan en Mai 2014. Une série d’accidents de métro et de RER en 2017 ont mis fin à la politique du Grand Paris. Les équipes du Grand Paris ont été rappelées pour étudier les possibilités de réaliser un « Paris raisonnable ». Certaines ont cité en références quelques passages du Petit Paris mais les auteurs se sont révélés être injoignables.

Harold est devenu plaquiste et dirige une entreprise de BTP florissante en Charentes. Il rédige quelques articles (ici, ici et ici) pour la dÉsencyclopédie a ses heures perdues.

Florian a trouvé un équilibre précieux dans sa nouvelle activité d’électricien dans le sud-est. Sa passion de l’ordre est comblée. Il ne prend pas de rendez-vous entre 10h30 et 11h30.

Mathieu a épousé une des actrices retenues pour les romans-photos qui n’auront jamais vu le jour. Il vit désormais richement aux crochets de sa femme qui possède 3 boutiques d’optique.

Pierre-Etienne, fort de son expérience de stage chez deux degrés et des échecs successifs du Petit Paris, monta avec un grand succès une entreprise de communication spécialisée dans la gestion du nonbuzz.

Scénario 2 :

Le Petit Paris a été publié en novembre 2013 grâce aux 8 500 € réunis sur ulule. Le livre sera la base du programme d’un candidat aux élections municipales parisiennes en 2014. Ce candidat qui promit de détruire les villes autour de Paris deviendra maire avec 73% des voix. Il sera destitué en 2016.

Harold mena avec succès la sarl deux degrés aux sommets de la prospective, les commanditaires se rendant compte que l’intelligence était une notion différente du sérieux.

Florian, grâce au succès du livre, fonda l’institut d’urbanisme de Nîmes et y enseigna son art. Plusieurs générations d’étudiants de l’institut nîmois sombrèrent dans une inemployabilité chronique. Suite à cet échec, il se relança dans l’écriture d’un « vrai livre » qui ne connu pas le succès. Il finira par faire fortune en devenant scénariste de catch.

Mathieu réussit à créer un évaluateur de connerie qui surpassa facebook et twitter. Avec l’immense fortune acquise grâce à la cession de son entreprise d’évaluation de connerie, il racheta toutes les chaînes d’opticiens françaises et les ferma toutes sauf une. Ce monopôle sur la lunette lui ouvrit les portes du Rotary Club, dans lequel il s’épanouit.

Pierre-Etienne ne fut pas prolongé à l’issu du stage. Il travailla en tant que télé-opérateur chez Orange. Après plusieurs titres de meilleur employé du mois, il écrivit un livre sur le community management qui se vendit 45 fois plus que le Petit Paris. Avec l’argent empoché, il acheta une maison et partit vivre reclus et très heureux avec sa mère, loin de l’Île-de-France.

 

Nous étions en train de jouer tranquillement à la pétanque, la bouteille de pastis à portée de main et bam ! On découvre ce panneau affiché sur une aire de jeu.

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Quels sont les liens entre un étron et l’amour intergénérationnel ? L’équipe de deux degrés a donc d’abord essayé d’analyser les regards croisés des citoyens à propos de la mixité sur une aire de jeu.

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Apparemment, des équipements tels que les aires de jeu pour enfants sont fréquemment détériorés par des déjections canines, malgré les suggestions de l’agenda 21, document pourtant éminemment clair et limpide. Une personne âgée n’ayant pas pris soin de lire le panneau ou l’agenda 21 va faire chier son chien au bas du toboggan. Les enfants ne pourront plus jouer. Le lien intergénérationnel est brisé. Le quartier sombre dans l’ultraviolence. Ce n’est pas bien.

Deux degrés, avec la contribution éminente de Julien Bourdeau, a voulu remédier à ces conflits sociaux et intergénérationnels en systématisant la création d’un équipement public en ville, destiné à transcender tous les clivages : LE CANISITE DE QUARTIER.

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Le chien est l’ami de tous, des enfants, des vieux, des bobos et même des punks. Alors quoi de mieux que le chien pour favoriser la mixité ?

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Le canisite peut, demain, devenir un espace générateur de mixité propice aux échanges, au partage… bref un vecteur de lien social et donc de bien-être. Très fréquenté, le canisite devient un lieu hype du quartier et peut permettre un renouvellement de la race canine indispensable au maintien de la mixité.

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Cet équipement public peut devenir la pierre angulaire de la mixité en ville. Aussi, chers élus, nous vous proposons de revoir les priorités en matière d’urbanisme. A l’heure actuelle, en faveur de la mixité, nous adoptons des politique destinées à obliger les gens à vivre ensemble. Cependant, une chose n’était pas prévue au départ : les gens peuvent choisir l’option de déménager et de se regrouper à nouveau, ailleurs.

Nous conseillons à nos élus de mettre en place un Programme de Développement Canin et les outils réglementaires adéquats pour atteindre une production de 25% minimum de canisites à l’échelle de la commune,  pour les réfections d’espaces publics existants et les programmes d’urbanisation futurs.

Pour terminer, ne vous alarmez pas si votre canisite de quartier peine à remplir son rôle de moteur à mixité. En effet, ce type d’équipement offre de belles perspectives de renouvellement urbain, en jardin d’enfants par exemple. Finalement, les chiens et les gosses sont deux êtres vivants au fonctionnement proche et dont les principaux hobbies convergent : jouer – manger – chier – dormir !!!

Voici un exemple de projet de canisite vert, durable, mixte, respectueux des êtres humains, des animaux, avec des références historiques qui l’illuminent d’une certaine magie :

Le Square place des Romains, à Annecy

« Place des Romains, à l’angle de l’avenue des Îles et de l’avenue du Stand, face à la caserne de pompiers, un nouveau square de 700 m² a été créé sur un espace public. Implanté sur l’emplacement d’un ancien théâtre romain, cet aménagement s’inspire de l’histoire du lieu. Il est constitué de deux espaces en demi-cercle dont l’un accueille une aire de jeux et l’autre une aire de détente. La végétation est à consonance méditerranéenne : des cyprès prendront place le long de l’allée et la gamme végétale fera référence aux divinités romaines (vigne, vivaces et graminées…).

Le canisite implanté sur cet espace sera déplacé place des Romains. »

http://www.annecy.fr/355-espaces-verts-et-fleurissement-ville-d-annecy-france.htm

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Ne vous trompez pas Mesdames et Messieurs les élus : ce ne sont pas les pauvres, ni les jeunes ou les vieux que vous devez attirer, mais bien les clebs !

Nous profitons de cette période de choix de formation chez les étudiants pour mettre à jour notre guide d’orientation professionnelle dans le monde de l’aménagement :

 

Chers jeunes, si vous cherchez des conseils plus précis pour choisir entre une carrière d’architecte et une carrière d’urbaniste, nous vous proposons deux critères de sélection essentiels qui vous permettront d’allier épanouissement professionnel et épanouissement personnel. Ces critères sont le look et le sexe. Car oui, être architecte ou urbaniste, c’est avant tout une question d’état d’esprit. D’autre part, parler de sexe et de look, c’est bon pour le référencement du site.

LE LOOK


VS

LE SEXE

Chez l’urbaniste, la passion pour l’alignement et la proximité domine.

Chez l’architecte, du sexe beaucoup plus décontextualisé ou comme ils disent entre eux:  « Fuck the Context ».

En conclusion

Pour les jeunes qui cherchent leur voie, c’est assez simple :

> si les soins du corps t’intéressent, deviens architecte,

> si tu as un faible niveau capillaire ou que de manière général tu ne respectes pas les cheveux, deviens urbaniste.

Pour la maîtrise d’ouvrage qui privilégie les architectes aux urbanistes, la conclusion est évidente : pour un travail similaire, les honoraires d’un architecte sont supérieurs de 15 % (frais pour les beaux habits, soins des cheveux, achat de châles, etc.), les temps de rendu sont supérieurs de 9% (journée de travail réduite par les plages horaires dédiées à la remise à niveau de la coiffure, aux soins de peau, aux choix des vêtements, etc.) par rapport aux urbanistes.

 

Note : Les paysagistes, ce sont des architectes mais moins propres. Pour vérifier, vous pouvez aller voir les résultats des Albums des jeunes architectes et des paysagistes ici.

 

SI VOUS AIMEZ CETTE AFFICHE :


illustration tirée du livre Le Petit Paris (deuxdegrés –  Mai 2013) – réalisation : Martin Lavielle

VOUS AVEZ BESOIN DE FAIRE CE TEST :


Naïvement, nous pensions que devenir riche servait avant tout à acquérir une certaine liberté, notamment géographique. Les riches ont les moyens de s’installer où ils le souhaitent, les Champs Elysées, la Côte d’Azur, un chalet en Savoie. Ces dernières années nous prouvent pourtant le contraire. Etre riche aujourd’hui consiste surtout à devenir plus riche et à ne pas être emmerdé.

Les riches s’imposent alors :

– d’aller vivre dans des villes faiblement attractives si on prend en compte des critères de vie culturelle ou de patrimoine paysager (par exemple Néchin en Belgique) ;

– de perdre beaucoup de temps à gueuler parce qu’ils payent trop d’impôts ;

– de se faire chier avec d’autres riches dans des villes à mourir d’ennui (Saint-Maur-des-Fossés ou Rueil-Malmaison).

En d’autres termes, les riches sont cons et s’imposent plein de contraintes au lieux de profiter de leur liberté. Et ce qui est bien avec les neuneus  qui s’imposent des contraintes très précises (surtout lorsqu’ils sont conseillés par des gestionnaires de fortunes d’une rare perspicacité), c’est qu’on peut s’en servir pour faire de l’aménagement du territoire.

Des coins sans intérêt et désertés, on en a plein en France. Et ils sont probablement mieux que Néchin. Nous proposons de créer des enclaves fiscales dans des lieux correspondant aux attentes des plus fortunés :

– une accessibilité vers des lieux de villégiature et vers Paris,

– peu de voisins (et surtout très peu de pauvres),

– un cadre paysager évidemment plus épanouissant que celui de la Belgique.

On pense à Ecuisses par exemple, à deux pas de la gare TGV du Creusot.

L’installation des ces riches permettra de relancer a minima le commerce et l’attractivité de ces territoires et participera alors à un aménagement du territoire plus équilibré. Par contre, ça risque de poser des problèmes de stigmatisation : le village des riches cons.

 

Merci à Alice pour nous avoir ouvert les yeux sur la dureté de la vie des très riches.

 

loutre

Si vous êtes urbaniste, paysagiste, et/ou que vous avez raté votre vie, vous avez forcément croisé un vison d’Europe au détour d’un DOCOB ou d’une ZNIEFF, en tout cas sur le papier. Nous vous proposons d’apprendre à mieux le connaître, grâce à notre spécialiste de l’environnement qui vit reclus dans les bois depuis de trop nombreuses années.

 

Un vison d’Europe, c’est trop mignon. Y en a marre des gens qui font des écharpes et des manteaux avec. Y’a plus de visons sur les dos de mamies quand dans la nature. Le vison d’Europe est tellement menacé qu’il s’hybride avec des putois. Il peut même, selon de nombreux spécialistes des Mustelidae, produire des hybrides fertiles, ou encore développer des interactions homosexuelles faute de femelles. Il faut réagir !

Certes, ils ne sont plus chassés. Mais le vrai problème, c’est les liens de cet animal avec l’aménagement du territoire. Les dispositifs de protection existent et peuvent être très performants. Sauf lorsqu’il s’agit de gros projets d’infrastructure. Dès lors, même une zone Natura 2000 ne pourra pas permettre qu’il continue à gambader le long des corridors écologiques, à chasser les grenouilles et à jouer à cache-cache avec les loutres.

Ce que l’on appelle les « points noirs », dans le cadre des projets d’infrastructure, ce sont les lieux où l’on recense le plus d’animaux écrasés. Il faut donc mettre en place des passages à faune pour les visons d’Europe sous les voies ferrées ou les autoroutes, afin de réduire les risques de collision. Cela coûte cher, mais les visons d’Europe sont sauvés et c’est bien.

Mais ce qui est vraiment énervant, c’est qu’une fois que le vision d’Europe est sauvé des dangers de la route, il se fait tuer par des renards ou martyriser par le vison d’Amérique qui lui vole son habitat naturel. Ce dernier prolifère, du fait de ses caractères robuste et massif. Bref, il est Américain. Le vison d’Europe est tout frêle et pas très dégourdi. Alors que la logique Darwiniste voudrait que les derniers visons d’Europe finissent sur une route pour fuir leurs concurrents, des mesures pour revigorer ces petites bêtes s’imposent aux yeux des pouvoirs publics et des associations de défense de l’environnement. Pour rentrer dans une démarche de sauvetage global du vison d’Europe, il faut tuer tous les prédateurs de ce petit animal. Que nos efforts pour que ce petit Mustelidae ne soit pas écrasé par un train ne soient pas complètement foutus à cause d’une loutre qui le mange après lui avoir tendu un piège dans un passage à faune. C’est à ce titre que toute une série de personnes, sans doute créationnistes pour certaines, ou nostalgiques pour d’autres, considèrent que le vison d’Amérique doit être exterminé.

Le magazine Spirou n°1121 du 8 octobre 1959 exprime très bien cette haine envers ces homologues bouffeurs de hamburgers. « Le vison [d’Amérique] est originaire du Canada mais il s’acclimate fort bien dans nos régions. On imagine mal un plus vilain caractère que celui de cette petite créature. Pour un rien, ça vous enfonce ses dents acérées en pleine chair. »

Pour conclure, le magazine ajoute que « leur fin tragique ne doit pas nous donner de vains remords. Mis à mort sans souffrance par l’un ou l’autre procédé comme l’électrocution ou le chloroforme, les vilains visons feront de magnifiques capes-manteaux ou de somptueuses étoles, et ce sera fort bien ainsi. »

Afin de préserver la vie de l’espèce européenne, des pièges adaptés pour les visons d’Amérique pourront être disposés aux abords des passages à faune aménagés par l’homme. Un passage qui laisse passer le vison d’Amérique directement sur une route extrêmement dangereuse. Le vison d’Amérique sera alors tenté de traverser les infrastructures et une partie du problème sera réglée.

Magnifique nature. Magnifique éclairage de notre spécialiste de l’environnement.

Amis écologistes et amoureux de la nature, nous sentons poindre un dilemme. Soit on sauve le vison d’Europe en niquant tous les visons d’Amérique, et le moyen le plus approprié sera de relancer la mode de la fourrure. Soit on renonce à la fourrure, le vison d’Europe disparaît et arrêtez de nous faire chier avec votre Directive Habitat.

En conclusion, nous nous permettons d’aborder une problématique plus urbaine. Quelles sont les chances de survie de nos vieilles personnes qui se trouvent aujourd’hui dans l’impossibilité de se réchauffer grâce à de beaux manteaux en vison. La protection de la nature doit elle se faire aux dépens de la santé de nos aînés. Faudra t-il créer en ville des passages à faune destinés aux seniors privés de fourrure et se trouvant sous la menace permanente de la froideur de nos villes ?

une espèce bientôt menacée en ville ?

Voici la mauvaise saga de l’été rédigée par notre stagiaire.

 

Le Clos des Chênes Verts – épisode 1

J’ai lu le texte de M. François Dumont sur les lotissements pavillonnaires. Un texte dans lequel le mépris a pris le pas sur la sensibilité qui doit constituer un élément essentiel du travail de l’urbaniste. L’urbaniste doit appréhender toute la substance d’un lieu afin de le magnifier par des actions ponctuelles. L’urbaniste est un artiste qui sait corriger un espace en esquissant quelques coups de pinceau. De toute évidence, M. Dumont, tient plus du peintre en bâtiment.

Les lotissements pavillonnaires ne sont pas une fatalité. Ils peuvent évoluer avec douceur. Je vous en donne la preuve avec le travail que je viens de réaliser sur le Clos des Chênes Verts, un lotissement sur la route entre Bordeaux et la côté médocaine. Connecté par une seule voie d’accès à la route du bourg, le lotissement était un espace fermé et très peu accessible. Si cela n’a jamais été clairement exprimé par ses habitants, j’ai bien perçu qu’ils souffraient de cet isolement. D’autre part, les voies tournicotantes et les impasses créaient une grande confusion pour les rares visiteurs. Afin de remédier à cela, il a suffit de faire disparaître les raquettes et autres impasses en prolongeant les rues. De nouvelles ruelles ou pistes douces se faufilant entre les maisons ont ouvert le lotissement de part et d’autre. Tout le monde pouvait le traverser aisément. Une fois l’accessibilité réhabilitée, il a fallu recréer un espace de rencontre qui puisse accueillir tous ces nouveaux badauds à la recherche d’urbanité. Une maison a été rasée puis le terrain a été aménagé en place publique très appréciée par les habitants du quartier. Ici une partie de cartes à l’ombre d’un arbre, là deux mamans surveillants leurs enfants jouant non loin d’une liaison douce.

L’ancien espace vert du quartier, un espace délaissé et à l’écart des maisons, a été transformé en mini-centre écocitoyen rassemblant une zone de tri de déchets et des panneaux pédagogiques sur le développement durable.

Concernant la densité, un remembrement de quelques parcelles a permis de recréer de nouveaux petits logements. Une forme d’habitat intermédiaire mixte permettant d’accueillir des étudiants ou des personnes âgées isolées et enrichissant la diversité des habitants du lotissement.

Enfin une noue paysagère a été créée, achevant ainsi la transformation de ce lotissement classique en écoquartier modèle. Ecoquartier parfaitement intégré aux paysages locaux et à l’architecture vernaculaire du Médoc. D’un côté, la proximité d’une casse auto dans laquelle circulent librement quelques poules contribue à la valorisation du patrimoine local. De l’autre, l’éco-lotissement ouvre sur des parcelles de vignes. Ces dernières, enserrées entre différents lotissements, constituent un poumon vert si typique et précieux pour les Médocains. Grâce à l’aménagement de deux sentes piétonnes, ces derniers peuvent directement rejoindre leur territoire de chasse depuis chez eux, sans avoir recours à leurs véhicules.

Cette transformation douce et progressive a fait évoluer les comportements des habitants du Clos des Chênes Verts vers une citadinité plus respectueuse des enjeux environnementaux. J’ai constaté une nouvelle et belle ouverture d’esprit, une progression rassurante du sentiment d’urbanité, les habitants regardant avec curiosité et appétit tous les changements et les nouveaux usages se développant dans leur voisinage.

