« Retour deux degrés – 5ans

deux degrés existe depuis 5 ans. 5 ans que nous explorons les rapports entre évolutions de la société et aménagement du territoire pour (enfin) se marrer et prendre du recul sur notre métier d’urbaniste. Et le recul, c’est pratique pour questionner les manières de faire.
Cet anniversaire nous offre un bon prétexte pour prendre du recul sur nous-mêmes, sur nos manières de faire. C’est l’occasion de vous dire, après une brève rétrospective, ce que nous avons appris et, surtout, de vous dire ce vers quoi nous nous dirigeons. Car oui, nous n’avons pas oublié que notre métier est cool et à partir de juillet les ami(e)s, nous allons vous proposer plein de nouvelles choses : de l’urbanisme, de la géographie, du tourisme. Et également un site un peu remanié et enrichi.

Ça va être bien.
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Etape 1 : Le point de départ (2010 – 2013) – Une exploration aigrie avec 3 questions en tête

Schéma classique : Mathieu, diplômé de son master d’urbanisme, se retrouve au chômage. Il adopte alors une stratégie non-constructive consistant à se foutre de la gueule des gens qui ne veulent pas l’embaucher. Il crée le site deux degrés. Il est rejoint par Florian, pote de promo et donc également chômeur fraîchement diplômé. Ensemble, ils vont se moquer de leur profession à travers trois questions aussi essentielles qu’existentielles.

Pour qui fait-on de l’urbanisme ?

C’est la question fondatrice du site, posée à travers l’analyse des perspectives d’architectes. En examinant les personnages qui peuplent les images de projets, il semble évident que la sociologie envisagée par les architectes est bien différente de la réalité française. Nous constatons que l’on fait de l’urbanisme pour une population totalement fantasmée, donc pas pour les usagers qui fréquenteront réellement les lieux. Pour être constructifs, nous proposons une alternative qui consiste à faire des projets pour les usagers qui restent invisibles dans les perspectives d’architectes. Nous imaginons des projets pour des gothiques, des nains, des séniors agressifs, etc.

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Comment fait-on de l’urbanisme ?

Après la question des destinataires, nous nous sommes intéressés à la pratique de l’urbanisme. En nous penchant sur les notions incontournables qui guident cette pratique, nous avons la vilaine impression qu’elles sont appliquées de manière automatique, sans grande réflexion contextuelle. Pas d’idée ? Faisons un écoquartier avec de la mixité sociale ! Ça marche à tous les coups… mais ça sonne un peu creux. Nous décidons alors de détourner ces grandes idées pour voir si on peut leur faire dire n’importe quoi… Il s’avèrera qu’on peut leur faire dire n’importe quoi. Mais, en passant par la case « n’importe quoi », on peut aussi leur faire dire des choses intéressantes.

La justice de proximité
L’éco-quartier

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Pourquoi fait-on de l’urbanisme ?

Dernière question, probablement la plus intéressante : quelles sont les raisons qui poussent des élus ou des urbanistes à vouloir développer un territoire ? Pourquoi, notamment, veut-on absolument recevoir des habitants supplémentaires ? Que permettent-ils de mettre en place ? Pour y répondre, nous avons examiné le cas le plus emblématique : celui du Grand Paris. Nous nous sommes demandés ce qui encourageait les élus à faire grandir une métropole dont la taille peut déjà être problématique pour ceux qui y vivent. Et la raison derrière tout ça nous a semblé plus que pauvre : gagner des places dans des classements mis en place par des cabinets de conseil. Le tout sur un fond de peur : « si vous perdez des places dans nos classements des métropoles mondiales, vous êtes foutus ! ». Bref, des arguments de merde. Qui se soucie encore de sa place dans les classements après sa crise d’adolescence et son premier bulletin de notes sans félicitations du conseil de classe de 4ème ? Personne… à part des gens dont la carrière professionnelle est fondée sur des classements stupides… Ah ! OK, c’est cohérent. Les gens qui bossent dans ces cabinets de conseil qui vendent des classements sont probablement passés par les grandes écoles. Nous, nous sommes allés à la fac alors les classements, nous savons que c’est pour les neuneus. Donc pour faire bouger les lignes, nous avons détruit Paris. Juste pour voir ce qu’il se passerait. C’est comme cela qu’est né Le Petit Paris.