Vincent Dejean, urbaniste sensitif

 

***

Le Clos des Chênes Verts – épisode 2

 

Les habitants du Clos des Chênes Verts attendent avec impatience la réunion publique. Le maire doit y annoncer la réalisation de la déviation du bourg qui réduira à coup sûr la circulation de transit dans le lotissement. La construction de plusieurs dos d’âne l’année dernière avait amélioré la situation mais cela restait extrêmement dangereux et invivable. La décision d’aménagement de la déviation signifiait que la grève entreprise par les habitants avait fonctionné. Piégeant les routes du lotissement avec des clous, ils empêchaient les étrangers au lotissement de passer par chez eux. Les bobos bordelais étaient particulièrement visés, eux qui passaient en voiture le vendredi après 21 heures pour rejoindre leurs résidences secondaires sur la côte médocaine. Quelle satisfaction de les voir râler lorsqu’ils crevaient le lundi matin avant de rentrer rembaucher à Bordeaux. C’était bien fait pour leur gueule et leur sentiment de supériorité urbaine. Les Bordelais considéraient le Médoc comme un territoire sous-urbanisé, un dangereux néant d’urbanité. Le Médoc se vengeait.

La salle communale a ouvert à 18h. Le powerpoint est prêt. L’urbaniste Vincent Dejean, à qui on doit déjà la transformation du Clos des Chênes Verts en écoquartier, fait la présentation technique. Mais à la grande surprise des habitants, il n’est pas seulement question de déviation. Le professionnel de l’aménagement explique que se développera une nouvelle zone d’activités mixte entre leur lotissement et la nouvelle route. Bien que le plan soit un peu flou, l’urbaniste explique qu’elle contribuera à améliorer la vie de quartier et enrichira l’offre en services de proximité. Les habitants restent méfiants. Cela risque d’amener des nuisances mais c’est vrai que ça a l’air joli cette zone mixte, il suffit de voir les belles images projetées sur l’écran. De jeunes gens marchent paisiblement sur des voies piétonnes arborées qui longent des bâtiments blancs, voire transparents. Transparents ? Cela ne doit pas être pratique pour travailler dedans, mais c’est apaisant.

Le maire sent tout de même flotter un certain niveau d’inquiétude dans la salle. Il lance le temps des questions du public.

Cette zone d’activité va détruire les commerces du centre-ville  affirme M. Delors.

Non rétorque le maire, elle va surtout créer des centaines de nouveaux emplois. Ce serait dommage de passer à côté de cette occasion M. Delors… vous qui êtes au chômage depuis 5 ans.

Une vieille dame rappelle qu’elle habite dans le centre-ville et que les poubelles ne sont jamais ramassées.

Le maire promet de faire un audit sur le ramassage des poubelles et d’investir dans une nouvelle balayeuse une fois perçues les impôts supplémentaires générées par la future zone d’activités. La vieille dame rappelle alors qu’il y a des crottes de chiens qui souillent… le maire passe le micro à quelqu’un d’autre.

Les véhicules passeront-ils par le lotissement pour se rendre dans cette nouvelle zone d’activités mixte ? demande Estelle. Elle est la plus sage des habitants. Elle arrive toujours à prendre du recul et à poser les bonnes questions. Elle bénéficie en plus de son expérience professionnelle dans un bureau d’étude environnement.

Le bruit monte dans la salle.

Le maire rassure tout de suite les habitants. Je vais doubler le nombre de plateaux dans le lotissement afin de réduire au maximum le trafic automobile.

Ca ne sera pas suffisant, répond un habitant connaisseur de la problématique (il a travaillé à la DDE). Il faut tripler le nombre de plateaux pour que cela fonctionne.

Le maire regarde son directeur des services qui acquiesce d’un signe de la tête. Oui, nous allons tripler le nombre de ralentisseur dans le quartier annonce le maire. Je débloque le budget au prochain conseil municipal.

Acclamation de la salle mais, d’un coup, Roger, le mari d’Estelle débarque et hurle :

– Quel est le salaud qui a garé son gros 4X4 sur une renoncule protégée par la ZNIEFF ?

– C’est moi répond un homme ténébreux depuis le fond de la salle.

Une grande silhouette se lève, fait glisser son manteau en vison d’Europe sur la chaise. Je suis Patrick Beau, le promoteur de cette zone d’activités et de ce lotissement, et je m’engage à replanter mille renoncules dans l’espace vert du quartier.

Un silence puis un tonnerre d’applaudissements pour Patrick Beau. Seule Estelle reste méfiante, elle connaît cet homme, elle l’a déjà vu quelque part. Elle profitera à peine du buffet de fin de réunion, car elle est trop occupée à regarder M. Beau en discussion avec le maire dans un recoin discret de la salle municipale. Un vieux monsieur la bouscule pour atteindre le bol de chips.

 

***

 

Le Clos des Chênes Verts – épisode 3

 

extrait du Journal SUD-OUEST du 25 Juin :

Clos des Chênes Verts : l’urbanité est bien là

En attendant les travaux de la déviation qui devraient commencer après l’enquête publique, on peut déjà constater les changements dans l’écoquartier du Clos des Chênes Verts. Ce lotissement ordinaire est devenu, grâce au travail de l’urbaniste Vincent Dejean, un nouveau haut lieu culturel de la côte médocaine. De plus en plus de saltimbanques et d’artistes de rues se produisent sur la place du quartier. De jeunes curieux venant de toute la Gironde déambulent le long des sentes piétonnes. Fini les tristes impasses sans vie. Elles ont laissé place à une trame viaire propice à l’échange et à la diversité. Une preuve de ce changement ? Le Reggae Sun Ska Festival de Pauillac prévoit d’installer un sound-system en amont des concerts du mois d’août. Rendez-vous le 24 juillet sur la place de l’écoquartier pour découvrir la musique tropicale.

 

extrait du journal SUD-OUEST du 12 Juillet :

Les malheurs du nouvel agriculteur

Avec la réussite de l’écoquartier du Clos des Chênes Verts, les entreprises locales se mettent également au développement durable. Parfois avec quelques déconvenues.

Thierry, ancien viticulteur, a planté récemment deux champs de chanvre destinés à la production de matériaux pour l’éco-construction. Ses champs visibles et accessibles depuis la route attirent la curiosité des passants, mais pas seulement. Thierry nous explique qu’il doit chasser quotidiennement de jeunes gens cachés dans ses cultures. Ces individus dorment régulièrement au cœur des plants de chanvre. Thierry précise qu’ils ne sont pas agressifs. « Les jeunes s’en vont de bon matin quand je les réveille. Le problème, c’est qu’ils reviennent tous les jours traîner dans mes champs une fois qu’ils ont fini de faire la fête au Clos des Chênes et il faut toujours 15 à 20 minutes pour qu’ils se lèvent. Ils fabriquent comme des sortes de nids dans le chanvre. »

 

extrait du journal SUD-OUEST du 05 Août :

Nuit d’émeute au Clos des Chênes Verts

 

Vers 3h30 ce dimanche matin, une voiture a pris feu au Clos des Chênes Verts, rue des Accacias. L’incendie s’est propagé à deux autres voitures. Le temps que les pompiers se rendent maîtres du feu et que les policiers arrivent sur place, un autre départ de feu était signalé non loin de là, rue des Glycines. Cette fois, c’est un scooter qui était la proie des flammes, qui se sont propagées à un autre véhicule et ont léché et noirci deux façades.

Dans le même temps, un camping-car s’est enflammé rue du Chat.

Pour les policiers de la permanence judiciaire chargés de l’enquête, ces quatre départs de feu concomitants, dans le même quartier d’habitude calme ne laisse aucun doute sur leur origine volontaire et criminelle. Un expert s’est rendu sur place pour recherche des traces d’hydrocarbure et trouver d’éventuels dispositifs de mise à feu. A la recherche de témoignages, les policiers se concentrent actuellement sur une enquête de voisinage approfondie.

 

***

Le Clos des Chênes Verts – épisode 4

Le projet de déviation est retardé, voire menacé, par l’étude d’impact qui vient d’être réalisée. Des papillons très rares remettent en cause le tracé. Les associations écologistes menacent de recours si la zone à papillons est détruite à cause des travaux. Ces papillons sont extrêmement précieux dans l’écosystème médocain d’après les écologues et la DREAL.

Ce retard maintient un niveau de tension important au Clos des Chênes Verts. Trouble accru par ce que viennent d’apprendre certains habitants, dont Estelle. Les voitures ont été brûlées par des résidents du Clos eux-mêmes. Par de vieux résidents du Clos. Des vieux qui ont brûlé leur propre voiture ou celles de leurs voisins. Ils espéraient pouvoir virer les jeunes « hippies » du quartier en les accusant de ces actes de délinquance, mais les caméras de sécurité installées au dessus des dos d’âne avaient rétabli la vérité.

Dans un premier temps, les jeunes avaient apprécié ce geste écologique. Ils dansaient autour des voitures carbonisées, symbole déchu de la société de consommation. Puis les jeunes finirent par partir. Ils trouvaient le quartier trop mal famé. Tous ces vieux incendiaires qui faisaient exploser leur bilan carbone, ce n’était pas éthique. Il eût été plus sage de seulement crever les pneus…

De son côté, Estelle ne pouvait pas imaginer que les habitants du Clos aient pensé eux-même à détruire leurs voitures. Malgré leur passion pour les casses auto, les innocents Médocains ne pouvaient monter seuls un tel stratagème. Quelqu’un de maléfique devait être derrière tout ça…

Alors qu’Estelle se promenait dans la forêt de pin, elle tomba nez à nez avec le commanditaire de toutes ces atrocités. Patrick Beau en personne. L’homme mystérieux de la réunion publique.

Estelle surprend le promoteur en train de capturer les papillons coupables du ralentissement du projet de déviation.

Mathias crie-t-elle.

Le promoteur se retourne.

– Tu m’as reconnu Estelle ? Dit-il.

– Ta couverture en tant que Patrick Beau n’a pas fonctionné. Je t’ai reconnu Mathias. Tu es le fils de Jeanjean, l’agriculture qui vivait à côté du Clos des Chênes Verts. Je me rappelle que mon frère jouait avec toi dans le quartier. Et j’ai bien peur que tu sois derrière toutes les choses bizarres qui se passent au Clos des Chênes récemment.

– Oui, c’est bien moi. Je veux la mort de ce lotissement et, pour ça, j’ai fait construire des rues partout, j’ai installé des espaces publics pour faire chier les gens. Et demain, il y aura une zone d’activités qui amènera plein de piétons et de badauds dans le Clos des Chênes Verts. Fini la qualité de vie, fini la tranquillité. Les habitants devront se taper les trouducs qui regarderont dans leur jardin, qui se gareront devant leur portail. Ils auront peur pour leurs gamins. Ils auront peur des nouveaux HLM qui sont prévus.

– Mais je ne comprends pas… Tu as pourtant vécu de beaux moments dans ce lotissement ! Pourquoi veux-tu maintenant le faire disparaître en construisant une zone d’activité à côté, en créant de nouvelles rues, en créant des espaces publics attractifs ?

– De beaux moments Estelle ? Tu n’imagines pas ce que j’ai pu souffrir de ne pas être un enfant des raquettes, comme les autres. Oui, ils jouaient avec moi mais je n’étais pas comme eux. Je ne vivais pas dans une impasse. Ma maison n’était pas en crépis. Je n’étais qu’un sympathique paysan du coin pour ton frère et ses amis. Tout le monde a oublié qu’avant le lotissement, il y avait le champ de mon père… Mes parents n’allaient pas faire leurs courses à Leclerc, comme tout le monde. On se moquait de moi parce que je mangeais les légumes du potager pendant que les autres savouraient des cordons bleus. Ce n’était pas comme aujourd’hui. Manger ses propres légumes à l’époque, c’était un truc de pauvre. Traîner en vélo quand tout le monde avait sa mobylette, c’était la honte et j’en ai chié. Aujourd’hui, ils sont où mes anciens copains des raquettes ? En ville, à glander sur les pistes cyclables des quais de Bordeaux avec leurs vélos à pignon fixe et à manger des légumes de leur potager d’appartement. Quand je pense qu’à l’époque, c’était la honte de ne pas avoir 21 vitesses sur son vélo…

– J’ignorais, Mathias, que tu avais tant souffert. Mais il me semble qu’il est temps de tourner la page. Pense à tes enfants qui pourront grandir dans un quartier mixte durable entouré de tous leurs amis agriculteurs en herbe.

– C’est dur. Vous avez toujours été si heureux dans votre lotissement. Je n’ai pas connu ça. Je veux vous le faire payer !

– Non, je ne crois pas. Ton geste est un appel à l’aide. Je pense qu’au fond de toi, tu ne demandes qu’à retrouver tes anciens amis du lotissement pour faire du roller avec eux sur les quais de Bordeaux.

– …

– Du roller, un dimanche après-midi, sur un bel espace public. Une glace entre amis… l’urbanité Mathias. L’urbanité. Tous ensemble.

– Comme avant, dans la raquette de lotissement ?

– Oui Mathias. Comme avant dans le lotissement. Maintenant, je t’en supplie, pose les papillons !

– Non, je ne peux pas…

– Au nom du développement durable, je te demande de poser les papillons Mathias ! Ce sont des papillons innocents, ils ne t’ont rien fait.

– …

– RENDS LES PAPILLONS MATHIAS !

– …ok, ok

Et Mathias relâcha les papillons emprisonnés dans son grand filet.

 

***

 

Le Clos des Chênes Verts – épisode 5

 

Patrick Beau épouse Estelle. Ils partent vivre dans un habitat intermédiaire d’écoquartier.

Après le départ de Patrick Beau, les habitants du Clos des Chênes Verts ont continué à importer des papillons rares dans leur écolotissement pour empêcher la densification et l’implantation de HLM.

La nouvelle étude d’impact identifie le Clos des Chênes Verts comme un habitat traditionnel de papillons rares. La DREAL et les associations écologistes exigent le départ de tous les habitants de l’écolotissement afin de ne pas menacer l’habitat séculaire des papillons.

La déviation est construite. Elle fait gagner de précieuses minutes aux Bordelais pour aller à la plage.

Le Clos des Chênes Verts disparaît.

Vincent Dejean meurt dans un accident de chasse.

 

***

 

Bonus harlequin gratuit de la saga de l’été… Un petit pas pour l’urbanisme, un très petit pas pour la littérature. On se rattrapera sur les prochains articles. Promis.

La verge turgescente de Patrick se fait pressante contre la toison rouquine du pubis d’Estelle. Gonflé de désir, le membre dressé s’introduit timidement, à la manière d’un visiteur égaré pénétrant dans un lotissement inconnu. Le lieu est accueillant et le visiteur prend vite ses aises. N’en déplaise aux insensibles, aucun de ces havres ne ressemble aux autres. Les différences sont subtiles mais pourtant si précieuses.

Patrick accélère, il est tel un cadre supérieur happé par la jungle urbaine des grandes artères piétonnes d’un quartier d’affaire. Quelle intensité.

Une fois le coït achevé, Patrick et Estelle se prennent dans les bras, confortablement installés dans une pelouse pas tondue depuis bien longtemps. Un papillon rare vient se poser sur le membre au repos. La nature sauvage a repris ses droits.

Estelle et Patrick n’étaient pas revenus au Clos des Chênes Verts depuis des années. Cheminant sereinement le long des ruelles, ils admirent la capacité de résilience de ce lotissement. La végétation explose, masquant petit à petit les milles et une teintes de crépis. Le manque criant d’alignement des maisons ne choque plus dans cette jungle d’herbes folles. Les haies de laurier montent jusqu’au ciel. Les feuillages touffus des thuyas rappellent à Patrick la toison rouquine d’Estelle. Sentant un désir ardent l’envahir à nouveau, il vient se coller aux fesses d’Estelle…

Oh ! ça va aller ! s’écrie Estelle. Tu vas te calmer un peu ! Tu sais ce que ça représente un coït en terme de bilan carbone ? Du latex, des calories brûlées, du CO2 dégagé. Va falloir freiner Monsieur le masculocentré qui a toujours besoin de planter sa bite ! Tu ne te rends pas compte que la domination sexospécifique et ses violences, englobées elles-même dans le masculocentrisme patriarcal « léopardisé » de phallocentrisme (trivial), associées à une course folle aux gaspillages des ressources naturelles, entraînent de dangereux déséquilibres dans le bien-vivre ensemble ?

Ni une ni deux, la verge de Patrick s’assèche telle une noue en plein été…

L’auteur de cette saga de l’été vous présente ses excuses.

 


L’été est là et, comme à la télé, nous vous proposerons un nouveau programme exclusif (ce qui veut souvent dire un truc moins bien… mais on s’en fout, c’est l’été, vous ne glanderez plus sur deuxdegres.net au boulot). Jusqu’à la fin du mois d’août, nous vous proposerons un feuilleton de l’été, hommage périurbain au bon vieux Château des Oliviers.

Avant cela, voici un texte de fond sur les villes sportives (on a réfléchi mais on a aussi sué comme des porcs – mens sana in corpore sano). Ce texte sera intégré à un cahier de tendance publié sur ce thème à la rentrée et rédigé en étroite collaboration avec Philippe Gargov de Pop-up urbain. Oui, les membres de Deuxdegrés deviennent des professionnels ou, comme on préfère dire entre nous, des « executives managers consultants in urban prospective » qui vendront leurs conseils avisés pour quelques euros.

 

Les « villes sportives »

Les villes, qui aiment soigner leur image, apprécient fortement de pouvoir être qualifiées de « sportives ». Sans doute le côté jeune, actif, performant et en bonne santé que l’imaginaire collectif associe à ce terme. Mais c’est quoi au juste une « ville sportive » ?

Dans la mesure où l’urbanisme contemporain nous entraine vers des villes toujours plus chiantes, on peut d’ores et déjà oublier le sens figuré du terme (il va pas y a avoir du sport !). Plus vite, plus haut, plus fort, c’est bon dans la théorie, mais surtout pas dans la pratique (la ville « durable » promeut davantage un : Plus doux, plus sensible, plus couille-molle).

Dans cette logique d’affichage auto-irréalisatrice, il semblerait que l’on considère comme « sportive », une ville où il y a beaucoup de sportifs et, si possible, d’équipes de haut niveau. Ainsi, la ville la plus sportive de France serait aujourd’hui Montpellier puisque, dans la plupart des sports collectifs un tant soit peu médiatiques, elle compte des équipes de premières divisions (dont le niveau s’échelonnait déjà de respectable à franchement forte avant les triomphes de cette année).

Cependant, la définition nous a semblé un peu courte. Pour une ville, le sport de haut niveau est lié à des contingences (tradition, fortune locale ou qatarie disposée à investir, gros coup de bol…) qui ne constituent pas des modèles extrapolables. D’un point de vue prospectif, même si nous sommes convaincus que la qualité de vie, c’est aussi pouvoir se la péter auprès des gens des autres villes grâce aux résultats de son club préféré (Sciences po Paris 13 avril), nous entrevoyons la limite du modèle dès lors que l’on cherche à le reproduire (une limite numérique fixée à 20 villes françaises pour le foot, 14 pour le rugby, etc.).

Certes, il est une solution qui consiste à s’accrocher à un passé prestigieux, même lointain. Un système de rotation du haut niveau permettrait ainsi à des villes de se la péter durant quelques années, puis de pouvoir se reporter sur leur passé prestigieux, aussi poussiéreux soit-il. Mais l’exemple marseillais devrait suffire à vous faire comprendre les limites de cette logique (ils nous ont tellement cassé les couilles avec leur unique coupe d’Europe probablement achetée par Nanar, qu’on en viendrait presque à souhaiter un triplé du PSG en C1… juste pour qu’ils ferment leur gueule). Vous comprendrez également que ça ne suffit pas à faire la qualité d’une ville.

D’un point de vue mathématique, soit les Marseillais se contentent de peu, soit ils sont vraiment à chier en calcul.

 

Le sport en urbanisme : une erreur de casting

Passer du mythe du Vélodrome à celui du Café du mistral, c’est un peu triste. Cela illustre à quel point le statut sportif des villes semble terriblement dépendant des résultats de quelques clubs. Rappelons qu’à la fin des années 1990, une ville comme Pau, aujourd’hui rentrée dans le rang, aurait été leader de notre classement (équipes européennes en rugby et basket). Alors certes, Montpellier (plus exactement les différentes collectivités locales du coin) a une politique assez volontariste de soutien financier aux clubs de haut niveau. Mais ça semble couter cher et il n’est pas dit que cela puisse durer (la réforme des collectivités, en ruinant notamment les départements, devrait logiquement amener Montpellier à quelques rétrogradations). En misant gros sur le sport de haut niveau, les collectivités sont vouées à vivre dans la crainte de l’irrégularité et de la contre-performance.

L’incertitude, certains considèrent que c’est ce qui fait la beauté du sport. Mais pour nous, aménageurs qui manions beaucoup d’argent (essentiellement public), c’est un paramètre à éviter (on va encore nous accuser de gaspillage). C’est sur ce point précis que s’est exprimé notre esprit de contradiction. Ne serait-il pas plus productif, plus durable sur le long terme, de miser sur la contre-performance au lieu de chercher à l’éviter ? Pour mériter le qualificatif de « sportives », les villes ne devraient-elles pas plutôt se tourner vers le sportif de bas niveau ?

Le sportif de bas niveau recoupe en effet une grande diversité de profils, qui vont du sportif de haut niveau raté, au tocard obèse qui court 3 fois par an en espérant sincèrement perdre 40 kilos. Investir sur le sportif de bas niveau reviendrait à se concentrer sur une ressource inépuisable et bien plus constante dans ses (mauvaises) performances.

Et si, bizarrement, c’était celui de droite le plus intéressant ?

 

Le sportif de bas niveau : un cœur de cible négligé

Les urbanistes, avec leur côté aménageur grandiloquent, serait du genre à considérer qu’une ville sportive est une ville où l’on trouve de beaux stades et des piscines olympiques. De véritables temples du sport. Mais essayer de faire un footing à Liverpool ou Manchester en plein hiver, même autour d’Anfield ou Old Trafford, relève de l’inconscience climatique pour un sportif de bas niveau.

À l’évidence, la pratique du sport de bas niveau est entièrement à repenser. La tendance consistant à dégager les bagnoles des villes, en particulier des centres villes, aurait pu laisser davantage d’espace d’expression à ce sport de bas niveau. Mais il n’en est rien. L’urbanisme contemporain n’envisage pas du tout la dimension sportive de la ville.

Certes, il met des pistes cyclables partout, mais bien confortables. Il réalise pleins d’espaces piétons, mais destinés à la promenade. À n’envisager les choses que sous l’angle de la mobilité, de l’efficacité des déplacements (ou au contraire de leur vacuité), à envisager essentiellement des déplacements domicile-travail, à la rigueur émaillés d’espaces publics (où la terrasse de café est considérée comme le seul divertissement tolérable) on met en place un Cyclo, boulot, dodo bien peu ludique. Encore plus grave, la question des sports collectifs est tout bonnement ignorée.

Car il ne s’agit pas de se contenter d’un bon réseau de pistes cyclables ou de trottoirs confortables pour la marche à pied. Non ! Il est question de sport ! Là où le cycliste du quotidien prend son vélo pour aller au boulot en espérant transpirer le moins possible sous les aisselles, le sportif entend au contraire en chier un max. Ce qu’il lui faut, ce n’est pas un bel enrobé avec feux de signalisation à chaque carrefours, c’est l’aménagement d’un Mont Ventoux artificiel ou une reconstitution du Mur de Grammont aux pavés casses pattes, pour pouvoir être fier de sa performance (encore une fois, rappelons la corrélation trop ignorée par les urbanistes entre « qualité de vie » et « pourvoir se la péter »). Paris-Roubaix n’est pas surnommée « la bucolique promenade champêtre du Septentrion », mais « L’Enfer du Nord ». Ça veut quand même dire quelque chose dans l’esprit des passionnés de cyclisme (nous éviterons d’évoquer le cas du mythique « carrefour de l’arbre » qui, chez des paysagistes non avertis, pourrait conduire à d’assez fades croisements de routes arborés… ou comment insulter une légende) !

 

Rêvons un peu : Amis cycliste nantais. Tu en as marre du plat pays ligérien ? Tu ne veux pas en être réduit à aller en Vendée pour pratiquer ta passion et finalement ne tâter que quelques bosses ! Viens découvrir le projet de reconversion de l’Aéroport Nantes Atlantique (pour cause de déménagement) : le Bouguenais d’Huez. Fini les pistes cyclables plates et longilignes. Découvre 21 lacets de pur bonheur, dans des pentes à 7,9 % de moyenne, à quelques minutes (d’échauffement) de Nantes. L’hiver, le Bouguenais d’Huez proposera un domaine skiable unique dans le Grand Ouest français (ça c’est de l’aménagement !).

 

Si quelques communes s’engagent sur cette piste du sport de bas niveau, la révolution intellectuelle chez les urbanistes pourrait faire mal. Pour eux, soit un stade est un projet (il est donc destiné au haut niveau), soit il n’a pas droit de cité. Le lecteur assidu du Moniteur aura en effet remarqué que les récurrents écoquartiers n’intègrent que rarement de simples terrains de foot (leurs projets sont pleins de noues ou d’espaces arborés et on voit bien que leurs concepteurs ne sont jamais allés chercher un ballon dans un fossé ou dans un arbre !).

 

Vous voulez interdire à vos enfants de jouer au ballon parce qu’ils font du bruit et se salissent, mais vous craignez de passer pour strict (ou pour des chieurs) : collez-leur des noues ! Parce que là, on voit mal la gueule que pourrait avoir leur terrain.


Le sportif de bas niveau qui aime parfois se faire mal (du moins ne pas trop passer pour une meringue) en sera-t-il réduit à courir sur des « cheminements doux » ? Lui laissera-t-on au moins faire du BMX sur ces putains de noues ou lui expliquera-t-on que ce n’est pas éco-responsable ?

Comme terrain de bicross, ça semblait pourtant évident !

 

La promenade : l’ennemie du sport

Insistons sur cette question des cheminements doux qu’on nous fout partout. S’ils ne sont d’aucune utilité à la pratique des sports collectifs, en théorie ils pourraient représenter d’excellent support de footing (par exemple). Mais par définition, si c’est « doux », il sera difficile de s’y « faire mal », d’y « cracher ses poumons », de repousser ses limites… L’idée même de vitesse nous semble compromise. Le terme de « cheminement » ne renvoie pas non plus une formidable impression de vélocité tant ça semble plan-plan (un  nom construit comme un adverbe, l’adverbe servant généralement à apporter une nuance… ça donne un nom nuancé ?). À force de débiter des formules ampoulées au possible pour ne choquer personne, l’urbanisme en vient à dégager une sacrée impression de langueur. Bref, le cheminement doux c’est fait pour se déplacer, mais surtout pas trop vite. La ville durable est aussi une ville molle… pour ne pas dire flasque, avec des lipides mouvants et suintants au moindre effort (nous allons y revenir).

Comme dans le cas des pistes cyclables, ces liaisons ne sont pas du tout envisagées comme des espaces sportifs, mais bien au contraire, comme des espaces de marche, de « tranquillité », « d’apaisement » (des mots très présents dans le champ lexical de la discipline et ce n’est pas un hasard), de respect de l’autre, d’amour, de partage… (dans le genre éloge, Milan Kundera prend une sacrée leçon). Rien de très compatible avec la tension, la violence, la combativité, pour ne pas dire l’agressivité, que semble supposer l’effort physique.

Du point de vue sémantique aussi bien que dans les représentations de projets, ces espaces semblent dédiés à la promenade. Or, qui perd son temps à se promener ? Les vieux et ceux qui sortent le chien pour qu’il pose sa crotte ! Des publics cibles (que les urbanistes les aient ciblés consciemment ou pas) non seulement très peu sportifs, mais qui représentent également de sacrées antagonistes à la course à pied. Des obstacles de par leur lenteur (Toujours plus de vieux), leur capacité à râler et à faire interdire ce(ux) qui les gêne(nt) pour les premiers. Des poseurs de mines olfactives et glissantes pour les seconds.

En somme, beaucoup de contradictions pas assez soulignées entre une ville verte, durable, « plus mieux » en théorie, et l’épanouissement physique des individus qui devrait logiquement l’accompagner (et qui est traditionnellement un thème beaucoup plus central dans les utopies et leurs villes idéales). Nous ne parlons même pas de la dimension ludique liée au sport ou aux jeux d’enfants (eux aussi sportifs, bien que de façon plus ou moins consciente). Peut-être qu’à force de penser à la planète, aux animaux, au plantes et à l’écoulement des eaux, on en a un peu oublié les êtres humains (mais ce n’est qu’une supposition).

 

Sport et bagnole… une autre facette du développement durable ?

À coup d’écoquartiers, c’est un bel avenir, placé sous le signe de l’obésité verte, que nous préparons à une éco-jeunesse gavée de légumes bios et de sucreries équitables. Voilà qui est bien paradoxal dans une ville où l’on ne prendra plus sa voiture pour faire 200 mètres. Mais si mêmes les gros lards peuvent facilement faire du vélo faute de côtes susceptibles de leur faire regretter leurs bidoches, il ne faudra pas s’étonner que les villes du futur soient aussi celle des éco-bourrelets.

Avec la génération développement durable, le niveau des mers peut monter, ça flotte !

 

Si on y réfléchi, voilà qui invite à repenser la question de la voiture et de sa place en ville. Les États-Unis, paradis de la bagnole sur-employée, ont fait une caricature de la football mum ou soccer mum, mère au foyer qui ne réalise donc aucun déplacement domicile-travail, mais peut passer des journées entières en tant que taxi de ses enfants. Mauvaise mère sur le plan environnemental, elle n’en demeure pas moins essentielle à la pratique du sport par sa marmaille. On en vient donc sérieusement à penser que la voiture est l’alliée de la pratique du sport, en particulier du sport collectif (et n’oublions pas que, selon différents critères qu’il serait long d’énumérer, l’un des pays considéré comme les plus sportif de la planète n’est autre que… l’Australie, pays qui ne vaut guère mieux que les États Unis).

 

Voyons d’ailleurs ce qu’on échantillon d’experts pense de la compatibilité entre transports « doux » et sport (notamment sport collectif) :

Ils ne semblent pas convaincus…

 

Compte tenu de l’importance du sport collectif dans les relations sociales, ne faudrait-il pas réenvisager complètement les vertus de l’automobile vis-à-vis du développement durable (qui, rappelons-le, est aussi sensé avoir un volet social). D’autant qu’il faudrait mettre en parallèle des problèmes d’intégration, de santé et de moquerie dont soufrerons les futurs bibendums issus de l’obésité verte.

De la même façon, des voies en impasse, des raquettes de retournement, des maisons posées au milieu de la parcelle, ne valent-elles pas mieux pour que les enfants du lotissement jouent à la balle ou fassent le tour de la maison à vélo que des rues bien denses et structurées ? Même dans les espaces verts, il n’y aura que des noues et des massifs de graminées. Vous la faite comment la partie de foot ? En plus, les graminées c’est même pas assez haut pour jouer correctement à cache-cache (surtout si on est gros). Et il vaut mieux passer sous silence les problèmes d’allergie que cela suscite puisque c’est très à la mode chez les paysagistes (dans la ville verte, on sera gros et on aura en plus les yeux qui coulent !). Bref, on n’est pas prêts de pouvoir faire du sport dans de bonnes conditions.

Quelle cachette de merde !

 

Sauver le sport de la ville verte !

Certains sportifs, notamment les joggeurs, sont heureusement capables de créativité et n’hésitent pas à se saisir d’espaces que l’urbaniste de bureau aurait souhaité dévolus à la seule promenade. Les parcs, berges, esplanades sont leurs terrains de jeu. Au grand dam des petites vielles qui nourrissent les pigeons. Un palliatif appréciable, qui n’empêchera cependant pas de reposer la question des lieux pour faire du sport.

Il faudra également penser aux accès à ces lieux, parce qu’en se baladant en pleine rue en short et vêtements de sport (souvent des tee-shirts de fonds de placards aux couleurs aléatoires)… ben on l’air d’un con. Un con qui va faire du sport certes, mais un con quand même !

Ceux-là ont l’air de cons colorés, c’est déjà ça.

Quant à la possibilité (qui, l’hiver, est souvent une nécessité) de « s’échauffer sur le trajet » (traduction : esquisser de manière improbable quelques enjambées entre deux passages cloutés, en évitant les poussettes, bus, motos, vélo, pigeons…), il faudrait pouvoir l’exclure. Autant pour des questions de sécurité routière et de risques de claquage que de considération à l’égard du footing. On le voit, ça fait longtemps qu’on n’a pas réfléchi au sport en ville.

 

Conclusion

L’urbanisme contemporain aurait beaucoup à reconsidérer et à relativiser s’il se préoccupait un peu de sport, en particulier du sport de bas niveau. Parce que le cyclisme et le footing, ce n’est pas de la « mobilité », même si ça y ressemble (et même si ça n’a pas le caractère contemplatif et futile de la promenade). Parce que le sport collectif joue un rôle social non négligeable qui mérite peut-être un peu de CO2. Parce qu’il véhicule des passions, pas toujours glorieuses, mais où l’on trouve au moins un peu de cet enthousiasme et de cet excès qui nous font cruellement défaut en urbanisme. Parce que le commun du citadin qui se bouge le cul, ça nous rappelle à quel point la valeur « dynamisme » est devenue totalement absente de nos études.

Mais nous craignons que les urbanistes, architectes et paysagistes se contentent de considérer les sportifs comme des beaufs ne méritant aucune considération. Nous sommes bien placés pour savoir que l’imaginaire collectif (surtout populaire), ça les dépasse un peu. Le jeune passionné de sport ci-dessous a d’ailleurs un message à leur adresser.

Voici la présentation pour la soirée des anciens du cycle d’urbanisme de sciences po Paris, le 13 Avril dernier, sur le thème : les urbanistes vendent-ils du rêve ?

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Ceux qui nous connaissent s’attendaient probablement à ce que nous traitions de la question du rêve en urbanisme de manière désinvolte, voire potache. Au risque de les décevoir, nous avons pris cette question très au sérieux. Au point de l’aborder parfois de manière quasi-mathématique. Elle suppose pour nous plusieurs problématiques que nous allons passer en revue :

– les urbanistes cherchent-ils à vendre du rêve ?

– les urbanistes ont-ils compris ce qu’était un rêve ? (ou ce qui fait le plus rêver)

– le rêve est-il une bonne piste pour l’urbanisme ?

– en fonction de la question précédente, quelle influence le fait de promouvoir ou d’abandonner la piste du rêve pourrait-elle avoir dans la profession ?

Les urbanistes cherchent-ils à vendre du rêve ?

Quand on voit ce genre de projet, on se dit qu’ils en ont au moins la prétention.

Le terme « enchantement » ne s’emploie pas à la légère. Et quand on découvre cet article, on se dit qu’avant, la Garonne à Agen ça devait être pourri, mais que ça va devenir féérique !

Ceci-dit, si on regarde en détail l’image qui est sensée illustrer l’enchantementOn se dit c’est mignon mais un peu plat. Ça cherche à travailler sur le versant cucul de notre imaginaire, sans avoir une grande capacité à faire rêver (ce que l’on appelle un « potentiel onirique »). Parce que lorsque l’on s’attarde sur les personnages, on se rend compte que le gamin sort d’une banque d’images du XIXe siècle et qu’on a déjà vu ces séniors dynamiques et amoureux dans une pub viagra.

Bref, c’est joli, c’est mignon, mais pas enchanteur. Si vous voulez nous vendre de l’enchantement, la moindre des choses aurait été de nous rajouter un mage et des dragons !

À titre de comparaison, quand Disney nous annonce de la « féérie », ils ont la décence de nous balancer des princesses et des souris qui parlent !

Pour en revenir à la problématique, il est évident que les urbanistes cherchent bien à vendre du rêve, mais un seul ! C’est un rêve où vous habitez un beau logement et, des fois vous empruntez un beau cheminement doux pour déambuler jusqu’à votre potager partagé. Bref, vous n’êtes pas prêt de tâcher vos draps avec ce genre de rêve.

Illustration avec la référence quasi incontournable qu’est l’écoquartier Vauban à Fribourg en Brisgau.

C’est mignon, ça a l’air calme… on y a été, on peut vous confirmer que c’est effectivement très calme, mais on ne peut pas dire que ça fait rêver. Ça ne bouscule pas l’imaginaire. Ça n’a rien d’onirique.

Le problème des urbanistes est qu’ils ne vont pas au fond des choses :

  • Par exemple, si votre obsession c’est les transports, lachez-vous ! Imaginez le nec plus ultra de la mobilité douce, osez la licorne !

En guise d’onirisme et de douceur, ça a tout de même une autre gueule qu’un vulgaire tramway !

  • Si vous vous concentrez sur les énergies vertes et les systèmes de chauffage, ne vous contentez pas d’une chaufferie bois qui n’emballera personne ! Une nouvelle fois, pensez au dragon !

Si se chauffer au dragon, ça vous fait pas rêver moi je peux rien faire pour vous !

Tout ça, on vous l’a résumé dans une formule mathématique, histoire que ça rentre bien dans vos esprits étriqués :

Le rêve d’une licorne est plus emballant que celui d’un potager.

Ce qui appelle une autre question : avez-vous bien compris ce qu’était un rêve et, surtout, que les rêves ont une hiérarchie ?

Les urbanistes ont-ils compris ce qu’était un rêve ?

Pour bien comprendre la question du potentiel onirique, partons de quelque chose de simple : selon vous, laquelle de ces deux images fait le plus rêver ?

Laquelle dégage le plus de douceur entre un tramway en site propre, mais aux couleurs criardes et une belle Lamborghini élégamment présentée ? Et si vous êtes émus parce que la Lamborghini crame 17 litres aux 100 km et que c’est mal, dites-vous bien que le rêve ignore généralement la morale (surtout celle-là).


Ce rapport à la « morale » est sans doute le principal problème dans la relation entre le rêve et l’urbanisme, parce que, j’ai un scoop, mais le rêve d’un homme normalement constitué ressemble plutôt à ça :

Pour le coup, ça n’a rien de cucul, ce serait plutôt cuCUL, mais retenons surtout que ça n’a rien d’un écoquartier et que c’est bien ça le plus onirique.