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Au bout de ces 3 années, nous avons essayé de « théoriser » cette exploration à travers le concept de ville chiante. Une ville neutre, qui serait le résultat de manières de faire de l’urbanisme assez peu stimulantes… mais néanmoins dominantes. Évidemment, la simple critique était un peu facile. Nous avons donc essayé de proposer une alternative (parmi d’autres). Pour cela, nous nous sommes dit qu’il fallait avant tout réapprendre à regarder. Regarder les gens, s’intéresser à leurs modes de vie, à leurs passions, à leurs envies. Bref, être capable de faire des perspectives d’architectes qui ressembleraient à la vie réelle.

 

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Etape 2 : Le maître-mot – Réapprendre à regarder

Enfants ayant grandi dans les raquettes de lotissement, le réflexe anti-périurbain de la profession nous a toujours laissé perplexe. Surtout qu’il se passe plein de choses dans les méandres des espaces pavillonnaires. Suffit de savoir observer sans jugement hâtif et savoir s’émerveiller pour autre chose que du street art. Pour mieux comprendre, partons aux États-Unis.

Prenons en exemple un récent projet de stade à Los Angeles, assez typiques des standards nord-américains : le Projet de Los Angeles stadium pour les franchises NFL des Chargers et des Raiders.

los angeles stadium

Un œil d’urbaniste remarquera qu’il se situe en grande périphérie et, surtout, que le stade est placé au beau milieu d’un parking disproportionné : tout a été conçu en fonction de la bagnole. Ce projet serait décrié en Europe parce qu’il manque les accès de transports en commun et l’espace public apaisé/pacifié (comprenez « sans voiture ») indispensable pour valoriser les accès et mettre en scène le bâtiment. Pour rappel, voilà le stade de Lille tel qu’il avait été vendu sous forme de maquette… à peu près la même chose mais, en ce qui concerne les abords du stade, en plus beau et sans voitures :

©Christophe Bertolin/IP3; Paris, France, le 5 mars 2009 -  presentation du partenariat public prive (PPP) du Grand Stade de Lille -

Maquette du Grand Stade de Lille (2009), Christophe Bertolin / IP3

Revenons à nos stades américains. Si on résume : on crée une gigantesque concentration de bagnoles sans aucune « aménité » donc une catastrophe éco-ce que vous voudrez, le tout pour du sport, autrement dit un truc de gros beaufs, parfaitement dispensable… et en plus ce sont des beaufs américains ce qui n’arrange pas leur cas. Bref, notre esprit européen sage et citoyen nous pousserait à attribuer un zéro pointé à l’urbanité de ces stades.

Sun Life stadium

Sun Life stadium de Miami (tel qu’il existe avant de prochaines modifications)

Sauf qu’il s’agirait d’une grave erreur d’interprétation. Revenons à L.A. avec cette image, qui est peut-être la plus importante de la présentation du projet.

Projet LA (2)
Juste en bas, on peut voir… un barbecue ! C’est pourtant bien une image de projet. Ces images qui sont habituellement si propres et dépouillées et donc ça, ce n’est pas anodin. Ça implique que ce parking est destiné à accueillir quelque chose d’éminemment important : une tailgate party.

Fans tailgate in the Waldron Deck before the Chicago Bears faced the Miami Dolphins on Sunday, Oct. 19, 2014 at Soldier Field. (Brian Cassella/Chicago Tribune)

Tailgate party à Chicago (Soldier Field, 2014)

Tailgate désigne le hayon, la partie arrière d’un véhicule. La tailgate party ou le tailgating c’est ce moment d’avant match (souvent très longtemps avant le match) ou l’on vient se garer, on ouvre le coffre de la voiture, on déballe le barbecue, la glacière… et on glande, on mange, on se déguise, on discute avec les voisins, on joue, on chante, on boit (c’est l’un des très rares contextes ou les américains boivent en public). Certains en font même un art de vivre avec toute la sobriété et le sens de la mesure qui caractérise les Américains.

Tailgating_bagnole
À l’arrivée, ces parkings sont des lieux de vie et ce qui s’y passe a une importance sociale déterminante. À tel point qu’il est important de le mettre en valeur jusque dans les images de projet :

The Minnesota Vikings say a new Arden Hills stadium would allow for better tailgating before football games than if a stadium were built in downtown Minneapolis.

Projet de Minnesota Sports Complex en 2011 (Minneapolis – franchise NFL des Minnesota Vikings)

Tous ces gens, photoshopés mais réels, ne nuisent pas au projet, au contraire ! Ils le servent beaucoup mieux qu’une image épurée ou trop sage.