À titre de comparaison, et en supposant qu’on l’ait bien compris, un rêve de femme ressemblerait plutôt à ça…(les réactions de la salle lors de la présentation sembleraient insinuer que nous n’avons pas compris…).

Ce qui est plus ou moins la même chose en sens inverse, mais surtout en beaucoup plus romantique.

Là encore, petite formule récapitulative pour que ça rentre : le rêve d’une ville durable a moins d’impact que celui d’une ville bandante.

Nous sentons pourtant que la profession n’est pas prête à l’accepter, quelle que soit la rigueur mathématique de la démonstration. Autrement dit, vous avez la prétention de toucher au rêve, tout en ignorant la notion de fantasme, que vous trouvez répréhensible alors qu’il s’agit du plus court chemin entre le rêve et le désir.

La preuve, si l’on prend l’excellente synthèse de ce doux rêveur qu’est Snoop Dogg, à travers son album « Malice au pays des merveilles ». J’insiste sur la notion de « pays des merveilles », qui prouve que lui a bien compris ce qu’était un imaginaire.

On retrouve là les femmes, le jeu, l’argent, l’alcool et les grosses bagnoles. Autant de rêves ignorés, de fantasmes niés dans les projets d’urbanisme !

À partir de là, si vous n’arrivez pas à aller assez loin dans le cucul et que vous refusez la voie du fantasme, il faut se demander sérieusement si le rêve est une bonne piste pour l’urbanisme.


Est-ce une bonne piste ?

Non, la question du rêve en urbanisme est une fausse piste.

Le rêve renvoie à l’idée de changer de lieu, de s’installer dans un nouveau quartier, dans une nouvelle ville. Le rêve est ailleurs. Etant à Paris ce soir et en regardant plus attentivement les flux de migrations et surtout les départs (200 000 personnes quittent l’Ile de France chaque année), on peut se dire que le bon axe de travail serait plutôt de conserver ses habitants. C’est-à-dire réduire l’envie des habitants de changer de ville. Arrêtons avec l’attractivité, le quartier de rêve, veillons plutôt à réduire la répulsivité des villes !

Si on peut rêver d’aller vivre ailleurs, il faut avant tout se réconforter par rapport au lieu où l’on vit actuellement. Il faut se convaincre qu’on vit au bon endroit, ou au moins qu’on vit à un meilleur endroit que nos amis. C’est vrai qu’on passe son temps à dire à ses potes que là où on habite, c’est bien pour telle ou telle raison.

Les urbanistes vendraient davantage du réconfort pour ceux qui ont choisi ou qui sont contraints d’habiter à tel endroit et qui ont besoin de se dire que ce n’est pas forcément mieux ailleurs.

Vous êtes Parisien, vous avez des conditions de vie dégueulasses mais vous allez craner avec tout ce que propose Paris et pas les autres villes. Vous habitez en province et vous faites honte à vos copains parisiens, assommez les avec le coût de la vie, votre facilité pour rentrer bourré de chez vous à n’importe quelle heure et à pied, etc.

En fait, les urbanistes devraient plutôt vendre de la PPP. De la Possibilité de Pouvoir se la Péter. L’urbaniste doit aménager une ville qui aide ses habitants à crâner auprès de ceux qui n’y habitent pas pour conforter les premiers dans leur choix résidentiel. Puisqu’on n’habitera jamais à l’endroit idéal (au bord de la mer, en plein centre-ville, avec la campagne pas loin, etc), il faut des points positifs à valoriser qui viennent compenser les points négatifs. Et il faut pouvoir le dire très fort à ses amis ou à ses collègues.

Cette PPP est très diverse car intimement liée à chaque individu. Il peut y avoir de la PPP de long terme (il y a un musée prestigieux ou une coupe d’Europe de foot vieille de 15 ans, c’est pour ces raisons que je ne quitterai jamais cette ville). Ou alors vous habitez dans un écoquartier, vous vous faîtes chier (trier ses déchets, se garer dans un parking mutualisé, etc) mais vous pouvez vous la péter durablement parce que vous contribuez à sauver la planète, contrairement à tous ces connards qui s’éclatent avec leurs gros 4X4.

Il y a une PPP plus immédiate, plus quotidienne (aller boire un café au marché en moins de deux minutes à pied, prendre l’apéro sur sa terrasse, etc).

Il y a même une PPP indirecte. Votre quartier vous déprime mais vous y restez car il y a un bon collège et vous pouvez crâner devant les autres parents en parlant de la réussite de vos enfants qui, eux, pourront habiter dans une ville de rêve après leurs études.

Dans l’impossibilité de disposer d’une PPP élevée, le travail de l’urbaniste consistera alors à descendre la PPP des autres. Cela passe par exemple par la valorisation des bonnes pratiques écologiques. Votre voisin fait le malin avec son gros 4X4 mais vous vous en foutez parce que le gros 4×4, ce n’est pas écolo et il brûlera en enfer.

Cela veut dire aussi qu’il ne faut pas prendre le risque de générer une PPP faible. Les urbanistes doivent éviter les causes perdues comme un musée lambda dans une ville moyenne ou aménager un stade pour un mauvais club de L1. Ce serait condamner les habitants à des années de moquerie.

Pour être complet, cette PPP est à mettre en rapport avec le niveau d’emmerde générale (on parle aussi bien d’ennui que de qualité de vie au quotidien). En gros, vous êtes prêt à en chier sur certains points si votre ville ou votre quartier vous apporte quelques satisfactions inaccessibles à vos amis qui n’y habitent pas.

D’après nos calculs, la formule de la PPP serait la suivante :

Quelle influence cette question du rêve pourrait-elle avoir pour la profession ?

Autrement dit, on s’orienterait vers moins de politiques de prestige urbain et plus de politiques d’enrichissement du quotidien. Se la péter au quotidien, c’est peut-être mieux que se la péter 2 fois par an grâce à une belle expo. Il faut alors se concentrer sur ce qui est faisable en ville, sur les usages et comment on pourra en tirer un bon niveau de satisfaction.

Arrêtons de vouloir proposer un quartier de rêve avec une belle image. Dorénavant, lorsque l’on fait un projet de quartier, il faut se dire : par rapport au niveau d’emmerdes, comment les futurs habitants vont-ils pouvoir se la péter ? Sur quels éléments pourront-ils s’appuyer pour faire comprendre à leurs amis ou leurs collègues qu’ils vivent à un meilleur endroit qu’eux ?

Faut bien comprendre les changements que cela apporte dans la discipline. Fini le marketing territorial et les « marques » généralistes. Laissez tomber les grands paysages ! Si vous avez une ou deux collines à proximité du centre-ville, vous ne pourrez vous la péter que si vous pouvez grimper dessus et ramasser 2 kg de cèpes. Cette possibilité de pouvoir se la péter remet alors sur le devant de la scène un grand nombre de pratiques aujourd’hui occultées dans l’urbanisme.

Certains se féliciteront d’avoir passé 775 nuits d’affilé sans être dérangé par du bruit, d’autres se féliciteront à vie d’avoir escaladé et montré leurs fesses depuis le clocher de l’église. La PPP évolue bien entendu au fil des âges.

Pour finir, on peut envisager que le métier d’urbaniste se découpera alors en deux phases.

Premièrement, monter un projet techniquement viable (densité, transports, etc).

Deuxièmement, envisager l’appropriation du projet et la PPP générée.

Au regard de ces éléments, nous vous proposons alors de réfléchir ensemble à la valeur d’un parking de supermarché et de sa compétition tuning dont nous vous rappelons le principe : une fois le soir venu, des centaines de propriétaires de belles bagnoles se rassemblent sur le parking vide d’un supermarché pour y faire la fête puis, au petit matin, laissent le lieux dans le même état qu’ils l’ont trouvé. C’est techniquement et urbanistiquement irréprochable : chrono-aménagement, mutualisation, résilience.


Du point de vue de la PPP générée par la compétition tuning et le parking de supermarché, il n’ y a pas de réponse précise. C’est une question de sensibilité, ça renvoie à une impression très personnelle mais, pour certains, cette compétition tuning sera bien plus stimulante qu’un écoquartier. Et cela ouvre des perspectives intéressantes pour l’urbanisme, à condition de se sortir un petit peu les doigts du cul.

Pour ceux qui ne se sentent pas encore prêts à franchir le pas de la PPP, nous allons conclure la présentation avec une image classique d’enchantement urbain.


 

 

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On ne sait pas si ça va faire avancer le débat sur la légalisation du cannabis, mais nous venons de remettre la main sur un vieux document de travail. Un comparatif éco-urbain entre le dealer de cannabis et le vendeur de djembé. A priori, le dealer de cannabis est un éco-citoyen modèle (économies d’énergie, circuits courts, sobriété) mais son faible sens du commerce le pénalise définitivement tandis que le vendeur de djembé, gros pollueur, bénéficie d’un capital sympathie étonnant.

 

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Chers élus, à deux ans des prochaines échéances électorales municipales, il est déjà temps de planifier votre victoire. Mais faute d’argent pour mener de grands projets, vous devez vous rabattre sur des coussins berlinois et des réfections de trottoirs. Ne prenez pas cela à la légère, les enjeux sont énormes. Et c’est pour cela que l’équipe de 2° vous met à disposition le Election Town Calculator. Démonstration.

 

Un électeur potentiel râle à cause de la vitesse des voitures qui passent devant chez lui. Vous décidez alors d’investir 70 000 € dans un coussin berlinois pour ralentir les véhicules.  Bravo, il est ravi. Cependant, les 9 électeurs potentiels qui n’habitent pas la rue mais qui l’empruntent chaque jour pour aller travailler font la gueule à cause de ce maudit coussin.

Afin de gérer la colère générée par la pose du coussin berlinois, vous décidez habilement d’en placer un nouveau dans la rue d’un des administrés en colère. Bravo, il est à nouveau prêt pour voter pour vous. Cependant, vous avez 8 nouveaux électeurs en colère à cause de ce coussin. Ils ne comprennent pas pourquoi certains sont favorisés pendant que d’autres ne peuvent bénéficier de cet équipement dans leur rue pourtant si dangereuse.

La complexité liée à la pose du coussin berlinois nécessite de gérer une base de données très importante. Ne prenez pas le risque d’énerver à nouveau un administré qui était prêt à voter à vous après la pose d’un coussin dans sa rue. Il faut à tout prix éviter de placer un coussin berlinois sur son trajet pour aller au travail si vous souhaitez atteindre les 51 % de satisfaction.

 

Nous vous proposons donc en option une application SIG afin de cartographier et  gérer la base de données de vos administrés en toute simplicité.

Vous pouvez commander un exemplaire du Election Town Calculator sur notre page facebook > http://www.facebook.com/pages/Deux-Degr%C3%A9s/203519146380962

 


UN CATACLYSME

 

En cette année de possible (probable) fin du monde, il nous fallait réfléchir de façon un peu plus systématique (bunker à canard) à ce que pourrait être l’approche de l’urbanisme en partant du principe qu’un cataclysme aura bien lieu. Car, vous ne vous en rendez peut être pas compte,mais l’urbanisme contemporain vise (théoriquement et assez peu modestement) à sauver la planète. Mais si un cataclysme avait lieu, d’un coup d’un seul en 2012, ce n’est pas tant la planète qui serait en péril, que l’humanité. Dans le fond, le vrai problème, ce qui nous intéresse vraiment, c’est notre sort en tant qu’espèce. Assumons ce point de vue : la Terre peut bien aller se faire foutre si nous ne sommes plus à sa surface !

 

Or, l’approche contemporaine de l’urbanisme est intéressante :

– pour éviter la catastrophe, si tant est qu’elle soit climatique ou technologique ;

– pour qu’un maximum de choses restent vivantes (animaux, plantes, biotopes) une fois l’humanité éradiquée.

 

Autant la première hypothèse est séduisante, autant la seconde ne nous emballe pas plus que ça (elle n’aura l’adhésion que des écolos auto-génocidaires). D’où la question que l’on se pose : comment sauver l’humanité en cas de catastrophe (surtout lorsqu’on ne connait pas la nature exacte de cette future catastrophe) ? Vous allez voir que, l’air de rien, un éclairage post-apocalyptique sur la manière dont doivent être menés urbanisme et gestion du territoire pré-apocalyptiques entraine un sacré changement de point de vue. Et si l’on estime le cataclysme inévitable, il va rapidement falloir en tirer des enseignements.

 

L’économie d’espace : un beau piège à cons ?

Regrouper les gens au même endroit, c’est un peu jouer le sort de l’humanité à quitte ou double : en cas de chute de météorite géante ou de tsunami planétaire, soit l’endroit où l’on a regroupé la population est évité et l’on a sauvé un paquet de gens, soit il est touché, et on a réussi à tuer tout le monde d’un coup. Lorsque l’on tient compte du fait que la majorité de la population mondiale vit près des côtes et que c’est donc là que l’on va nous regrouper, cette histoire de gestion économe de l’espace commence à ressembler à un plan d’extermination (à croire qu’on n’a tiré aucune leçon de l’Atlantide !).

 

Si le but est de sauver l’humanité en tant qu’entité collective, c’est-à-dire sauver au moins quelques humains plutôt que chaque individu (ce qui nous semble un peu illusoire en cas d’apocalypse), mieux vaut ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier et bien répartir la population mondiale. Oui à la dispersion, à l’étalement, au mitage, si possible en montagne, en forêt et au beau milieu des espaces agricole ! Il faut donc faire tout le contraire de ce que l’on promeut aujourd’hui (jusque dans le Code de l’urbanisme).

 

Le « paquet énergétique » : colis piégé en puissance

Chez ceux qui veulent sauver la planète, êtres humains compris, les réflexions sur l’énergie sont centrales. Ils prônent la diversification des énergies, la réduction de la dépendance à l’égard des ressources fossiles et du nucléaire. Des principes qui ont des conséquences en matière d’habitat et d’aménagement. Si le projet est d’éviter toute catastrophe pourquoi pas.

 

En plus, même si on part du principe qu’un cataclysme planétaire est inévitable, cette logique marque des points. Dans un monde post-apocalyptique, il nous sera probablement difficile d’exploiter des filons d’énergie fossile, particulièrement les plus difficiles d’accès (qui seront les derniers à nous rester sous la main).

 

Point de vue nucléaire, Fukushima a démontré que la catastrophe technologique pouvait suivre la catastrophe naturelle et en rajouter une couche (radioactive). Mais nuançons. Une fois l’humanité ravagé, on n’aura peut-être pas besoin de beaucoup d’espace. Les territoires irradiés sont perdus… et alors ? De toute façon on en aura plus besoin ! En plus, rien ne dit que des sources de chaleurs radioactives ne nous soient pas utiles en cas d’ère glaciaire pour, au contraire de l’hypothèse précédente, regrouper les survivants dans un environnement climatiquement plus vivable (avec une durée de vie limitée certes, mais c’est déjà mieux que rien). Une ère glaciaire qui pourrait d’ailleurs être la conséquence d’un hiver nucléaire (le slogan est tout trouvé : « le nucléaire, la cause et la solution de tous nos problèmes »).

Là où il y a imposture, c’est au niveau des solutions énergétiques que l’on nous propose. Si le recyclage et le « renouvelable » semblent effectivement pertinents (autant nous habituer au plus vite à la débrouille), encore faut-il que les sources d’énergie soit durables… une fois la catastrophe passée. D’où le danger consistant à nous rendre trop dépendant du solaire ! Les extinctions de masse correspondant aux fins des ères géologiques primaire et secondaire ont montré qu’en cas de chute de météorite ou d’événement volcanique de très grande ampleur le ciel était durablement obscurci. Du coup, fonder un modèle technologique sur l’énergie solaire devient parfaitement suicidaire.

Biodiversité = bio-hostilité ?

Continuons notre raisonnement avec la question de la préservation de l’environnement. Un pan entier de l’aménagement du territoire consiste aujourd’hui à préserver l’environnement : protéger des espèces, conserver voire reconstituer des continuités écologiques, introduire la nature en ville.

 

Or là, il faut se demander si l’on ne fait pas une belle connerie. Par exemple, si l’on se concentre sur le cas français, il faut réaliser qu’on a pratiquement réussi à faire la peau à nos principaux prédateurs potentiels : loups, ours, à la limite lynx. Aujourd’hui on les protège et on cherche même à les réintroduire. Mais si, à la suite de la catastrophe, la nature reprenais ses droits, n’aurait-on pas commis une sacrée bêtise ! Ne faudrait-il pas mieux éradiquer systématiquement ce genre d’espèces « menaçantes » (et non « menacées », renversement de pensée oblige), pour garantir à l’humanité quelques territoires qui lui seraient moins hostiles.

 

Le summum de la connerie potentielle est atteint dans des situations où l’on n’est même pas capable de tirer des enseignements des catastrophes passées, comme dans ce projet pour la Nouvelle Orléans destiné à mieux gérer les éventuelles montées des eaux.

Avec l’exemple du London Avenue Canal de la Nouvelle Orléans, on voit une belle tentative pour introduire de la nature en ville, pour mettre en contact des espaces publics avec l’univers aquatique, pour créer un parc de berge qui soit une véritable synergie entre la nature et l’urbain. Mais c’est oublier un peu vite (et les conséquences de Katrina l’ont pourtant rappelé) que les eaux de la Louisiane ont la particularité de contenir des alligators ! Du coup, l’accès public sur les berges nous paraît tout de suite moins sympa et on peut imaginer qu’en cas de catastrophe, de grande ampleur, cette approche urbaine permettra juste de menacer encore plus efficacement la population de la ville (comme s’ils n’en avaient pas déjà assez chié !).

 

Avec l’exemple d’une ville sous climat subtropical et d’animaux dont on n’a pas à expliciter bien longtemps le caractère inamical, ça paraît évident. Mais si tous nos corridors écologiques devenaient progressivement des autoroutes, du moins des points d’accès pour les loups et autres prédateurs de l’homme ? Et si, sans aller jusqu’aux prédateurs, les espaces naturels protégés facilitaient le maintien puis le développement de la population et la diffusion d’espèces susceptibles de nous concurrencer au sommet de la chaîne alimentaire ? Quand un vison d’Europe vous bouffera tous les poissons de la rivière, vous aurez bien les boules de l’avoir protégé pendant des années à coup de ZNIEFF !

 

La restauration des zones humides ces dernières années amène la même faiblesse post-apocalyptique. N’est-on pas en train de créer un immense réservoir à paludisme et autres maladies dans un mode qui sera bien inhospitalier ?

L’arche-itecture (quand Noé passe de la charpente navale au béton)

Principes directeurs du Code de l’urbanisme, politique énergétique, environnementale et de gestion du territoire… revenons-en à quelque chose de plus concret : la forme urbaine et l’architecture.

 

Un certain nombre de polémique parisiennes semblent indiquer que, d’un point de vue environnemental, la tour n’est pas vertueuse, surtout au-delà de 50 mètres de haut (rendons ici hommage à une chronique et à un commentaire qui sont à l’origine de cet article ).