Bref, des parkings, aussi vulgaires soient-ils, abritent ces kermesses en partie organisées, en partie improvisées, et mettent une branlée d’urbanité à n’importe quel parvis de stade européen. Ce sont des espaces sans qualité particulière, ni beau, ni prestigieux, ni quoi que ce soit mais, en tant qu’espaces publics, ils ont une qualité suprême, précisément la qualité dont on fait trop souvent abstraction : ils fournissent un prétexte pour se retrouver. Pour les Américains le sport est un important facteur de sociabilité et un simple parking suffit à être le lieu où elle s’exprime.

C’est bête mais quand vous réunissez au même endroit des milliers de gens qui sont venus pour la même chose et qui ont a priori une passion ou un intérêt commun, et bien ils discutent, ils affichent des couleurs (qui sont ou pas le mêmes), ils se chambrent, ils font connaissance, ils s’amusent, ils mangent ensemble… Et c’est peut-être pour ça qu’il n’y a pas besoin de faire de gros efforts d’agrément ou de recourir à des invocations « d’espace convivial ». Ce lieu EST convivial. Donc pas la peine d’en faire des caisses.

L’enseignement des tailgate parties, c’est que notre boulot consiste également à envisager l’envers social du décor. Nous regardons les lieux pas seulement pour ce qu’ils sont mais aussi pour ce qu’il s’y passe. Nous essayons d’envisager tous les potentiels d’un lieu puis nous discutons avec le maître d’ouvrage, savoir si c’est ce qu’il veut ou pas pour sa ville et ses habitants.

 

Etape 3 : Le retour aux fondamentaux – C’est quoi une ville ?

– Je fais de l’urbanisme car je veux sauver la planète grâce au développement durable. Je pense personnellement qu’il faut détruire les grosses voitures.

– OK, je te souhaite de mourir dans un terrible accident de roller ! Puisse ton corps en décomposition alimenter un compost pour l’éternité !

– Non…Le compost ne décompose que les matières végétales…

Ce sympathique dialogue fictif est un moyen subtil d’illustrer le cœur de notre philosophie, à savoir que chacun devrait être libre de faire ce qu’il veut, à conditions de ne pas (trop) déranger les autres. Selon nous, c’est l’essence même de la ville (dialogue écrit avant cette découverte majeure !).

Une ville c’est, d’abord et avant tout, une concentration de gens très différents en un même endroit. Ça peut paraître anecdotique mais, pour peu que les êtres humains vous intéressent un minimum, c’est précisément ce qui fait de la ville un spectacle fascinant. À condition, bien sûr, d’accepter la diversité de ces gens : diversité de leurs habitudes, de leurs modes de vides, de leurs aspirations… et donc les conflits que ces différences peuvent créer.

Pour choisir son lieu d’habitation, on recherche un compromis entre :

– la proximité des commerces et des services,

– la tranquillité personnelle (ne pas être dérangé par ceux qui ont des modes de vie trop contradictoires avec le sien),

– la possibilité, par moment, de partager des moments de convivialité avec des inconnus.

Le citadin standard ne veut pas être emmerdé par ses voisins mais il veut tout de même faire la fête de la musique avec eux.

À ce titre, le succès non démenti de la voiture individuelle est totalement cohérent. Pour bien des gens, la conduite en voiture est le seul moment où ils sont peinards (pas de famille, pas de collègues de bureau…). Et c’est pas Uber qui va empêcher quelqu’un de rentrer seul(e) chez lui (elle) au volant de sa voiture personnelle, en écoutant RMC et en insultant les autres conducteurs alentours ! Envisager le trajet en voiture comme un précieux moment de tranquillité plutôt que comme une expression de haine envers la nature, c’est une autre façon de faire du diagnostic.

Pour faire notre métier, nous pensons qu’il faut à peu près comprendre et accepter les envies des citadins. Et puisque tous les citadins n’ont pas les mêmes envies, arrêtons de vouloir mélanger les gens et les activités partout et tout le temps. Ça ne marche pas ! Il faut savoir ménager des moments individuels, des moments plus communautaires et enfin de grands moments collectifs.

 

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Nous avons tenté de proposer des outils pour aménager selon cette approche de la ville :

La complémentarité fonctionnelle : ne doivent cohabiter que des activités qui sont compatibles les unes avec les autres. La mixité fonctionnelle à outrance est la plus grande source de nuisance qui soit. Or, qui dit nuisances à tout va, dit gestion des nuisances par le bas : on régule les possibles jusqu’à ne plus pouvoir rien faire (plus de bruit notamment).

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Voir : Le puit irlandais

Les grumeaux urbains, qui seraient des espaces peu mixtes du point de vue des modes de vie. Des lieux où les gens vivent d’une certain façon et dans lesquels, si vous ne partagez pas cette façon de vivre, vous n’êtes pas encouragés à vous installer. Mais ces grumeaux doivent rendre un service d’intérêt général en étant accessibles, bien connectés à l’ensemble de la ville, ouverts, pour profiter à tous et notamment à ceux qui souhaitent n’y passer que quelques heures. Si l’ambiance du quartier ne te convient pas 24h/24, ne viens pas t-y installer puis gueuler pour que les choses changent !

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Mais la théorisation est un exercice périlleux, forcément réducteur. Et puis les villes ne se ressemblent pas. Bien cerner le contexte, jouer avec, savoir s’adapter à chaque situation, c’est précisément ce qui fait l’intérêt du métier d’urbaniste. C’est pourquoi nous avons un cadre de pensée mais nous valorisons surtout un regard et une approche assez instinctive. Ce sens de l’observation, des intuitions et une bonne connaissance des règles de l’urbanisme opérationnel, voilà nos fondamentaux. Reste à mettre en place une méthodologie adaptée pour bosser et faire des projets.

Alors comment fait-on du projet à partir de tout ça ? Surtout quand y’a plus d’argent.

Etape 4 : La démarche

La mise en récit : raconter un projet pour anticiper, pour programmer.

Nous avons choisi de mettre en récit les projets. C’est notre façon d’être pertinent.

Après le traditionnel diagnostic technique, un plan de situation, une esquisse, un premier programme, nous testons le projet. Pour cela, nous tâchons d’imaginer quels seraient les futurs usagers et comment ils pourraient s’approprier les lieux. Nous rédigeons des courts scénarios d’appropriation (c’est un travail rapide, assez instinctif). Nous faisons en sorte de déceler les potentiels de conflits. C’est essentiel : dans une bonne histoire, il faut une intrigue et des péripéties. Nous évaluons et nous modifions le projet en fonction. Mais la mise en récit n’étant pas une science exacte, nous essayons toujours d’être le plus juste possible, en multipliant les points de vue, selon différents profils d’usagers. Pour ceux qui ont une heure devant eux, nous avons fait une conférence à ce sujet ici.

Pour ceux pas convaincus par la mise en récit, nous vous suggérons de retenir une seule chose : l’important, c’est le processus de construction du projet. Il faut être souple, faire évoluer le programme en fonction des contraintes, trouver des solutions aux emmerdes qui apparaissent. Ne vous empressez pas de réaliser un plan trop beau et trop figé, vous perdez de l’agilité. Acceptez de vous lancer dans des projets sans dessiner tout de suite. Commencez par anticiper les problèmes. Surtout, soyez bidouilleurs ! Avec les incertitudes budgétaires, les incertitudes sur l’appropriation future, les problématiques de gestion une fois les aménagements réalisés, mieux vaut construire le projet chemin faisant que d’essayer de produire une solution miracle en amont que vous allez devoir modifier une dizaine de fois.

deuxdegres_methode_mise-en-recitCe qui est pratique avec la mise en récit d’un projet, c’est que vous prenez de l’avance sur la communication. Une bonne histoire, ça vaut une belle image. C’est moins immédiat mais ça implique plus les futurs usagers (par contre, ceux qui sont contre le projet risquent de le rester). Raconter une histoire, pour nous, c’est la base. Si l’histoire que raconte votre projet n’est pas très bonne, et bien il est fort probable que votre projet soit lui-même un peu mou. La question étant de savoir à quel point c’est grave (là, c’est à vous de voir). Si c’est un projet résidentiel, ce n’est pas problématique. Si c’est un projet de super cluster attractif, c’est mal barré.

À défaut d’avoir une méthodologie très précise à vous proposer, nous pouvons vous faire partager les réflexes que nous nous imposons quand nous bossons (ils ont l’air bêtes mais, selon nous, c’est une bonne base pour faire un projet qui tient la route).

Les questions que nous nous posons lorsque nous faisons un projet sont les suivantes :

1 – Pour qui fait-on ce projet ? Quels seront les futurs usagers ? (c’est là qu’il faut envisager un maximum de profils d’usagers)

2 – Pourquoi fait-on ce projet ? Autrement dit, pourquoi des gens viendraient traîner là ?