En gros, la tour c’est le mal incarné. Les féministes y voient des agressions phalliques, les gauchistes des symboles de la domination financières et de l’argent roi, les écologistes un gaspillage de ressources. C’est oublier un peu vite la filiation culturelle entre les gratte-ciels et la tour de Babel. Or, dans ce qui nous préoccupe ici, il serait bon de rappeler que le projet architectural de cette tour consistait à créer un édifice suffisamment haut pour ne plus avoir à craindre la colère de dieu en cas de nouveau déluge.

 

Passons sur le côté franchement classe du projet architectural (dont pas mal de gens dans nos professions devraient prendre de la graine !). Se foutre à l’abri de dieu et de la montée des eaux, dans un contexte où l’on craint la fonte des glaces polaires, où les tsunamis de grande ampleur, d’origine sismique voire météoritiques n’ont plus rien d’invraisemblables, est-ce que ce n’est pas une sage précaution ?

 

Vous me direz, ceux qui ont  les plus haut gratte-ciel sont souvent les plus gros pollueurs (sociétés pétrolières, dans le bâtiment ou l’énergie). Mais est-ce que ça ne prouve pas que ces gens sont moins inconscients qu’il en ont l’air ? Quitte à pourrir la planète, est-ce que ce n’est pas être cohérent que de se prévoir une solution de secours ? Et, si l’on part du principe prophétisé selon lequel un cataclysme aura bien lieu prochainement, ne peut-on pas considérer que ces gros pollueurs sont les Noés des temps modernes ? Eux qui ont su se démerder financièrement, quitte à être détestés, pour pouvoir faire des tours qui seront les arches de l’humanité lors du prochain déluge.

Conclusion

Faut-il reconsidérer l’économie de l’espace, l’énergie solaire, la protection de l’environnement et la hauteur limite des constructions comme les 4 cavaliers de l’apocalypse ? C’est peut-être excessif mais pas inutile d’un point de vue prospectif. Nous préférons attirer l’attention des lecteurs sur notre rapport à la nature.

 

La nature ! Voilà une belle saloperie qui en fait baver homo sapiens depuis 200 000 ans. Ça fait même pas un siècle qu’on aurait le pouvoir de détruire la planète. Pas beaucoup plus qu’on commence, sinon à la maitriser un minimum, du moins à vivre un peu comme on l’entend. Et qu’est-ce qu’on fait aujourd’hui en aménagement ? On baisse notre froc devant maman planète ! Avec ce genre de mentalité on n’est pas prêt de sauver l’humanité. Et c’est à se demander si le complot écolo auto-génocidaire n’est pas en marche. Alors la prochaine fois que vous voulez faire quelque chose parce que c’est « bon pour la planète », demandez-vous ce que cette conasse a vraiment fait pour vous et si elle ne mérite pas une erreur de tri sélectif de temps en temps ! Juste pour lui montrer que nous, les êtres humains, on n’est pas les premiers dinosaures venus !

 

 

Epilogue pour la promotion du sexe « interracial »

Histoire de quand même terminer cette chronique pessimiste sur une note positive, d’amour et d’amitié entre les peuples, ajoutons que notre réflexion sur la survie de l’humanité dans un monde post-apocalyptique nous a également amené à considérer l’importance primordiale d’un patrimoine commun mésestimé : le génome. Si nous voulons sauver l’humanité, commençons par baiser ! C’est une évidence qu’il est important de rappeler, car plus il y aura d’humains fin 2012, plus l’espèce aura de chance de traverser le cataclysme et ses conséquences. Mais essayons de baiser intelligemment : baisons interracial, dans l’intérêt du métissage, des échanges de matériel génétique et de l’hétérozygotie !

 

La diversité génétique des populations africaines étant bien plus importante que celle du reste de la population mondiale (90 % du génome humain étant représenté sur ce seul continent et même 80 % chez certains groupes d’Afrique australe), les politiques d’immigration européennes devraient être complétement révisées. Lorsque Eric Zemmour suggère d’urbaniser toute la France pour accueillir toute l’Afrique, c’est probablement, en visionnaire, la survie de la nation dans une ère post-apocalyptique qu’il a à l’esprit (voir). Sauf qu’il se montre un peu excessif en ne pensant pas aux autres pays et parce qu’on ne peut être sûr que la France sera plus épargnée par la future catastrophe que le reste du monde. L’idée la plus intelligente serait de répartir les Africains partout dans le monde.

 

À partir de là, y’a plus qu’à espérer que les problèmes de racisme ne se poseront plus et que les survivants brasseront leurs gènes allègrement, comme nous le suggèrent d’autres visionnaires, Pitbull et Chris Brown. Vous constaterez qu’en plus, ils délivrent leur message d’amour depuis le sommet d’une tour… située à Los Angeles (donc dans une ville bien étalée). Bref, ils ont tout compris. De grands humanistes ces  rappeurs !

Les lecteurs réguliers le savent, un certain nombre de nos fonds de commerce consistent à vous alerter sur les risques de l’idéalisme et des bons sentiments en urbanisme. Sur les excès et les contradictions qu’ils supposent, surtout lorsqu’ils se font normatifs. Sur la platitude d’écriture de ceux qui les portent. Des fois que vous n’ayez pas compris, nouvelle démonstration.

Dans le numéro de Techni.Cité du 8 mai dernier (n°209), autrement dit dans une presse un minimum professionnelle, nous sommes tombés sur un article intitulé « Les surfaces vitrées : un piège pour oiseaux » et donc destiné à alerter le monde de l’urbanisme sur le gigantesque ornicide commis chaque année. Inutile de préciser que nous nous sommes immédiatement sentis très concernés par un problème « qui n’est pas suffisamment pris au sérieux par les professionnels de la construction ». Les petits oiseaux et leurs élégants gazouillis sont pour nous l’un des piliers de la ville verte que nous appelons de nos vœux. Et puis qui oserait être contre les petits oiseaux ?

Il faut donc en tirer des enseignements et, vous nous connaissez, nous ne sommes pas du genre à faire les choses à moitié lorsque nous avons une belle idée urbaine à concrétiser ! D’autant que la conclusion de l’article est sans appel : « Il serait intéressant que les mesures de prévention des collisions d’oiseaux soient inscrites dans les directives des normes pour la construction ». Des directives, des normes… voilà un discours qui nous plait ! Alors OK, allons-y, créons une ville verte qui soit enfin oiseau-responsable. Et quitte à faire les choses bien, partons d’un écoquartier déjà bien sous tous les autres rapports afin de l’améliorer encore, en y ajoutant le respect de nos petits compagnons à plumes.

Source : La documentation française. Problèmes politiques et sociaux. « Écoquartiers et urbanisme durable. » N° 981 février 2011. Taoufik Souami.

 

L’article le dit lui-même (en sous-titres s’il vous plait) avec une rare virulence et non sans une certaine originalité : « les dégâts sont irréversibles alors que des solutions existent » et « mieux vaut prévenir que guérir ». Inspirons-nous donc de ses constats et recommandations.

Premier ennemis des oiseaux : les arbres.
« Le reflet de la végétation fait croire aux oiseaux se trouvant dans les arbres qu’ils ont en face d’eux un habitat propice. »
Habituellement on nous explique que les grands arbres proches des habitations sont nos éco-amis car ils apportent de l’ombre l’été et laissent passer la lumière en hiver. Mais si c’est pour tuer les petits oiseaux, mieux vaut se passer de ces meurtriers : on vire les arbres à proximité des immeubles.

Deuxième ennemi : la transparence.
« Pour éviter les collisions de manière efficace, il faut rendre visible les surfaces transparentes aux oiseaux. De nombreux marquages testés faits de verre serigraphié ou de films plastiques ont donné de bons résultats. »
Halte à cette architecture prétendument bioclimatique, qui cherche à capter au mieux l’énergie solaire pour la restituer dans les maisons ! Arrêtons la course au photon dans le but de nous chauffer à moindre coût ! La vie des petits oiseaux ne mérite-t-elle pas un peu d’opacité ?

Et puis allons plus loin, dernier ennemis : le verre en général.
« Passerelles, garages à vélos, abribus, vérandas, murs antibruit, façades réfléchissantes d’immeubles… Le verre tient aujourd’hui une place considérable dans l’architecture moderne. Considéré comme esthétique, cet élément ne cesse de se développer (…). Il y a d’innombrables situations dans lesquelles les vitres, permettant la vue sur l’environnement situé derrière, deviennent un problème pour les oiseaux. »
Aller, on dégage les passerelles, les arrêts de bus… et de tramways, parce que c’est même combat, les murs antibruit, les vitrines des magasins et immeubles de bureau toujours trop vitrés (mixité fonctionnelle, mon cul !), on oublie les façades double peau soit disant bonnes pour l’environnement… Bref, on vire toutes ces surfaces vitrées qui qui permettent de voir au-delà des murs et qui ne sont pas bien pour nos amis les oiseaux.

Voilà, on le tient notre oiseau-label. Et par rapport à ce qu’était l’écoquartier au départ, y’avait du boulot. Petit supplément d’âme, on peut ajouter à notre oiseau-quartier une touche vintage années 40 ou bas Moyen-âge pour les amoureux du patrimoine… mais que tout cela ne vous empêche pas de penser aux mangeoires !

Parce que le chant d’un oiseau, ça n’a pas de prix et que ceux qui sont contre les oiseaux et leur protection ne sont que d’immondes personnages (et Alfred Hitchcock avec eux) ! Courage, encore une ou deux idées comme ça, et on va réussir à remettre en cause la pertinence des êtres humains.

NB : si, comme la Roche sur Yon, vous êtes en lutte contre les inondations de guano et plus particulièrement contre les étourneaux (ou les pigeons), vous pouvez aussi reprendre les grandes idées de cet article et en tirer des leçons contraires, afin de mieux massacrer ces saletés de piafs !

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Si on considère que la mixité sociale dépasse largement la simple question des revenus (20% de logements abordables par ville / quartier) et que cette mixité se joue en premier lieu au niveau des espaces publics, il convient d’établir de nouvelles règles du jeu pour assurer un bon brassage dans les rues et sur les places.

 

La mixité se déplacera sur des questions d’affinités culturelles et idéologiques (tolérance aux « autres », partage du savoir, etc) et il ne sera pas acceptable par exemple qu’une place soit appropriée uniquement par des danseurs de salsa, au détriment du jeune amateur de rock’n roll qui s’y sentira mal à l’aise, mis à l’écart. Cependant, il est tout à fait discriminatoire d’empêcher quelqu’un d’accéder à un espace public parce qu’il est « danseur de salsa ».

Nous préférons proposer un critère de mixité indirecte, plus neutre, qui ne concerne pas les gens mais leurs « attributs ».

Ainsi, afin qu’une place ne soit pas monopolisée par des « cools », on pourra introduire un critère de densité maximale de barbus ou de moustachus à lunettes. Ce critère vestimentaire apporte un intérêt supplémentaire, sa mise à jour régulière afin d’anticiper les effets de mode. Un groupement de couturiers pourra définir chaque année les éléments sur lesquels il faudra porter attention : la moustache telle année, le bandana l’année suivante (les membres de deuxdegres.net misent beaucoup sur le retour du bandana).

Attention à la monopolisation d’un espace public par un seul groupe social :

Autre critère par exemple, les animaux de compagnie. La mairie de Bordeaux l’a bien compris avec un arrêté « interdisant le regroupement de chiens au comportement bruyant ou agressif, propre à troubler l’ordre public ». Voici une mesure bienvenue qui préservera l’espace public de nombreux désagréments et qui veillera à maintenir une mixité adéquate. Nous ne mettons pas dehors directement les punks ou les vieux emmerdeurs mais indirectement via leurs chiens. Attention à la mixité en yorkshire dans certaines villes huppées.

Personnes visées par la mixité indirecte :

Attention, cette mixité indirecte n’est pas parfaite et il existe des marges d’interprétation importantes.

A l’évidence, cet individu, bien que seul et n’ayant pas un impact important dans la composition sociale du quartier, tombe sous le coup de la loi contre le regroupement de chiens bruyants :

Par contre, pour l’exemple suivant, la dangerosité de ces chiens est moins avérée et il semble que le contrôle de la mixité sociale des espaces publics exige des fois une certaine souplesse et ouverture d’esprit :

Voici la restitution de notre présentation lors de la pecha kucha de Toulouse sur le thème de la ville numérique :

Le thème de cette soirée est la « ville numérique ». Mais autant vous l’annoncer tout de suite, nous, la ville numérique, on y connait rien. Notre truc, c’est la prospective urbaine : on prend un concept ou une théorie et on voit ce que ça peut donner… surtout si ça peut être un peu con. Et justement, pour la ville numérique, on craint quelques bugs.

Tout d’abord, application la plus évidente, en ce qui concerne le smartphone et son usage sur l’espace public.

Là, nous envisageons deux hypothèses :

Soit vous allez vous prendre du spam plein la gueule, ça va être dégueulasse et l’horizon numérique sera bouché.


Soit, autre possibilité, les villes qui veulent toujours « requalifier » leur espace public, mais ne peuvent pas aller jusqu’à se débarrasser physiquement des crottes de chiens et des clodos… ben ils vont les faire dégager virtuellement, en les remplaçant par des choses mignonnes comme des chatons ou des petites fleurs.

Aujourd’hui, on vous parle déjà de perspectives de « réalité augmentée », demain, ils sont capables d’appeler ça la « réalité améliorée ». Entre les spams et ça, à vous de voir ce que vous préférez !

Autre apport d’Internet, c’est la capacité des gens à se mettre en avant a travers des photos, des vidéos qui sont vues par des millions de personnes, surtout celles où les gens sont ridicules. Vous connaissez probablement une de ces vidéos et donc potentiellement un de ces protagonistes, ces grands losers publics dont tout le monde s’est moqué.

Aujourd’hui, on les oublie très rapidement mais demain, si on les reconnait sur Internet en liant leur compte facebook à leur vidéo ridicule,on pourra identifier ces losers en ville via la réalité augmentée.

On croise quelqu’un dans la rue, on regarde son téléphone, et hop on découvre tout son pedigree minable. On peut se foutre de sa gueule en direct.


Et lorsque tout le monde se fout de votre gueule dans la rue, toute la journée, on imagine que ces losers vont hésiter à sortir régulièrement. Peut-être bien qu’ils n’en veulent pas de cette ville numérique. Pourtant, difficile d’y échapper, elle est potentiellement partout mais certains essaieront de se tenir éloigner des réseaux wifi ce qui aura quelques conséquences sur l’espace urbain. Nous on imagine une sorte de tunnel à loser, qui protège des ondes et des téléphones. Mauvais point pour la mixité sociale.


Autre évolution à venir sur internet, où les profils de réseaux sociaux sont toujours plus complexes, ce sera la nécessité de les simplifier pour les exploiter. Les banques le font déjà pour les finances des pays, donc dans le futur on notera les gens. Il y aura une agence de notation des gens qui classera les profils de réseaux sociaux, entre les gens AAA et les personnes seulement B+.

Et c’est cette notation qui rend viable la ville  numérique. Par exemple, un homme veut repérer sur son téléphone toutes les filles célibataires de Meetic qui se promènent dans la rue, ce qui lui donne beaucoup trop de données, donc inexploitable alors que, si les gens sont notés, son téléphone pourra ne faire apparaitre que les bonasses niveau 4. Merveilleux.

Autre aspect de ce monde merveilleux : l’apparition des bonus.

Ils vous permettront :

– d’effacer vos sex-tapes (ou autre document numérique compromettant) du net ;

– ou, dans un contexte où les gouvernements cherchent à faire toujours plus d’économies, ils remplaceront les aides et allocations.

C’est numérique, donc ça doit être l’avenir, et puis quitte à être injuste, soyons au moins ludiques !

Jusqu’ici, nous avons surtout envisagé la question sous l’angle de l’espace public. Mais la ville numérique va aussi influencer votre lieu de résidence, parce que vous saurez qui sont vos voisins potentiels grâce à la profusion de réseaux sociaux sur internet. Du coup, on ne se regroupera plus forcément en fonction du niveau de revenu, mais selon de nouvelles affinités, comme le fait de danser la salsa ou d’aimer Michel Sardou.

La mixité sociale, à l’avenir, ce ne sera peut-être plus 20 % de logements sociaux, mais 6 % de danseurs de salsa.

Cependant, ne nous voilons pas la face, avec ces regroupement, il y aura une nouvelle forme de relégation : celle des losers (on y revient).


C’est sûr, sur le papier, ça fait plus rêver qu’un quartier de danseurs de salsa, mais il faut tout de même bien se demander si, dans l’intérêt de l’humanité et par égard pour la condition humaine… vous tenez vraiment à regrouper ces gens au même endroit.

Pour ce qui est de la ville numérique… on vous aura prévenu. 

 

 

 

 

Lors de la journée organisée pour les 30 ans de l’institut d’aménagement, de tourisme et d’urbanisme de Bordeaux, nous avons été invités pour faire une animation, pour faire sourire des urbanistes.

Malheureusement, nous n’avions pas beaucoup envie de sourire ce 6 Octobre. D’ailleurs personne n’avait envie de sourire après un colloque de 8 heures d’urbanisme.

Et oui, en tant que jeunes urbanistes, nous voulons sauver la planète et rendre les gens heureux. Pour cela, nous réalisons des projets urbains et à travers ces projets, nous racontons des histoires sur comment nous allons petit à petit sauver la planète, comment nous allons arriver tous ensemble à être plus heureux, et là nous sentons que la profession a un gros problème de narration et de capacité à raconter de belles histoires.

Premier problème : le lexique. Entre notre vocabulaire professionnel, nos expressions techniques et surtout nos raccourcis, nous en venons à ne même plus être intelligibles du sens commun. En particulier dans le domaine du développement durable, qui se prête beaucoup trop aux abus de langage.

Prenons un exemple : nous voyons ici, dans un article de la presse professionnelle, une région qui se vente de bâtir des lycées « à énergie zéro », chose que nous pouvons trouver parfaitement louable, mais parce que nous sommes des professionnels (ou futurs professionnels) et que nous savons qu’il est question du bâtiment.


Mais pour le commun des mortels, un lycée « à énergie zéro » doit plutôt évoquer ceci…

leurs gamins au milieu d’une gigantesque épidémie de mononucléose. On voit tout de suite mieux à quel point certaines associations de termes peuvent se révéler malhabiles.

Pour les mêmes raisons, nous ne croyons pas au commissariat « passif » et, encore moins, au bistrot « basse consommation ».

 

L’autre danger est d’employer les mêmes termes utilisés partout et pour tout.

Par exemple, lorsqu’on que la Communauté Urbaine de Bordeaux réfléchit à son projet métropolitain basé sur les 5 S : sensible, sobre, stimulant, singulier et solidaire :

Nous nous disons, mais nous avons un esprit un peu tordu, que ces mots pourraient très bien servir à vendre du muesli bio pour personnes âgées qui ont un transit délicat…

Autre exemple, lorsque nous parlons de tramway et de vélos, de site propre, de transport doux, de liberté de mouvement, de sécurité et de confort :

…il faut bien se rendre compte que ces mots appartiennent au champ lexical de la couche culotte.