3 – Surtout, demandez-vous si c’est vraiment ce qu’ils veulent. Est-ce que ça va marcher ? Sincèrement ! Mettez-vous en situation, rentrez dans la tête des gens ! (quitte à vous mettre volontairement à la place d’individus chiants/difficiles). Prenez en compte les concurrences locales.

Et là, un point de méthode important pour vous aider : nous vous conseillons de reformuler toutes vos grandes idées (enjeux, objectifs, lignes directrices) de manière simple et terre à terre. Cela aide à y voir clair. Un « espace public convivial mixte intergénérationnel » devient « 2000 m² de pavés avec 3 bancs, 6 arbres, un bac à sable et une table d’échec ». Souvent, ça fait mal ! Mais ça aide à aller à l’essentiel et à trier les concepts fumeux.

Le Tilleul - espace intergénérationnel
Alors vous vous dites peut-être : « Ouais, la mise en récit, OK. Se mettre à la place des gens pour essayer d’anticiper ce qui pourrait se passer… pourquoi pas ? Mais pour se mettre dans la tête des gens, faut savoir ce qu’ils veulent. Et ils veulent quoi les gens ? »

Et bien ça c’est une excellente question pour le prochain épisode !

 

Etape 5 : Les enseignements de l’observatoire : les deals territoriaux

En 2014, nous nous sommes lancés dans un observatoire des villes moyennes. Pour plusieurs raisons.

Premièrement, y’a plus d’argent public et les villes moyennes sont dans une situation délicate. Plus d’argent pour faire l’inévitable Zénith… donc il va falloir trouver d’autres pistes plus malines. L’observatoire nous aide à explorer ces pistes.

Deuxièmement, quand elles ont encore quelques moyens, les villes ont tendance à faire les mêmes équipements (du stade nautique au centre de congrès en passant par la médiathèque – qu’on appelle learning center maintenant). Nous pensons que ce n’est pas très intelligent. Raison de plus de s’intéresser aux villes moyennes, qui ne peuvent justement pas tout avoir (diversité économique réduite, niveau d’équipement limité). Nous nous intéressons à leur identité, à leur géographie, à leur culture, car ça reste de bons arguments d’attractivité, et qu’ils ne coûtent pas cher.

Avec sa version beta très discutable et son questionnaire, voilà ce que nous a enseigné l’observatoire sur le comportement des habitants.

On s’installe dans une ville, dans un quartier, selon un compromis entre envies et contraintes (contraintes avant tout professionnelles et familiales, autrement dit : gagner sa vie et voir les gens dont on est proche). C’est pour cela, par exemple, que des gens vivent encore dans le département de la Meuse.

Une fois qu’on s’est installé, pour ne pas devenir fou, il faut se convaincre que l’on est au bon endroit, au bon moment. Pour ça, on analyse les aspects positifs de sa ville et on fait un peu abstraction des aspects négatifs. On se construit mentalement la conviction que sa situation résidentielle est favorable (elle l’est forcément sur certains points, ce qui permet, avec un peu d’auto conviction, de ne pas trop penser aux aspects insatisfaisants). Les gens en jouent pour valoriser leur situation et, surtout, pour ne pas péter un plomb. Parce que si, tous les matins, vous vous dites que vous habitez dans un endroit merdique, vous n’allez pas aimer vous lever très longtemps.

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De ce processus mental d’apaisement résidentiel, nous pensons pouvoir tirer des enseignements sur l’attractivité (on avait appelé ça PPP à une époque). Une fois réglés (ou pondérés) les problèmes financiers (le boulot) et éventuellement familiaux, les gens sont prêts à se sentir bien quelque part, pour peu que le deal géographique soit honnête.

Un bon deal géographique, une bonne promesse résidentielle, c’est une raison satisfaisante pour s’installer (ou rester) à un endroit plutôt qu’à un autre. Si vous aimez le ski, vous irez près de la montagne, si vous aimez la voile, vous irez près de la mer et peu importe s’il n’y a pas de musée ou de salle de concert dans le coin. Ce qui est important, c’est que votre territoire puisse vous proposer quelque chose qui n’est pas disponible partout, parce que ça vous conforte sur le fait d’être au bon endroit au bon moment ! Comme le dit Michel Lussault, les sociétés humaines, c’est une question de « positions relatives et de jeu de distance » (il a du le dire mieux que ça mais l’idée est là).