Second problème, le déroulement de l’intrigue, un peu faiblarde.

On s’obstine à mettre en avant des sujets peu populaires, qui ne stimulent pas l’imaginaire du public, dont personne ne ferait des films. Prenez la marche à pied en ville qui devient un nouveau moyen de transport idéal. Et bien, allez sur Youtube comparez le nombre de vidéos sur la marche à pied et leur audience par rapport à celles dont les sujet sont « grosses bagnoles », « dérapage », « accident ». Le résultat est flagrant, il y a 150 fois plus d’audience pour les grosses bagnoles.

Donc, l’autre problème après le choix des mots, nous l’entrevoyons dans le dernier exemple, c’est l’histoire que l’on cherche à raconter.

Aujourd’hui, les urbanistes n’ont plus que le mot « écoquartier » à la bouche. Alors soit, nous allons vous raconter une histoire d’écoquartier. Une histoire qui est tirée d’un palmarès du ministère de l’environnement, labellisé en 2009, qui a donc l’air très sérieuse et qui se déroule à Charleville-Mézières.

On nous dit que :

« Il s’agit de redessiner un quartier très touché par le chômage, très enclavé dans une boucle de la Meuse, pour en faire un nouveau pôle urbain attractif. D’autant qu’il ne manque pas d’atouts puisqu’on y trouve aujourd’hui l’hôpital et le pôle de gérontologie de la ville. »

La gérontologie « atout d’attractivité » ! Et pourquoi pas de dynamisme ! Non, l’intrigue à l’air douteuse. Mais après tout, peut-être est-ce vraiment l’histoire que vous voulez raconter. Le pôle de gérontologie est même un projet dans l’air du temps. Après tout, lorsque nous parlons de mobilité douce, de développement durable et de concertation, nous nous adressons à des gens qui font des promenades, qui ont le temps de s’occuper d’un potager et qui viennent aux réunions publics pour râler et manger le buffet, bref, lorsque nous faisons l’urbanisme contemporain, nous nous adressons principalement à la personne âgée. Sage anticipation démographique.

Donc ok, racontons une histoire sur une ville pour séniors.

Commençons par poser le cadre, c’est-à-dire que les séniors marchent beaucoup, certes, mais ils marchent à 3 km/h et n’aiment pas être bousculés par des vélos. Il y aura donc des voies à 3 km/h, avec des sols mous pour ne pas se blesser lors des chutes, des potelets-tabouret partout pour s’asseoir et des contrastes de couleur très forts pour ceux qui ont de la cataracte. Au final, l’espace public pour sénior ressemblera à une immense aire de jeux.

Excellent point pour la mixité intergénérationnelle, des enfants pourront en profiter jour et nuit. Enfin la nuit les enfants dorment mais cet espace pourra être approprié par ce qui ressemble le plus à des enfants après minuit. Après minuit, les gens qui tombent par terre, qui attrapent des objets, qui grimpent à des trucs, qui se salissent… ce sont probablement de jeunes adultes qui ont trop bu. La ville pour sénior deviendra alors une sorte de parc à jeux pour jeunes gens ivres qui sortent de bar, qui y trouveront un espace adéquat pour évoluer sans dégrader l’espace public, un espace de convivialité et…

… pardon, fausse piste, ce qui compte, c’est que la mixité intergénérationnelle se déroule au même moment de la journée, mélanger les séniors et les plus jeunes au même endroit au même moment. Malheureusement, nous nous rendons compte que cette présence simultanée de personnes âgées et de jeunes adultes dans un même espace privé peut avoir des conséquences inapropriées. Les récentes affaires nous prouvent que le bureau, la maison, l’hôtel, se prêtent mal à ce genre de contacts.

Nous pouvons imaginer que de jeunes femmes,  aide soignantes, personnels de ménage, ne voudront plus être enfermées seules avec des séniors dans une pièce exiguë. Par conséquent plusieurs activités se retrouveront repoussées dans des espaces collectifs où existe une surveillance sociale. C’est ce qu’on appelle le « conjoint » ou le « voisin ». Bon, des kinés, des massages dans la rue, c’est peut-être la ville de demain? La ville des séniors. Ce que certains appellent la ville sensuelle ? Enfin sensuelle, encore un mot qui ne reflète pas tout à fait toute la portée du concept.

Si on résume : nous cherchons à raconter une histoire pas forcément bien captivante et nous la racontons avec les mauvais mots… ça commence à ressembler à une impasse. C’est pourquoi nous pensons qu’il est peut-être temps de reconsidérer le problème à la source, en l’envisageant sous l’angle littéraire.

Pour commencer, en urbanistes rigoureux, nous avons effectué un travail de diagnostic, en nous demandant : qu’est-ce que serait l’équivalent littéraire de l’urbanisme tel qu’on le pratique aujourd’hui ? Et bien il semblerait que ce soit ça…

… la collection Harlequin. Les mêmes thèmes, les mêmes termes et un public de vieux.

Nous ne vous cachons pas qu’il s’agit d’une référence assez peu prestigieuse. Et nous trouvons cela dommage car il existe des livres qui ont bien meilleure réputation, dont les thèmes de prédilection ne semblent pas si éloignés des nôtres.

Sur l’échantillon qui vous est ici proposé, en l’occurrence, les liaisons ne sont pas douces mais « dangereuses ». C’est sans doute pour cela que l’histoire est beaucoup plus intéressante mais, nous sommes d’accord, ce n’est pas tout à fait l’histoire que vous cherchez à raconter.

Heureusement, dans le tas, il y a des livres dont les titres semblent coller parfaitement à nos préoccupations, dont on pourrait s’inspirer et dont peut-être, soyons utopistes, on s’inspire déjà.

Ceci étant, nous vous avouons que ces livres, nous ne les avons pas lus et nous n’en connaissons donc pas tout à fait le contenu. Nous nous sommes dit que ce doit être comme pour les projets d’urbanisme : si le titre sonne bien, le contenu est forcément bon.

Mais soyons tout de même réalistes. La grande littérature, les génies du style, ce n’est probablement pas encore pour nous. En particulier tout ce qui relève de la poésie et des envolées lyriques (de toute façon, quand on voit comment ont fini les poètes maudits, on se dit que les urbanistes-poètes ne seront pas des références de développement durable).


Il faut mieux aborder cette question plus modestement, en partant de l’existant et en se demandent : qu’est-ce que la forme évoluée, même très légèrement, de la collection Harlequin ? À notre humble avis, il s’agit de ceci…

… le roman de gare et, en particulier, le SAS. L’écriture y est toujours aussi mécanique et formatée, mais le style est moins ampoulé, on y trouve un peu d’action et un vocabulaire compréhensible. On y trouve même des diagnostics urbains et sociologiques sans concession, non dénués d’une certaine pertinence.

Certes, cette perspective n’est pas incroyablement prestigieuse. Mais au point où en est le drame aujourd’hui, c’est le mieux que nous ayons à vous proposer et ce serait déjà aller vers une amélioration.

Pour conclure, nous souhaitons essayer d’arrêter avec cet urbanisme harlequin et un peu béat en s’ouvrant un peu plus au sens commun, à l’ensemble des usages, voir ce que peuvent générer ces « mauvais usages » et aspirer donc à un peu plus de sagesse de comptoir.


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La chasse, voilà une noble activité difficilement accessible aux urbains.

Heureusement, les plus grands ingénieurs ont inventé les éco-autoroutes ou autoroutes écologiques avec notamment les passages à faune, qui ressemblent globalement à des ponts qui laissent passer les animaux d’une part et d’autre de l’autoroute.

Et effectivement, ces passages à faune contribuent à préserver l’environnement et permettent même de rendre accessible la pratique de la chasse aux habitants des grandes métropoles dans une version plus péri-urbaine :

Voilà, une logique de supermarché pour l’accessibilité automobile (on se gare en bordure d’un échangeur d’autoroute) et un gain environnemental conséquent. Fini les heures de trajets à pied et en camionnette pour poursuivre le gibier, ce qui représentent tant de calories et d’essence économisés.

Un bel exemple d’écologie intelligente et qui fera réfléchir les urbanistes sur leurs manies obsessionnelles de vouloir faire disparaître les « ruptures » (autoroutes, voies ferrées) en ville car lorsqu’il y a des ruptures, il y a ponctuellement des ponts et des portes avec un beau chevreuil qui y passe sereinement, espérant naïvement se rendre de l’autre côté…Oui, l’urbaniste chasseur sait se faire poète à ses heures perdues.

Notons tout de même l’esprit citoyen de ces chasseurs qui font tout, au service de la biodiversité, pour ne pas permettre la prolifération de sangliers, de chevreuils, et bien entendu de galinettes cendrées.

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Dans ce contexte de crise de la dette, il faut trouver des moyens pour faire dépenser davantage les gens qui ont de l’argent et donner moins aux « parasites » de notre société. Lorsque cette logique participe aussi à une ambition humaniste, c’est à coup sûr une bonne idée.

 

Prenez les vieux en résidence sénior, 90 retraités qui se font chier entre eux à attendre la mort et qui sont prêts à donner un peu d’argent pour s’occuper via des cours de salsa ou du karaoké…tututut, le dernier plaisir plaisir du vieux réside dans la nourriture et malheureusement, le temps entre deux repas est extrêmement long à occuper. C’est pourquoi nous avons eu l’idée de diviser la journée d’un vieux en deux journées, deux fois 24 heures dans une journée, avec une heure de vieux équivalant à 30 minutes d’un humain standard.

 

L’intégration d’une deuxième journée dans la journée d’un vieux est d’une part rendue possible par la sieste qui deviendra alors une nuit et d’autre part grâce à leur isolement entre vieux qui permet une telle supercherie.

Imaginez la joie du sénior, une journée qui passe  à toute vitesse, pas le temps de s’ennuyer, et tous ces repas dans une seule journée. Il se lève à 7h, déjeune à 10h, fait sa première nuit à 13h, se lève le lendemain à 15h, déjeune à 18h, peut regarder les films de deuxième partie de soirée avant de faire sa deuxième nuit.  Au delà de l’espoir financier d’user la personne âgée plus rapidement tout en lui assurant une retraite stimulante, ce nouveau rythme de vie rend accessible aux plus moyennes villes de France l’ouverture des restaurants toute la journée. Vous pourrez prendre une entrecôte au restaurant à 10h du matin, qui correspondra alors à 12h (de la première journée) dans le nouveau calendrier sénior.

Fini l’ennui. Le vieux, accélérateur d’urbanité.

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Essayant de faire preuve  de toujours plus de tolérance, nous nous sommes mis dans la peau d’un vieux et il faut bien le reconnaître, être vieux en ville, ce n’est pas rigolo. On comprend mieux pourquoi ils passent leur temps à se plaindre.

 

Voici la Place des Vosges, à Paris, vue par un jeune homme de 30 ans :

 

Voici la même place vue par un vieux (en tout cas, c’est notre hypothèse) :

 

 

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On ne comprend pas tout à l’architecture mais on comprend bien les supporters de foot et là, rien à dire, le futur stade de Bordeaux est plutôt bien foutu. Les sources d’inspiration des architectes sont évidentes et pertinentes :

Pour les femmes qui n’ont pas compris l’intérêt de cet article, nous vous rappelons que Yoann Gourcuff aurait pu fouler la pelouse de ce stade.


 

 

 

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La stigmatisation a changé de camp. Par exemple, ça c’est dépassé :

Quand on pense qu’au sein du gouvernement, chaque année, environ 10% des ministres sont virés ou mouillés dans des affaires de pognon ou de conflit d’intérêt, on se dit qu’il y a un problème, les affaires Tron et DSK n’arrangeant pas les choses. Un problème ou une cause ? il n’est pas impossible que ces hommes politiques soient victimes de leur environnement spatial. Vérifions (c’est facile, ils viennent pratiquement tous du même endroit ) :

Chantilly

Le Chesnay

Neuilly sur Seine

Rueil Malmaison

Sarcelles

Vesoul

Effrayant, tout ce calme, toute cette propreté, des parterres de fleurs bien entretenus, de paisibles personnes âgées. Bien loin des mini-motos, des jeunes qui zonent et des tags, ces quartiers abritent pourtant des délinquants en puissance : détournement d’argent, fétichisme du pied dans un cadre professionnel, etc.

Cette délinquance a su si bien se cacher dans ces quartiers proprets qu’il devient facile de les identifier. Dorénavant, si vous entrez dans un quartier calme, où les rues sont fraichement balayées, où les murs des bâtiments sont immaculés, où les jeunes font du vélo en cartable et les vieux traînent en journée, prenez gare à vous! sommeille dans ces lieux une montagne de vices. Certes, vous ne vous ferez pas racketter dans l’instant mais certains de ces habitants vous baiseront la gueule dans les années à venir.

Toutes ces façades bien alignées, ces immeubles de quelques étages, ces alignements d’arbres…à l’évidence une ambiance urbaine aliénante qui pousse les victimes résidentes au pire. On peut y voir les conséquences d’une forme de perte de repères?

Quoiqu’il en soit, ces images sont terribles et on peut s’attendre, dans les années à venir, à voir se développer des programmes de déstigmatisation (tags, arrivée de populations plus modestes, mise en friche volontaire d’espaces publics, création de quelques tours d’habitation) afin  que l’image de ces quartiers s’améliore.

Prudence quand vous vous baladerez cet été.

Il faut bien l’admettre, les roots (voir aussi chevreuils, babos) sont de plus en plus nombreux à peupler nos villes. La présence de boutiques Salsa, de parvis devant les monuments, de festivals médiévaux ou d’art de rue constitue un milieu propice à son épanouissement. Il peut alors librement s’adonner à ses activités préférées sur l’espace public : diabolo, bâton du diable, bolas…

Entre deux concerts de la rue kétanou et après un bon joint d’estragon il se targue de promouvoir un mode de vie socialement responsable et respectueux de l’environnement. Nous avons donc décidé de procéder à l’évaluation environnementale d’un échantillon roots en analysant ses principales activités.

A posteriori l’étude révèle un bilan énergétique plus mitigé, il est notamment plombé par des pollutions annexes (visuelles, olfactives et sonores). Parmi ces points négatifs, la communauté des cracheurs de feu contribue à un gaspillage important de la ressource en énergie fossile.

Il semble que cette communauté se soit adaptée à certains milieux urbains a priori hostiles, la ville de Rennes en est l’exemple. Attirés par les nombreux festivals qui ont lieux en Bretagne, certains individus parviennent à se sédentariser et contribuent à créer ce que l’on pourrait définir comme des micros-polarités roots aux abords des boutiques d’encens, de masque africains et de tatouages au henné. Ce phénomène est complémentaire des « hubs roots » qui se forment à proximité des gares et vivent d’une économie de subsistance liée à l’industrie du tabac et des pharmacies de garde.

Il y a fort à parier que cette population transforme profondément la physionomie de la ville de Rennes et il s’agit de proposer des modes d’habiter plus proches des préoccupations et des aspirations de cette communauté.

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Merde, l’urbaniste poète revient nous embêter avec son journal intime :

 

« Cher journal,

Encore aujourd’hui, en marchant dans la rue, un clochard m’a ému. Les clochards sont si touchants et je suis si sensible. Aujourd’hui, ce n’était pas exactement un clochard, c’était ce qu’on appelle un punk à chien, et après avoir fait quelques recherches, j’ai découvert qu’ils ne sont guère appréciés. Mais pourquoi? pourquoi cher journal? Et bien moi je crois que c’est parce qu’ils n’ont que des chiens pourris, des bâtards plutôt vilains, sales, repoussants et je me prends alors à rêver de punk à chien mignon, de punk à chaton, qui égaieraient nos rues, émerveilleraient nos enfants, attendriraient nos aînés. Les punks n’ont-ils rien appris avec youtube?

Et quitte à avoir un animal, pourquoi ne pas se déplacer avec? je pense bien évidemment à la plus noble des montures, le cheval. Un punk à cheval, quel magnifique spectacle urbain qui questionne la place des animaux en ville. Animation urbaine? source de revenus? faut-il des abreuvoirs en ville?  »

 

le punk à chien des années 2000:

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le punk à chien des années 2010 (post-youtube) :

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le punk à cheval (s’il est poli, il deviendra éco-taxi)

 

 

Le petit monde de l’urbanisme a vu fleurir ces dernières années les exercices sur le thème de la densité. Le but étant de montrer aux gens (ou au moins à leurs élus), qu’on peut mettre un paquet de monde dans une ville.

Ce genre d’exercice fonctionne toujours assez bien, mais il peine à atteindre le citoyen lambda. Le thème des densités mériterait d’être traité à partir d’une question qui touche vraiment le grand public et l’actualité. Heureusement, ce merveilleux agitateur d’idées qu’est Eric Zemmour (un homme qui comprend le citoyen lambda) nous a montré le chemin. En 2008 il aurait déclaré « vous aurez beau urbaniser toute la France, vous ne logerez pas toute l’Afrique » (on a malheureusement pas retrouvé le contexte de la citation, mais Marine Le Pen l’a reprise, c’est une source fiable).

Urbaniser toute la France pour loger toute l’Afrique. Nous, en bons urbanistes premier degré, on a compris ça comme un défi… alors défi relevé :

 

Il y a, actuellement, environ 1 milliards d’africains. Donc, si on urbanise toute la France, ça rentre ! On a essayé avec les densités de Montpellier, Nantes, Caen, Pau, Périgueux, Neuilly, Arras, Annecy, Cannes, Mulhouse, Saint Brieuc, Bastia, Vichy et Châteauroux, ça marche toujours (on s’est arrêté là parce que ça devenait chiant).

Alors évidemment, urbaniser toute la France ce serait débile. Et puis ce serait pas facile à justifier dans les zones Natura 2000 ou les périmètres monuments historiques. De la même manière, on n’est pas convaincus de l’intérêt de vider tout un continent. On est bien d’accord, c’est une vue de l’esprit, un truc qu’il faut être un peu con pour prendre au pied de la lettre… sauf que nous, on est tellement cons qu’on l’a vérifié.

Les urbanistes se prennent beaucoup la tête pour mettre en œuvre leur idéal de villes charmantes,avec des centres-villes peuplés, des espaces publics attractifs, des transports en commun empruntés, de la vie, des familles, des enfants…

Mais on peut se demander si tout cela n’est pas un peu une vue de l’esprit. Parce que ça revient à faire des villes pour des citoyens « modèles », qui habitent en ville, passent leur vie sur l’espace public, font marcher les commerce de proximité, préfèrent prendre le bus plutôt qu’avoir une voiture, ont une consommation réfléchie et recyclent tout ce qu’ils peuvent.

Du citoyen modèle, on est peut être passé à un modèle de citoyen, totalement fantasmé, surtout en ville. Il faut bien le reconnaître, la plupart des citadins sont des connards qui passent leur vie chez-eux, sur leur ordi, à streamer des séries américaine plutôt que de se balader, en mangeant du KFC au lieu de faire vivre le maraîcher ou le primeur du coin. L’idéal de ces « gens », dont nous nous escrimons à leur expliquer qu’ils vivent dans l’erreur, consiste malheureusement à s’acheter une grosse berline qu’ils pourront garer dans un coin de parcelle de leur pavillon périurbain. « Faire bouger les mentalités », ce n’est décidément pas facile quand on est aussi en avance que nous.

Bref, beaucoup de boulot pour rien et il est temps de trouver une solution :
– soit on concède que l’on s’est gouré, on change un peu notre façon de penser la ville, pour davantage se conformer au mode de vie de ceux qui y habitent et la pratiquent, et on renonce à faire leur bonheur malgré eux ;
– soit on reste attaché à notre idéal et on trouve des citadins modèles à mettre dans nos villes (tant pis pour les autres, qu’ils aillent se faire foutre).

Et bien la rédaction de Deux degrés est fière de vous annoncer qu’après réflexion, nous avons trouvé le moyen de prouver, qu’une fois de plus, les urbanistes sont plus malins que tout le monde. Nous avons trouvé le citadin modèle : le Rom.

– Le Rom vit en famille dans de petits logements, si possible en centre-ville : il est gage de densité.
– Comme son logement est petit, ses enfants passent leur vie à jouer dans la rue et sur l’espace public : il est gage d’animation du cadre de vie.
– Il n’a pas toujours de voiture, en tous cas pas pour tous les membres de la famille : il est gage de fréquentation des transports en commun.
– Il récupère et recycle à fond ses déchets et même ceux de ses voisins : il est gage de développement durable.
– Pauvre et étranger (en tous cas, souvent considéré comme tel) on peut lui coller sur le dos toutes nos obligations de mixité.
Petit supplément d’âme, les mamies qui promènent leur caniche pour lui faire faire sa crotte ont peur du Rom et évitent donc de répandre du caca dans les rues où il se trouve : il est gage de propreté de l’espace public (deuxdegres.net est conscient qu’en affirmant que le Roms valent mieux que les caniches, nous nous exposons à de vives critiques de la part de la fondation Brigitte Bardot).

Alors nous, les urbanistes, nous en appelons à tous les Maires soucieux de la qualité de leur environnement urbains. Plutôt que de virer les Roms, faites-en venir en venir un maximum dans votre ville. Ils ont la réputation d’être mobiles alors attirez-les, car ce sont les personnes les plus dignes de vivre dans les villes que l’on vous fabrique (et que l’on a forcément raison de faire puisque nous voulons le bonheur de l’humanité).

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Voici notre prestation lors de la Pecha Kucha Night à Bordeaux le 7 Avril 2011. On vous rappelle l’exercice : 20 diapos, 20 secondes par diapo, soit 6’40 d’urbanisme devant une salle remplie d’architectes très bien habillés.

L’un des dogmes de l’urbanisme actuel, hérité de la loi SRU, réside dans la promotion de la mixité sociale. Cela consiste à construire une ville dans laquelle les différentes catégories sociales  seraient mêlées et se côtoieraient au quotidien, favorisant l’idée que la ville est un bien commun, un espace de partage et de projet collectif.

On demande alors aux gentils urbanistes de concevoir des villes où cette mixité s’exerce à l’échelle du quartier, de l’îlot, du bâtiment. Comme ça les riches et les pauvres sont hyper contents de vivre ensemble et ils organisent des barbecues pour les repas de quartier.

Passez-moi l’expression mais cette politique semble tout à fait petit bras, Il est aujourd’hui évident qu’il faut réhabiliter le mariage forcé ! (Oui, seulement le mariage forcé car l’excision n’a pas encore démontrée de vertu particulière dans ce domaine)

Afin de lutter contre l’endogamie sociale il faudrait favoriser la mixité à l’intérieur même du couple. Cette politique d’altruisme au sein même de la cellule familiale permettrait de résoudre nombre de problèmes comme par exemple notre politique fiscale. En effet les plus fortunés ne seront plus assujettis à l’ISF servant à payer le RMI du galérien lambda. Non, non, ils l’auront dans leur lit !

Cela semble tout à fait possible, il suffit de prendre exemple sur les médecins. Eux, cela fait bien longtemps qu’ils se tapent des infirmières et des aides soignantes et ça n’a jamais dérangé personne. Et puis ça serait vraiment marrant de caser Liliane B. avec le dernier des clochards héroïnomanes !

Bien entendu cette réflexion reste à creuser et il est surement possible de rajouter des critères – autre que la seule feuille d’imposition – pour former des couples à même de promouvoir une mixité sociale réelle. Mais ce retour au mariage forcé n’est-il pas enthousiasmant ?!

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Pour continuer sur la problématique de l’accessibilité, voici une petite interrogation :

Qui ne peut pas se déplacer partout et a besoin d’une place de parking plus large ?

Les nobles possesseurs de voitures tuning bien sûr. Et oui, grâce à l’inspiration bienveillante d’un collègue nordiste, nous avons pris la mesure de leurs terribles conditions de vie.

Avec des voitures surbaissées et leurs bas de caisse, c’est extrêmement compliqué de circuler dans de bonnes conditions avec la multiplication des ralentisseurs en ville (dos d’âne, plateau, coussin berlinois). Idem pour le stationnement, pas question de se garer sur une place où le risque de prendre un coup de portière est si vite arrivé. Il faut alors privilégier l’usage des places pour handicapés plus spacieuses et si souvent désertes. Tout cela contraint les itinéraires possibles sans pour autant remettre en cause l’intérêt premier du tuning : montrer et faire écouter sa belle voiture au maximum de gens.

Alors oui, prenons en compte l’accessibilité tuning :

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Nous espérons que notre message sera entendu et que les élus arrêterons de polluer nos villes avec tous ces ralentisseurs.

P.S. pour les élus : cela concerne aussi les possesseurs de Ferrari ou Lamborghini et c’est terrible à voir :

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En nous promenant dans la lointaine périphérie, nous avons trouvé LA FEMME CHEVAL, que nous pouvons voir comme l’opposé de LA FEMME COUGAR (voir l’article wikipedia ici), soit deux visions et deux pratiques inverses de la ville. Pour faire simple, la femme cheval (et son compagnon) vit avec son cheval, en périphérie pour avoir un pré,  ne sort plus de chez elle sinon pour rencontrer d’autres femmes cheval :


 

 

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A première vue et contrairement à la femme cougar, ambassadrice d’un mode de vie urbain, symbole de la mixité sociale et intergénérationnelle, on peut penser que la femme cheval est sans intérêt. Humainement oui mais d’un point de vue urbain, la femme cheval ne serait-elle pas un formidable rempart face à l’étalement urbain? Une femme cheval attire d’autres femmes cheval, donc des prés, des hippodromes qui maintiennent une couronne verte autour de l’agglomération. Alors oui à la femme cougar en 1ère couronne périphérique et oui à la femme cheval en seconde couronne. De toute façon, les probabilités pour qu’une femme cheval devienne une femme cougar sont immenses.

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Des femmes cougar pour l'animation urbaine, des femmes cheval pour le maintien du cadre de vie et du paysage ?

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Voilà une vision fort intéressante où chaque être humain dans sa singularité apporte sa petite pierre à ce grand édifice qu’est la ville. Superbe. Et comme nous sommes amoureux des femmes et que malheureusement nous avons oublié de fêter le 8 Mars, nous nous rattrapons en ayant une pensée pour ces 12 femmes qui chaque année en France, sont abandonnées sur un balcon. Courage Joyce (> clip à partir de la 50ème seconde) :


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Alors que nous nous estimons précurseurs dans la connerie urbaine, nous sommes parfois largement devancés par des gens très sérieux.

Par exemple la ville catholique « intégriste » ou « fondamentaliste » existe déjà depuis plusieurs années aux Etats-Unis > Ave Maria

Alors lorsque nous proposons une réflexion sur la ville catholique intégriste,nous nous concentrons sur la problématique du rempart urbain :

 

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Et on retombe sur la ville chiante, le meilleur rempart contre les autres. Donc à priori, pas besoin de rempart pour ces villes .

Bibliographie :

South Park / saison 6 épisode 11

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Les urbanistes s’embêtent à faire de beaux espaces publics et bam! on vient tout bousiller en mettant un tas de mobilier urbain de sécurité : potelets, barrières, bornes…Ce mobilier pénalise les français respectueux des règles, ceux qui ne se garent pas là où il ne faut pas, ceux qui ne volent pas, ceux qui n’écrasent pas des gens.

Si la fonction du mobilier urbain de sécurité – protéger les gentils des méchants – est évidente , sa multiplication et sa répartition spatiale nuisent à son efficacité. Il existe pourtant une solution évidente pour homogénéiser et intégrer potelets et barrières au bon fonctionnement urbain :

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Cela pose un autre problème : comment identifier un gentil d’un méchant ? et qui aura le droit de vivre du bon côté de la barrière ?

Pour repousser encore les limites de la prospective, la réflexion de l’urbaniste se doit parfois de faire une place à l’utopie. Deux degrés revendiquant une expertise pointue et avant-gardiste, nous nous devions d’envisager l’utopie ultime,un monde fait de bonheur, de communion avec la nature et d’élévation des esprits vers la gentillesse la plus totale. Après un bref examen de ce cahier des charges, il ressort que cette utopie avait déjà été imaginée : le monde des Bisounours.

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Les Bisounours habitent le Jardin des bisous, un ensemble de nuages reliés par des arcs-en-ciel. Parfois, ils prennent leurs auto-nuages pour aller pique niquer dans la Forêt Toutamour ou pour aller dans le monde des humains réconforter des enfants tristes. Ils se réunissent régulièrement au Palais des cœurs pour décider quel enfant triste ils doivent secourir et quelle équipe est envoyée en mission. En effet, les Bisounours sont tous pourvus d’un dessin mignon sur leur ventre, qui a un rapport avec leur nom et leur confère une faculté particulière par le biais d’une sorte de rayon ventral. Par exemple, Grosdodo, avec une lune et une étoile sur le ventre, aide les enfants à dormir sans faire de cauchemar (cette faculté étant exclusive, impossible pour Grosgâteau de se passionner pour la cuisine du canard gras, ou pour Grosbisou de se prémunir contre la grippe A en évitant les contacts physiques). Lorsqu’ils balancent leurs rayons simultanément, ils produisent un arc-en-ciel qui rend tout le monde heureux et gentils, même les méchants (l’équipe du Professeur cœur de pierre ou celle du Sorcier sans cœur).

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L’épisode suivant donne une idée des améliorations que les Bisounours peuvent apporter à la ville :

http://www.megavideo.com/?d=AL9WS7N4

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Le monde des Bisounours est une utopie inaccessible. Et pourtant, si l’on s’amuse à remplacer quelques termes, son influence apparaît dans l’urbanisme contemporain :

Jardin des bisous = écoquartier

Arc-en-ciel = cheminement doux

Auto-nuage = véhicule hybride

Réunion du Palais des cœurs = démocratie de proximité

Forêt Toutamour = espace vert urbain

Bisounours = Bobos habitant un éco-quartier

Gentils humains = population extérieure rêvant d’écoquartier

Méchants = individus insensibles au tri sélectif

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Selon cette nouvelle perspective, le Sorcier sans cœur, vivant dans un château gris, entouré de glace et emprisonnant les enfants, apparaît comme un promoteur adepte du béton et boudant les normes HQE jusque dans ses odieuses cimenteries.

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En poussant cette logique, nous pourrions proposer de nouvelles icônes aux écoquartiers, telles que Grospopo, un Bisounours qui facilite le transit des personnes qui mangent des légumes bio et qui traite ensuite leurs eaux usées, ou Grosclodo, spécialiste du tri et du recyclage des déchets.

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Relevons tout de même qu’au quotidien, les Bisounours tuent le temps en se gavant de gâteaux (issus de l’agriculture biologique et du commerce équitable) et en allant emmerder des gamins (de préférence occidentaux et blancs), qui ne leur ont rien demandé, avec la prétention de leur apprendre à vivre. Le monde des Bisounours est une utopie qui anticipe surtout la « ville chiante » et ça, ça donne à réfléchir sur les écoquartiers.

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La couronne périphérique la plus lointaine des agglomérations regroupe, entre autres, des ménages avec des moyens limités.

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Le meilleur moyen de faire des économies d’énergie dans sa maison est de ne pas vivre dedans.

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Il semble alors évident que la densification de ces espaces pavillonnaires périphériques passera par la construction d’un nouveau réseau de locaux collectifs que nous appellerons dans notre démonstration les bars.

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Puit irlandais, taxe houblon…de quoi faire rêver les investisseurs éco-responsables.

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C’est sympa de mettre des cheminements piétons partout, encore faut-il savoir les gérer. Avec de plus en plus de piétons, associé au principe de base que les gens ne supportent plus rien, les trottoirs deviennent des lieux de conflit d’usages. Et quand les vieux s’y mettent, le concept de slow city prend alors tout son sens, mais avec un peu de Jacques Donzelot et des caniches en plus :

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Dans la même logique, on peut aller voir sur transit city.

Dans une société écolo éclairée, les clodos gardent le droit de vivre car ils ont un bon bilan carbone :

 

Par contre, leur présence nous dérange un peu, ça fait tache dans un bel espace urbain. C’est pourquoi nous militons pour l’intégration paysagère des clochards… quelques milliers d’euros de budget par commune pour l’achat de déguisements et hop, tout le monde retrouve le plaisir de marcher paisiblement dans une rue animée :

 

 

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Pour continuer le travail sur le tramway dans le cadre de l’appel d’offre « 50 000 logements » de la Communauté Urbaine de Bordeaux et la programmation le long des axes de transport en commun, nous allons aborder une question assez inexistante chez les urbanistes qui sont des personnes extrêmement sérieuses : la fête.

Pour faire la fête dans une agglomération, encore faut-il pouvoir y aller (les bars sont concentrés dans le centre) et surtout pouvoir y revenir.

De manière générale, soit il faut finir la fête vers 1 heure du matin pour attraper le dernier tramway et faire le trajet avec beaucoup de personnes au sommet de leur alcoolémie, ce qui se traduit par quelques nuisances.

On peut aussi essayer de rentrer par ses propres moyens avec les inconvénients qui vont avec (1 heure de marche, etc).

On peut enfin attendre le premier tramway du matin, ce qui veut souvent dire s’évanouir sur le banc, se geler en attendant et prendre le risque de ne jamais arriver en s’endormant dans le tramway :

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La solution proposée est simple : transformer le tramway en lieu de fête qui circule toute la nuit. Il n’y a plus alors de problème pour rentrer puisque on boit dans le tramway qui fait des allers retours jusqu’au matin. On peut même supposer que les arrêts de tramway se transformeront en arrêt-bar depuis lesquels les fêtards rentreront ou descendront des rames, fumeront, changeront d’ambiance…ce qui veut dire que ces arrêts peuvent déplacer les bars tout le long des axes de transport en commun :

 

On passerait alors d’une concentration des lieux de fête dans le centre ville :

 

…à une diffusion des lieux de fête le long du tramway :

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Cette solution ouvre des voies intéressantes pour l’aménagement d’un tramway : que peut-on faire dans un tramway la nuit?

 

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Le document final si vous voulez le récupérer pour le monter à vos élus préférés :

 

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Quoi de mieux pour illustrer la logique de la décroissance et de la réduction de l’empreinte écologique d’un adulte occidental que l’exemple du nain : moins de nourriture, moins de déchets, une emprise spatiale réduite (logement, voirie) …le nain est l’avenir de l’homme écologique.
Se pose alors la question de l’adaptation du nain dans une ville qui n’est pas conçue pour lui, question à laquelle nous répondons qu’il vaut mieux un espace spatialement réduit mais totalement configuré pour les nains qu’une tentative bâtarde d’adapter l’ensemble de la ville mais partiellement aux nains.
Des urbanistes bien intentionnés me feront remarquer qu’il n’est pas concevable de réserver un lieu en ville pour les nains au nom de la mixité sociale? Pourtant,  le fait est que dans notre société, certes nous aimons bien les nains, mais seulement s’ils ressemblent à des créatures plus ou moins magiques. Virer les pouvoirs et les claquements de doigts de Joséphine Ange Gardien et ça devient juste une personne de petite taille qui vient vous emmerder chez vous pendant un mois…pas sûr alors qu’elle soit toujours la 3e personne préférée des Français.
Et c’est là que le projet de quartier pour nain prend tout son sens lorsqu’il devient un parc d’attraction urbain de proximité en plaçant le nain au centre de l’animation. De l’émerveillement pour petits et grands et qui reflète une tendance urbaine > expo Dreamlands
Enfin, dernier levier essentiel : le logement pour nains génère de très belles rentabilités via une astucieuse optimisation de la SHON et des règles d’urbanisme.
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La tendance écolo est à la miniaturisation pour les voitures urbaines par exemple :
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Pour continuer dans cette logique, il est évident que les hommes doivent rétrécir à leur tour.
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En conclusion et pour donner quelques références d’aménagement lilliputien, il semble que les chinois nous montrent la voie, certains nains venus de tout le pays ayant fondé leur royaume. « Ils vivent dans des maisons en champignons et s’habillent en fée, en lutin, en papillons, en princesse ou en guerrier ».
Le Roi des nains sur son trône
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La parade des fées clochettes
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Ouai, les écolos occidentaux ne s’attendaient pas à prendre une leçon par des chinois habillés en fée…

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Avec le retour de l’attractivité de l’hypercentre des grandes villes et l’arrivée de nouvelles populations, certaines activités comme les bars et les nuisances qui vont avec ont du mal à cohabiter avec les attentes des habitants. Il est de plus en plus difficile de faire la fête en ville, de nouvelles restrictions apparaissent. Par exemple, cette carte représente « les périmètre d’application des Arrêtés préfectoraux interdisant la vente de boissons alcoolisées à emporter (et/ou leur consommation sur voie publique, sauf dans les parties régulièrement occupées par des restaurants et débits de boissons titulaires des autorisations nécessaires) à Paris ».

C’est  possible que cette situation profite aux périphéries qui abriteraient alors les nouveaux lieux pour faire la fête. Les parkings de supermarchés, les zones d’activités offrent de superbes opportunités pour des gens alcoolisés : courses de caddies, etc.

Mais parce que c’est un sentiment merveilleux de pouvoir uriner en liberté en ville (quel urbaniste n’est pas ému lorsqu’il voit une rue de Bayonne se transformer en urinoir géant pendant quelques jours en Août?), on peut aussi inventer un système tordu pour rendre les nuisances nocturnes compatibles avec le repos des habitants :

 

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Moins de cheminements piétons mignons, plus de rue-rinoirs en ville!

Les rappeurs sont-ils des éco-citoyens ?

Ayant à cœur de représenter dignement leur quartier d’origine, les rappeurs US et français sont avant tout des citoyens soucieux des questions urbaines.