A contrario, nous sommes convaincus d’une chose : une ville doit absolument éviter les mauvais deals. Surtout ne pas avancer une promesse qui ne peut se réaliser. Si vous promettez à des étudiants une ville festive mais qu’il n’y a que 2 bars et un couvre feu à 01h du mat, ils vont faire la gueule et ils ne vont pas se priver de partager leur frustration avec leur entourage. Une promesse mal tenue, c’est un retour de mauvaise réputation direct dans la gueule ! Craignez ce que peuvent dire les gens de votre ville si vous les décevez. À l’heure des réseaux sociaux, le bouche à oreille fait des ravages et c’est pas votre campagne de com’ qui changera grand chose.

Autre point important. Les gens commencent à péter un plomb quand le deal n’est plus assez intéressant et quand ils ont l’impression d’être bloqués. Quand ils sentent que leur positionnement géographique les empêche d’évoluer (professionnellement, personnellement). Proposer de bonnes alternatives pas trop loin est essentiel pour un territoire. Même si vous ne passez jamais à l’acte, vous aurez l’esprit plus tranquille dans une ville moyenne si vous savez que vous pouvez, un jour, déménager dans une ville plus grande et pas trop éloignée. Le fait de pouvoir disposer d’une offre résidentielle complète (du village à la métropole régionale) sur des distances contenues (moins de 2 heures de route) est un plus pour toutes les villes d’un territoire donné (métropole comprise).

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Le deal, le compromis résidentiel, pose la question de la complémentarité entre les territoires. Tous les territoires ne se ressemblent pas. Et c’est tant mieux, car on peut aller chercher chez les voisins ce qu’on n’a pas chez soi. Reste à assumer cette complémentarité et à ce qu’elle soit intelligente.

Bref, cette histoire de deal a le mérite, selon nous, de replacer les envies des habitants au premier plan et d’en faire les ambassadeurs de votre ville (de bons ambassadeurs si le deal est bon, de mauvais ambassadeurs si le deal est mauvais). Il faut donc essayer de mieux cerner vos habitants, travailler sur leurs passions, accepter la diversité de leurs envies et envisager les bons compromis géographiques que l’on peut leur proposer. Nous allons donc tâcher d’imaginer de bons deals pour les territoires dans les années à venir. Pour ça, on a programme qu’on vous présente dans le prochain (et dernier) épisode.

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deuxdegres_deal_Recontreville-Reims

 

deuxdegres_deal_Recontreville-Rochefort

La géographie c’est cool !

Cette histoire de deal géographique nous semble essentielle. A partir de la rentrée, nous allons enrichir le contenu du site deux degrés, pour mieux aborder les question de médiation, de stratégie et de promotion territoriale.

En septembre, nous vous proposerons donc une nouvelle rubrique géographique. Le concept est simple : lier modes de vie et territoires. Vous ne voulez pas recevoir d’ondes Wi-Fi dans la tête? Nous allons vous dire où vous allez devoir vivre !

En octobre, nous publierons Grenoble Safari ! Après Bordeaux, nous partons en Isère pour une formule améliorée de notre guide immersif. Doctorants en Quechua et amateurs de chartreuse, nous vous donnons rendez-vous vers le 5 Octobre à Grenoble.

En novembre, nous lancerons la saison 2 de l’observatoire des villes moyennes avec une évolution sur la forme : moins de fiches exhaustives sur des villes mais davantage une mise en scène de la France en 2030 via un mode championnat sportif. Bref, des compétitions territoriales thématiques, avec des gagnants et des perdants.

Mais d’ici la rentrée, nous allons mettre à jour le site pour mieux valoriser les différents contenus et améliorer la visibilité. Et nous lançons une newsletter de suggestions de destinations touristiques. Le but ? Vous faire découvrir la France et surtout renouveler les codes de la communication territoriale. Notre illustratrice estivale, Lucie, a bossé dur pour vous proposer un univers géographique stimulant et immersif. Ce site s’appellera d’ailleurs à la coule. On vous le montre la semaine prochaine mais on peut déjà vous dire que ça ressemblera à ça :

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Voilà.

Nous espérons que ça vous plaira. Merci encore de nous suivre. Gardez la pêche ! Nous comptons sur vous pour diffuser nos (bonnes) productions.

N’oubliez pas que la géographie, c’est cool. Nous, nous sommes plein d’enthousiasme et d’amour et nous tâchons de le partager avec vous.

Bonnes vacances les ami(e)s (pour ceux qui sont coincés au bureau, notre newsletter touristique est faîte pour vous).