A l’instar de Booba qui s’intéresse de près au marché de la construction «  si j’traine en bas de chez toi, j’fais chuter le prix de l’immobilier » (cf. boulbi extrait de l’album ouest side) ou plus largement au thème de la mobilité « au pays de l’argent facile combien sont morts en chemin, fuck les APL et les transports en commun » (cf. salade, tomates, oignons extrait de l’album 0.9).

Afin de combattre la dégradation croissante de certaines zones urbaines et le processus de ghettoïsation engagé, nous avons établi la programmation d’un nouveau quartier mixte à partir des besoins identifiés par les édiles locaux.

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Eléments programmatiques :


Aussi il semble qu’en période de crise leur goût immodéré pour les 4X4 et autres limousines ne soit plus adéquat avec leur vision d’un développement durable des quartiers, et au sens plus large de la ville.

Des systèmes de mobilité alternatifs ont ainsi été mis en place, les rappeurs peuvent maintenant se la péter tout en étant « sustainable », et en plus ça plait aux filles.

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Pimp C kiffe les stations lowride :

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Lil Wayne opte pour la réutilisation d’un carrosse royal

 


A première vue et sur un plan strictement urbain, on peut affirmer que les informaticiens sont des connards. Ils bouffent de la merde surgelée, ils restent enfermés chez eux, ils achètent uniquement de la hifi et de l’informatique, ils téléchargent et ils consomment énormément d’énergie, ce qui signifie qu’ils ne contribuent pas à l’activité du commerce de proximité (bouffe industrialisée, appareils électroniques venant de l’étranger…), à l’animation des espaces publics, les filles ne sont pas sexuellement stimulées et le réchauffement climatique progresse…bref, les informaticiens n’apportent aucune plus-value à une ville.

 

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La classe stérile

Les urbanistes/sociologues de deuxdegrés.net proposent donc de réunir et de cataloguer les informaticiens comme des membres de la « classe stérile« , soit tout l’inverse de la merveilleuse « classe créative » que Richard Florida définit comme une « une catégorie croissante de la main-d’œuvre qui est très instruite et bien rémunérée dont dépendent de plus en plus la croissance économique des entreprises et leur rentabilité. Les membres de cette classe exercent une grande variété d’activités dans toute une gamme de secteurs, des nouvelles technologies au monde du spectacle, du journalisme à la finance, de la production industrielle de haute gamme aux arts. » Les gens merveilleux de la classe créative achètent du bio, vont dans les bars, les musées…bref, ils intéressent les municipalités, contrairement aux membres des classes stériles qui ne servent à rien pour le dynamisme et le développement d’une ville.
Un espoir existe cependant car à y regarder de plus près et en s’inspirant de ce qu’il se passe lors de « lan-parties« , on s’aperçoit que les informaticiens génèrent quelques ressources qui peuvent être réutilisées comme la chaleur et la lumière issues des écrans et des ordinateurs :

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Le bâtiment « pile »
En suivant le mode de vie des informaticiens, on suppose que la configuration des appartements va changer (pas besoin de vraie cuisine, de salle à manger…) :
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Pour recréer quotidiennement les conditions des lan-parties, on pourrait concentrer les informaticiens dans un même immeuble. Cet immeuble deviendrait alors une véritable pile. Avec l’accumulation d’ordinateurs allumés, il y aura une génération importante de chaleur et de lumière qui pourraient être intégrées dans le fonctionnement urbain et faire fonctionner des serres de beaux légumes bio par exemple. Serres urbaines qui attireront à leur tour quelques membres des classes créatives, formant ainsi un sympathique écosystème avec les classes stériles :

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Pour les femmes qui sortent avec des informaticiens, nous vous rappelons que Machin Pattinson souffre des mêmes contraintes quotidiennes que votre mari (c’est un vampire, il vit dans le noir).


Selon une enquête IFOP en 2010, 77% des internautes déclarent être membre d’au moins un des réseaux sociaux existant testés (facebook, copains d’avant, twitter…), plus de 2 millions de français ont un profil professionnel sur Viadeo…Tout le monde est de plus en plus identifié, marketé, c’est la montée du personal branding où l’art de gérer et faire vivre sa marque personnelle dans la vie réelle et sur le web (ici, un site de personal branding qui exprime bien le concept : de manager à manager-star). Les gens deviennent des marques, identifiées, standardisées.

Pour simplifier, en observant les réseaux sociaux, on peut estimer que les gens se classent suivant 4 catégories

Les profils des personnes sont policés, seuls les losers courent un risque (moqueries…). Le problème aujourd’hui est qu’avec la généralisation des smartphones, le développement de la réalité augmentée, on pourra vous reconnaître dans la rue et alors tout le monde saura que vous avez une petite bite ou que vous n’avez pas rempli vos objectifs commerciaux en 2010…

Bref,  les losers de la e-réputation ne pourront plus passer inaperçus en ville; il faudra inventer un espace où les smartphones, le wifi et la 3G ne marchent pas pour éviter de se faire reconnaître. Il faudra aussi éviter les lieux avec trop de visibilité.

La ville se transformera. Aujourd’hui, tout le monde est visible : les gens cools, les losers. Demain, les losers tenteront de disparaître de l’espace public tout en continuant à vivre normalement, ils circuleront dans des tunnels à losers :

 

La ville de demain ressemblera à ça :

 

 

Si vous ne savez pas à quoi ressemble un loser, regardez ça.

Ces derniers mois, les caillassages de bus en banlieue parisienne reposent la question de l’isolement des quartiers dit sensibles qui regroupent tout de même 4,7 millions d’habitants. La relégation spatiale de ces quartiers deviendra très problématique si les transports en commun ne les desservent plus car cela devient trop dangereux.

Pour continuer à assurer la desserte en bus, on peut suivre la voie prise par le gouvernement : escorte policière, bus blindé, etc.

On peut également prendre une voie alternative en revenant aux origines des caillassages de bus : les cailloux. Et oui, s’il n’y a plus de cailloux à envoyer sur les bus, il n’y a plus de caillassages.

Cas pratique

Prenons une rue paisible de Tremblay en France :

Un oeil non averti n’y voit qu’un paisible aire de jeux avec un immeuble pacifique remarquablement carrelé alors qu’un urbaniste passionné de sécurité sait y déceler de nombreux éléments qui incitent les jeunes à caillasser les bus :

C’est un espace potentiellement riche en cailloux qui seront autant de projectiles pour attaquer des bus.

Il est donc préconisé de supprimer les sources de cailloux dans les quartiers sensibles. Sans cailloux, le paysage change et ouvre la voie à la nouvelle attractivité de ces quartiers dorénavant apaisés. Regardez ce jeune homme désoeuvré qui ne trouve plus de pierres à proximité, difficile pour lui de continuer à attaquer les bus…peut-être se décidera t-il enfin de s’occuper d’un potager, comme tout bon Français.


 

Un nouvel équipement pour les zones pavillonnaires

En s’inspirant des « rues de la citoyenneté » de Curitiba au Brésil qui regroupent des services administratifs et sociaux, des commerces et des salles polyvalentes pour toutes activités, on peut transposer ce type d’équipement au sein des quartiers pavillonnaires français en s’adaptant aux réalités sociales et culturelles de ces espaces.

D’un côté, un éloignement des services publics (géographique, qualitatif et quantitatif). De l’autre, une place importante de la télé dans la journée (5h 40 quotidiennement par foyer) et des téléspectateurs concernés par les sujets qui y sont diffusés :

Regarder l’émission 100% Mag sur M6 permet de mieux cerner ces sujets auxquels les téléspectateurs sont attentifs :

– Repérer un bon kebab,

– Pose de lambris,

– La mezzanine,

– Le mini four à pizza,

– Les cosmétiques périmés,

– Le barbecue,

– La cuisine toute en papillote, etc.

Les chaînes de télévision, M6 en tête, deviennent des coach de vie (image suivante : extrait du site internet de M6) :

Parallèlement, avec leurs difficultés d’audience, on imagine que les chaînes de télé vont essayer de trouver de nouvelles zones d’influence et investir pleinement ce secteur du service à la personne et créer ainsi un modèle alternatif aux « rues de la citoyenneté » de Curitiba : les centres civiques M6. Ces centres prolongeraient sur le terrain l’ensemble des conseils délivrés dans les émissions.

L‘aménagement d’un centre civique M6

C’est un aménagement classique qui repose sur une légère intervention foncière au sein d’un espace pavillonnaire (utilisation de quelques terrains et des nombreux espaces libres comme les raquettes, etc). La programmation urbaine se cale sur les émissions de M6 (Super Nanny, Belle toute nue…).

Le résultat final permet de générer quelques cheminements piétons qui désenclavent les lotissements, des espaces publics de qualité et des services de proximité. Bref, le centre civique M6, c’est un orgasme urbanistique.

La question de l’intervention foncière

Ces projets nécessitent l’acquisition de quelques terrains, une opération délicate et coûteuse que l’on peut régler bien heureusement grâce à la télé. Une émission avec différents candidats sous le coup d’une expropriation, un vote SMS du public qui choisit la victime et qui permet de financer le coût de l’acquisition. Voilà, un problème résolu de manière ludique et tout finit bien grâce à une mise en scène façon « Les maçons du coeur » lorsque le centre civique ouvre enfin.

L’organisation spatiale des lotissements permet de desservir une centaine de maisons via un système routier qui limite le nombre d’entrées et de sorties. Les points rouges sur la carte suivante situent les accès entre le lotissement pavillonnaire et le reste de la ville .

Une noue est un fossé peu profond et large, végétalisé, qui recueille provisoirement de l’eau, soit pour l’évacuer, soit pour l’évaporer ou l’infiltrer sur place. Les noues sont de plus en plus utilisées par l’écologie urbaine, ou associée à des approches de types HQE avec souvent comme premier objectif de limiter la pollution de l’eau et d’améliorer l’environnement urbain et la santé. (wikipedia)

Avec l’attention portée sur les questions de sécurité, on peut imaginer que l’association des deux devrait donner un peu plus de sens à la ville insulaire, avec des espaces urbains réellement isolés par l’eau. Voilà une bonne occasion de laisser tomber les portails de sécurité et de remettre à la mode les pont-levis pour contrôler l’entrée dans les lotissements :

Les plans de licenciement économique ont des répercussions de plus en plus violentes : séquestrations de patrons, menaces de destruction des usines, etc. Les zones d’activités deviennent des zones de conflits et on imagine que les dirigeants des entreprises vont chercher des solutions pour pouvoir licencier plus sereinement. Voici trois types de solutions :

Scénario 1 : les usines sont indestructibles

Fini les menaces à la bonbonne de gaz et les séquestrations de patrons :

– les usines deviennent des blockhaus que les ouvriers ne peuvent pas faire sauter,

-les patrons sont protégés des enlèvements grâce à un abris antiséquestration (local blindé, réserves de nourritures, moyens de télécommunication, accès protégé…)

L’architecture des usines changera un peu : moins de tôle ondulée, plus de béton.

Scénario 2 : les usines sont démontables

Le but est de pouvoir délocaliser très rapidement les usines et éviter les manifestations sur place des ouvriers (ils peuvent encore manifester sur place mais on s’en fout, il n’y a plus d’usine ni de patron).

Avec un système de containers, on recrée des chaînes de montage en additionnant les différents modules. Les usines ressemblent à des jeux de construction :

Avec ce système rapidement construit, déconstruit et déplacé, les zones d’activités devraient davantage ressembler à des espaces portuaires avec un petit parking pour accueillir quelques fourgons de CRS chargés de protéger les convois d’usines mobiles. Et encore une fois, la main d’oeuvre asiatique offrira de gros avantages : ils ont l’habitude de voyager en containers.

Scénario 3 : les usines sont imperméables >

De nouvelles stratégies de défense feront peut-être leur apparition dans les cahiers des charges d’aménagement des zones d’activités et pour cela, on a plein de références.

En s’inspirant des wargames, on mettra en place des stratégies de déplacement des « troupes », on utilisera les bâtiments comme des murs en les collant les uns aux autres. Les urbanistes apprécieront, avec ces murs de bâtiments, ils pourront se débarrasser des clôtures inesthétiques et faire de beaux efforts sur l’alignement sur rue.

Enfin de l’urbanisme un peu ludique et un renouveau des paysages de zones d’activités :

 

Selon les données de l’INSEE, 20% des salariés touchent plus de 3 000 euros par mois. Ce sont ces salariés qui voient leur salaire augmenter le plus rapidement :

Et qu’impose t-on à ces 20% de braves salariés supérieurs qui viennent par exemple travailler à la Défense : une vue depuis leurs bureaux sur les 80% les plus pauvres…On est bien loin du cadre paysager stimulant que savent créer les américains autour de leur CBD :

Pourtant, en voyant ces deux photos, on se dit qu’une solution constructive existe autour du quartier de la Défense. Parce que nous sommes des humanistes, on ne va pas chasser les pauvres, on va simplement les cacher.

Pour cela, on crée une colline artificielle au dessus des quartiers de grands ensembles existants :

Cette colline artificielle a le triple avantage de rendre invisibles les salariés les moins méritants, de créer un cadre paysager attractif et d’offrir des opportunités de densification intéressantes :

On peut même faire en sorte que les 20% les mieux payés ne croisent pas les 80% les moins bien payés.

Et là on peut se permettre de rêver :

Lundi dernier, la police arrêtait 4 dealers à Tremblay-en-France. 2 jours après, les dealers mettaient le feu à un bus. Et si pour régler le problème les dealers devenaient gestionnaires d’un réseau de transport en commun ?

Imaginons que les dealers prennent en charge une ligne de bus : le bus deviendrait une « épicerie » mobile : les dealers organiseraient un circuit pour se rendre chez les consommateurs. Ce circuit pourrait fonctionner comme une ligne de bus standard qui transporte des usagers.  Fini les dealers qui squattent les cages d’escaliers, fini le risque de se faire brûler son bus et, surtout, ce serait du deal « équitable »  plus respectueux de l’environnement via une réduction des déplacements en voiture.

Exemple fictif sur Tremblay-en-France  :

Le commerce de cannabis classique :

L’organisation d’une ligne de bus par les dealer :

Et avec des dealers à la tête d’une ligne de bus, on va entrer dans une autre symbolique pour les véhicules. Parce qu’un trafiquant qui peut gagner jusque 550 000 euros par an ne roule pas en petite navette électrique, mais plutôt dans ce genre de choses :


Ça pourrait donner ça pour les bus  :

Enfin, une ligne de bus gérée par des dealers constitue également un bon moyen pour améliorer le sentiment de sécurité dans les transport en commun :

Les gothiques servent peut-être à quelque chose. 

Si on prend la peine de s’intéresser à leur « culture », on s’aperçoit qu’ils offrent des pistes intéressantes pour l’aménagement urbain. Et pour commencer il faut répondre à ces questions :

C’est quoi un gothique et quelles sont ses intéractions avec l’espace urbain ?

Piste 1 : les cimetières

Dans des villes de plus en plus denses, les gothiques nous montrent la voie vers une prise en compte des cimetières comme espace public central. Avec un aménagement paysager minimum, les gens y trouveront un lieu calme, avec de l’espace, de la verdure, une collection de fleurs évolutive dans le temps et, contrairement à un parc, les enfants vous feront pas chier avec leur ballon.

S’il n’y a plus de voitures en ville dans les prochaines années, que va t-on faire de tous les parkings souterrains ? Et bien on y mettra des gothiques. Logés sous la terre, ils seront heureux car géographiquement plus près de l’Enfer, ils ne seront pas en contact avec la lumière, les arbres, etc.

Une ville souterraine, c’est de la densité et de sérieuses économies énergétiques pour le chauffage.

Le gothique est peut-être une solution pour la ville dense de demain, ce qui n’est pas du tout le cas des émos. Ceux-là mettent des immeubles partout, des néons sous les bagnoles, sans parler de la pluie qui s’arrête jamais.

Avec l’attention portée sur la pédophilie et l’Eglise catholique, on peut craindre la montée d’une certaine méfiance des parents envers les prêtres. L’image classique des villes avec leur clocher et les habitudes des urbanistes vont en prendre un coup.

A la vue de ce charmant petit village, les urbanistes éviteront de dire au maire : « Oh, une école et une église, en voilà une belle centralité à mettre en valeur ! ». Les parents ne voudront plus laisser traîner leurs enfants innocents à proximité d’une église et de son prêtre.

On imagine que les liens entre écoles et églises évolueront selon différents scénarios :

1- scénario au fil de l’eau/ Rien ne bouge mais on sécurise (caméras, drone, agent de sécurité).

2- scénario Las Vegas / D’une part, on relocalise les églises loin des enfants. D’autre part, avec la baisse du nombre de prêtres (65% ont plus de 65 ans) et leur rotation sur différentes églises (voir documentaire vidéo suivant), il serait judicieux de les déplacer sur des lieux facilement accessibles en voiture. Au regard de ces deux critères, les zones industrielles sont de nouvelles localisations intéressantes pour les bâtiments de culte.

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3- Si les prêtres quittent les centre-villes, que faire des bâtiments qui restent ? Pas envisageable de les faire disparaître, coûteux à entretenir…

Une possibilité, compte tenu des caractéristiques thermiques des églises, est de répondre au besoin croissant en data center. Remplir les églises de serveurs, c’est une cohabitation harmonieuse qui permet de ne plus avoir froid à la messe de minuit.

Nous vous proposons un index pour vous retrouver dans tous ces articles et nos grands thèmes de réflexion.

Les livres

Tout d’abord, nos deux livres clés qui synthétisent nos réflexions.

Le Petit Paris (édité en 2013, Grand Prix du Livre d’Architecture en 2015) raconte la réduction volontaire et fictionnelle de l’Ile-de-France pour mieux l’aménager. C’est tout d’abord une satire de l’urbanisme (et de tous ses vilains fantasmes) mais aussi une vision de ce qu’est la ville selon nous. On parle d’usagers, d’usages, de représentations, de conflits, de collaborations.

Le Méga Grand Bordeaux (édité en 2017) raconte la croissance non maîtrisée de l’agglomération bordelais à l’horizon 2050. Gilles, fonctionnaire territorial, doit mener un projet impossible d’aménagement participatif pour régler tous les problèmes (saturation des transports, augmentation des prix de l’immobilier, éloignement des lieux d’emplois). Le Méga Grand Bordeaux aborde les questions de la concertation, de la co-construction et puis, il propose une vision d’un aménagement pris en main par les habitants, où modes de vie et territoires se rencontrent pour construire de nouveaux lieux loin du centre de l’agglomération.

Les articles clés pour comprendre notre approche de l’aménagement

Nos conférences et nos articles

Le laboratoire

Notre histoire a commencé par une longue série d’articles plein de second degrés. Le principe était simple : on créait des projets pour des usagers non pris en compte (les obèses, les gothiques) ou on imaginait des futurs possibles en fonction des actualités de l’époque. C’est drôle, plein de mauvais esprit, mais ça ouvre de perspectives intéressantes 🙂